Title: Histoire des faits
1Histoire des faits économiques et de lentreprise
Arnaud Diemer, Université dAuvergne, 1ère année
Licence Economie
2- Introduction
- I. NATURE ET CARACTERISTIQUES DES CRISES
- A. La crise dans le cycle Juglar
- B. Les cycles longs Kondratief
- C. Perspectives historiques des crises
- II. LINTERPRETATION THEORIQUE DES CRISES
- A. Lécole libérale et la crise de loffre
- B. Lécole keynésienne et la crise de la
demande - C. Lécole de la régulation et la crise du
modèle fordiste - D. Schumpeter et la création - destruction
-
- III. LES CRISES CONTEMPORAINES
- A. La crise de 1929
- B. La crise de 1975
- C. La crise de 1992
- D. La crise de 2007
3- INTRODUCTION
-
- Cest avec lavènement du capitalisme comme
système économique dominant dans lAngleterre du
19ème siècle, quil convient dassocier la notion
de crises. - La dynamique du capitalisme, marquée par
laccumulation du capital et la croissance
économique, nest pas linéaire. Elle est sujette
à des rythmes qui lui sont propres et qui
sexpriment en particulier par des crises
économiques dont il convient danalyser le
caractère, la spécificité, la nature - Au sens étymologique, le mot crise renvoie
à un moment paroxystique dans lévolution dune
maladie. Il est cependant possible de dissocier
les petites crises (dites conjoncturelles)
des grandes crises (dites structurelles),
lesquelles remettent en cause le modèle
économique, à limage de la crise de 1929 ou de
la crise de 2007. - Dans le langage économique, la crise
désigne le moment de retournement de la
conjoncture économique, le temps de passage
dune période dexpansion ou dessor assez
soutenue à celui dun phase de dépression ou de
contraction plus ou moins longue.
4- Dans la suite de cet exposé, nous
analyserons le phénomène des crises sous en trois
temps. - ? Dans un premier temps, nous commencerons
par observer la nature et les caractéristiques
des crises à laide des travaux de Juglar et
Kondratiev. Nous pourrons ainsi comprendre
lémergence de ce concept. - ? Dans un second temps , nous reviendrons
sur les différentes interprétations théoriques
des crises. En effet, il ny pas dobservation
sans théorie et de théorie sans observation.
Ainsi les différents remèdes préconisés dépendent
du schéma de pensée retenu.. - ? Dans un troisième temps, nous examinerons
la place prise par certaines crises dans
lhistoire du capitalisme. Si la crise de 1929
est présentée comme la grande crise du XX siècle,
il semblerait que léconomie mondiale soit
soumise à une multiplication des crises depuis
1974.
5NATURE ET CARACTERISTIQUES DES CRISES
6- Lobservation des crises a permis de
cerner leur origine, leur nature et leurs
caractéristiques. Les monographies ont donné lieu
à une interprétation en termes de cycles
conjoncturels ou cycles longs puis une analyse
des crises financières. - A. La crise dans le cycle Juglar
-
- Au XIXème siècle, léconomiste français
Clément Juglar montra que lactivité économique
est constituée dune succession de phases
lexpansion, la crise, la dépression et la
reprise. Clément Juglar est frappé par la
régularité de ces phénomènes et il considère que
la reproduction de ces phases se produit au cours
des cycles dune durée de huit ans en moyenne. - De fait, 13 cycles Juglar se sont
produits de 1825 à 1938.
7Phase de dépression 3 La baisse des prix, de la
production et des revenus se poursuit
Phase dexpansion 1 Hausse de la production,
des prix et des revenus Dvpt excessif des crédits
PIB
Phase de reprise 4 Arrêt de la baisse des prix
et des revenus Reprise de la production
Phase de crise 2 Retournement de
conjoncture Baisse des prix Réduction des
crédits Recul de la production
Durée du cycle 8 ans
8- Parallèlement, dautres cycles plus
courts furent observés, les cycles mineurs ou
cycles Kitchin dune durée moyenne de 40 mois,
ainsi que des cycles spécifiques à certaines
activités cycle de bâtiment, cycle agricole
(cycle du porc).... - Cependant à partir de 1945, le phénomène ne
sobserve plus de la même manière dans les
économies occidentales. Ainsi, aux périodes
dexpansion, succèdent des périodes de récession
caractérisées, non par la réduction de la
production, mais par la réduction des taux de
croissance. - En outre, bien que des baisses de prix,
notamment sur les produits de base, puissent se
produire, il ny a plus, au cours des phases de
stagnation économique, de baisse du niveau
général des prix. Au contraire, la persistance de
linflation accompagne souvent la récession, on
appelle ce phénomène la stagflation. Enfin, on
nobserve plus de périodicité régulière des
fluctuations.
9- B. Les cycles longs Kondratiev
- Cet en 1922 que léconomiste russe N.D
Kondratiev met en évidence lexistence de
mouvements longs et concordants des prix et de la
production (cycle dune durée moyenne de 50 ans
environ). A ces variations de prix
correspondaient des variations de même sens des
profits et de lactivité économique. Schumpeter a
désigné ces ondes longues du nom de cycle
kondratiev ou plus simplement de Kondratiev. -
- Les prix et la production connaîtraient
une succession de périodes dexpansion longue et
de périodes de dépression longue, périodes encore
désignées par François Simiand de phase A et de
phase B du Kondratiev. -
- Les phases longues ascendantes (25 ans
environ) sont liées à la mise en oeuvre dune ou
de plusieurs grandes innovations exemple de la
machine à vapeur (1780 - 1810/1817), du chemin de
fer et de lacier (1844/1851), (1870/1875), de
lélectricité, du moteur thermique et de la
chimie (1890/1896), (1914/1920). Les innovations
majeures donnent naissance à des branches
motrices, elles sont à lorigine de vagues
dinnovations ou de grappes dinnovations qui
sont copiées par les entrepreneurs en dehors même
des branches dorigine. Elles sont en effet
loccasion de profits supplémentaires et elles
déclenchent de nombreux investissements.
10- Les phases longues de déclin (25 ans
environ) succèdent aux phases ascendantes lorsque
les branches motrices liées aux innovations
principales arrivent à maturité ou entrent en
déclin et lorsquil ny a plus de possibilités
nouvelles dexploitation de ces innovations. Il
ny a donc au cours de ces phases une raréfaction
des occasions dinvestissement et de profit
tandis que la concurrence entre les entreprises
se fait de plus en plus destructrice. - Trois Kondratiev ont été ainsi repérés dans
lhistoire du capitalisme jusquà la seconde
guerre mondiale
PHASE A PHASE B
1er Cycle 1789/1793 1816 1816 1847
2e Cycle 1847 1873/1874 1873/1874 1896
3e Cycle 1896 1920 1920 1945/1945
11- La dépression longue des années 1970
1980, survenant après une période de croissance
accélérée denviron un quart de siècle (les
trente glorieuses) tend à accréditer lidée selon
laquelle cette succession assez remarquable
constituerait les deux phases classiques dun
cycle long (4e cycle).
Phase A Phase B
4e Cycle 1945 1970 1970 1990-1991
Entre 1991 et 2000, léconomie américaine a connu
lexpansion la plus longue depuis 1945, dépassant
même celle de 1961 1969. Elle a été suivie
dune nouvelle récession et dune phase
dépressive au début du XXI siècle. Certains
nhésitent pas à parler du 5e cycle Kondratiev.
12- C. Perspective historique des crises
- Il na pas de capitalisme sans crises
financières. Charles Kindleberger a retracé sur
longue période (du XVII siècle jusquà 1987) les
grands épisodes qui ont déstabilisé les marchés,
ruiner les institutions et redistribuer les
richesses, on peut ainsi citer - La crise des bulbes de tulipe (1634 1637)
- La crise de la South Sea Company et de la
Compagnie des Indes (1720) - Les crises engendrées par les guerres (huit entre
1713 et 1820) - La crise des chemins de fer et de canaux au 19ème
siècle
13Année Reprise Pays à lorigine Industries motrices Caractéristiques de la crise
1825 1831 Angleterre Début du chemin de fer, Exportation vers lAmérique du Sud Spéculation sur les investissements latino-américains, crise boursière
1836 1843 Angleterre Constructions ferroviaires, canaux, sidérurgie, houillères Spéculation financière, crise financière
1847 1852 Angleterre Constructions ferroviaires, industrie textile, métallurgie Spéculation, crise du change
1857 1858 USA Constructions ferroviaires, navales, production dor Spéculation, crise boursière
1866 1869 Angleterre Industries métallurgiques et houillères Spéculation, crise bancaire
1873 1878 Allemagne Constructions ferroviaires, essor industriel allemand et américain Krach boursier à Berlin, Vienne, New york
1882 1886 France Constructions ferroviaires, minières, métallurgiques Crise boursière, panique aux USA
14- En dissociant les quatre grandes périodes
suivantes (étalon or, lentre deux guerres,
Bretton Woods, laprès Bretton Woods) et les
quatre types de crises (boursières, bancaires,
cambiaires, jumelles), Bordo et al (2003), Dehove
(2003), Boucher (2003), Boyer, Dehove et Plihon
(2004) ont mis en avant les résultats suivants
- ?La fréquence des crises financières
(bancaires ou cambiaires) sest accrue depuis
labandon du système de Bretton Woods (1971).
Ainsi la probabilité de subir une crise de change
ou une crise bancaire pendant la période 1973
1997 sélevait à 10 ou 13. On voit ainsi
réapparaître les crises bancaires et les crises
doubles (bancaire et cambiaire) - ? Les pays émergents (crise asiatique
1997-1998) sont touchés par les crises de change
et les crises jumelles (notamment ceux ouverts à
la globalisation financière). Il sagit dune
combinaison de spéculation intense contre la
monnaie nationale (méfiance dans la stabilité du
taux de change) et dune vague de défaillances
bancaires (méfiance à légard de la liquidité ou
de la solvabilité des intermédiaires bancaires).
On assiste ainsi à une contagion régionale et une
extension de lespace géographique des crises - ? Les crises boursières présentes dans les
années 30, réapparaissent de manière importante
dans les années 2000 (valeurs technologiques en
2001, Subprime en 2007).
15Fréquence des crises bancaires, crises de change,
crises doubles 1890-1997
14 12 10 8 6 4 2 0
Crises bancaires Crises de change Crises
jumelles Toutes crises
1880-1913 1919-1930 1945-1971
1973-1997 1973-1997
21 pays 56 pays
La fréquence des crises est égale au nombre de
crises divisé par le nombre dannées multiplié
par le nombre de pays pour chaque période. Source
Bordo et al (2001)
16Fréquence des crises boursières aux Etats-Unis
1900 - 2003
17? Lorsquune crise financière se déclenche,
lexpérience montre que lEtat sabstient
rarement dintervenir, quelle que soit son
orientation politique, son niveau de
développement. Les crises bancaires sont ainsi
coûteuses en terme de budget public (montant
moyen des sommes engagées par les Etats entre
1970 2000 12.8 du PIB)
Indonésie (1997) Chili (1981) Thaïlande
(1997) Uruguay (1981) Corée (1997) Côte dIvoire
(1988) Venezuela (1994) Japon (1992) Mexique
(1994) Malaisie (1997) Slovaquie
(1992) Philippines (1983) Brésil (1994) Équateur
(1996) Bulgarie (1996) République tchèque
(1989) Finlande (1991) Hongrie (1991) Sénégal
(1988) Norvège (1987) Espagne (1977) Paraguay
(1995) Sri Lanka (1989) Colombie (1982) Malaisie
(1991) Suède (1991
50 40 30 20 10 0
En du PIB
Source Honoban, Klingebiel, 2000
18- ? Les crises financières ont un impact fortement
récessionniste. Le FMI (1998) a estimé à 11.5
limpact des crises bancaires récentes sur le PIB
des économies frappées et à 14 celui des crises
jumelles.
1880-1913 1919 1939 1945 1971 1973 1997 21 pays 1973 1997 56 pays
Durée moyenne des crises (en années) Durée moyenne des crises (en années) Durée moyenne des crises (en années) Durée moyenne des crises (en années) Durée moyenne des crises (en années) Durée moyenne des crises (en années)
Crises de change Crises bancaires Crises Jumelles Toutes Crises 2.6 2.3 2.2 2.4 1.9 2.4 2.7 2.4 1.8 - 1.0 1.8 1.9 3.1 3.7 2.6 2.1 2.6 3.8 2.5
Pertes cumulées de PIB Pertes cumulées de PIB Pertes cumulées de PIB Pertes cumulées de PIB Pertes cumulées de PIB Pertes cumulées de PIB
Crises de change Crises bancaires Crises jumelles Toutes crises 8.3 8.4 14.5 9.8 14.2 10.5 15.8 13.4 5.2 - 1.7 5.2 3.8 7.0 15.7 7.8 5.9 6.2 18.6 8.3
Source Bordo et al (2001)
19- Les crises financières seraient dorénavant
systémiques et non plus isolées. Leurs
conséquences dépendent donc du degré
dintégration financière des économies à
léconomie mondiale (globalisation financière
initiée dans les années 80). Les crises les plus
ruineuses se sont déroulées dans des pays ayant
bénéficié dun afflux massif de capitaux
étrangers. - Les déséquilibres fondamentaux (déficit
extérieur, déficit public, taux dendettement)
apparaissent de moins en moins comme les causes
directes des crises des pays nouvellement
financiarisés. - La contagion est lun des traits marquants des
crises financières. - Crise du SME 1992 1993 (Finlande, Italie ?
Autres pays) - Crise mexicaine de 1994
- Crise asiatique de 1997 (Philippines, Thaïlande,
Indonésie, Corée) - Crise russe de 1998
20II. LINTERPRETATION THEORIQUE DES CRISES
21- A. Lécole libérale et la crise de loffre
- Aux yeux des économistes classiques qui
dominent la pensée économique de la première
moitié du XIX siècle, les crises apparaissent
comme des accidents de nature conjoncturelle. A
la fin du XIXe siècle, le courant dit
marginaliste (Stanley Jevons, Carl Menger, Léon
Walras) continuera à entretenir cette idée. - Ainsi, dans le modèle néoclassique,
léquilibre est automatique et la crise est
logiquement impossible. Les déséquilibres
observés ne peuvent provenir que de facteurs
exogènes venant entraver le libre jeu de marchés
supposés autorégulateurs. Doù la condamnation
par les économistes néoclassiques des
dysfonctionnements de certains marchés ainsi que
de la plupart des interventions publiques. - ? Les crises sont des crises de loffre dues
à lexcès des coûts de production résultats de
salaires trop élevés ainsi que de charges
sociales et fiscales trop lourdes. - ? Les déficits publics provoquent la hausse
des taux dintérêt. Les décisions changeantes en
matière de politique monétaire accentuent
linstabilité de léconomie. - ? Les réglementations portant atteinte aux
lois de la concurrence (salaire minimum ou
monopoles des services publics...) retardent les
ajustements nécessaires.
22- B. Keynes et linsuffisance de la demande
-
- Pour lEcole Keynésienne, les mécanismes de
marché sont souvent imparfaits et la plupart des
marchés sont en déséquilibre. - La correction de ces déséquilibres par le
libre jeu de loffre et la demande est impossible
le chômage ne peut être résorbé grâce à
linstauration dune liberté complète sur le
marché du travail. - La crise (notamment de 1929) est une crise
dinsuffisance de la demande, causée par les
nouvelles politiques salariales (indexation des
salaires), le développement du chômage, la crise
de linvestissement et la préférence des
entreprises pour les placements financiers, ainsi
que les politiques libérales de réduction des
déficits publics.
23Niveau de la Technique Niveau des
salaires Importance de loutillage et de la main
dœuvre inemployés Situation des marchés et de
la concurrence
Consommation Epargne
Propension à consommer
Revenu
Marché de la monnaie offre et demande de monnaie
Taux dintérêt
Propension à investir
Efficacité marginale du capital
Offre Globale
Demande Globale
Demande effective
Intervention de lEtat sous la forme dune
variation des dépenses publiques ou des recettes
publiques (fiscalité)
Volume de la production
Volume de lemploi
Niveau général des Prix
24- C. Ecole de la régulation et crise du
modèle fordiste - Pour lEcole de la Régulation (Aglietta,
Boyer, Mistral...), lévolution historique du
régime daccumulation rythme lévolution
économique.
25Trois régimes daccumulation se sont ainsi
succédés depuis le début du XIXème siècle
(i) le régime daccumulation à dominante
extensive fondé sur la coopération simple dans le
travail, de faibles gains de productivité et
limportance de la production de biens
déquipement (ii) le régime
daccumulation intensive sans consommation de
masse, fondé sur le taylorisme, de forts gains de
productivité, la mise en place dun secteur de
biens de consommation mais la persistance de
rapports sociaux anciens (iii) le
régime daccumulation intensive avec consommation
de masse fondé sur des rapports salariaux de type
nouveau, caractéristiques du Fordisme, où
lexistence de salaires élevés au rendement
permet dassurer simultanément la progression de
la production et de la consommation.
26- La crise actuelle serait une crise du
Fordisme sous divers aspects - ? remise en cause de lOST,
- ?remise en cause des normes de consommation
du fait de la progression de la demande de
services et de la diversification des besoins, - ?remise en cause de la production de masse
standardisée, - ?remise en cause du bouclage macroéconomique
fordiste fondé sur les hauts salaires permettant
de soutenir la consommation et déviter la
surproduction, - ?remise en cause de lancienne division
internationale du travail et du rôle régulateur
de lEtat-Nation confronté à la mondialisation, - ?remise en cause de lEtat-Providence en
raison du poids des déficits publics et des
prélèvements obligatoires
27- C. Schumpeter et la création - destruction
- Dans son ouvrage Business Cycles, Joseph
Schumpeter (1939) a centré son analyse sur
linvestissement et sur le processus de
linnovation. Il sagit ici de linnovation
technique quil convient de distinguer de la
découverte linnovation correspond à la mise en
œuvre effective, opérationnelle, dune
découverte, qui peut survenir longtemps après
elle. - Cest linnovation qui, par
lintervention de lentrepreneur et de
linvestissement, engage léconomie dans un
processus évolutionniste. Les innovations
surviennent pas grappes et se généralisent par un
effet de diffusion à partir des entrepreneurs les
plus dynamiques qui ont largement recours au
crédit. La mise en œuvre et la diffusion de
linnovation génératrice de profit correspondent
à la période de lexpansion. - Le boom des investissements innovants va
cependant progressivement sestomper et les
perspectives de profit se détériorer. La crise
puis la dépression vont survenir. - Le capitalisme serait ainsi associée à de
puissantes vagues de destruction création.
28- Dans la seconde moitié du XX siècle, la
thèse de Schumpeter sera reprise par un grand
nombre déconomistes - ? Pour K.G Zinn, lessor de 1945 à 1975
sexplique par le rôle de lEtat-Entrepreneur
dans le domaine des transports, de lénergie, et
la libéralisation des échanges qui a permis la
diffusion internationale de linnovation. La
crise correspond à larrivée aux limites des
innovations en matière de produit mais aussi des
méthodes dorganisation qui avaient provoqué
lessor. - ? Pour C. Freeman, la crise provient dune
transition dun ancien régime technologique fondé
sur le pétrole à bon marché vers un nouveau
régime technologique fondé sur les éléments micro
électroniques à bas coût de revient.
29III. LES CRISES CONTEMPORAINES
30-
- Si la crise de 1929 constitue par son
ampleur, la grande crise du XX siècle, il
convient de rappeler quun grand nombre de crises
se sont succédées. - A. La crise de 1929
- La crise de 1929 souvre aux Etats-Unis
par la gigantesque débâcle boursière de Wall
Street, le jeudi noir (24 octobre). Près de 13
millions de titres sont vendus en une seule
journée. Cette catastrophe financière est le
reflet décalé dun début de repli des taux de
profit (déclin de lindice de la production
industrielle dès juin 1929) dans une conjoncture
spéculative. -
31-
- Léconomiste John Kenneth Galbraith (1961)
a présenté une interprétation de la crise de 1929
à partir dun ensemble de faits marquants du
capitalisme américain. - Le retournement de la conjoncture économique
de 1929 serait essentiellement dû à lécart entre
lélévation de la productivité du travail
industriel ( 43) et la quasi-stagnation des
salaires et des prix. Ceci entraîna - ? un accroissement des profits (dépenses
classes aisées) - ? une spéculation boursière
- ?un niveau dinvestissement élevé et une
consommation populaire faible - Dans un contexte où linvestissement
productif est stimulé par la spéculation, le
rythme de la production industrielle commence à
dépasser la demande de biens de consommation et
de biens déquipement. Le recul du taux de profit
et le coup darrêt donné aux dépenses
dinvestissement entraîne à leur tour une baisse
de la demande et de la production, déclenchant
ainsi une crise.
32- Galbraith ajoute que léconomie
américaine était fondamentalement malsaine , -
- ? Une répartition très inégalitaire des
revenus (5 de la population percevait le 1/3 du
revenu total) -
- ? Les effets pervers de la forme dominante
des structures industrielles dans une conjoncture
spéculative (les holdings, sociétés de capitaux,
détournent de linvestissement, les profits des
entreprises du groupe, pour rémunérer leurs
actionnaires (distribution de dividendes). -
- ? Le rôle des facteurs monétaires et
financiers, Galbraith insiste sur ce quil
appelle lorgie financière Chacun pense
quil pourra toujours revendre des titres à un
prix plus élevé sur le marché. La spéculation
boursière est encouragée par les intermédiaires
financiers (notamment par le crédit). - ? Le caractère non pertinent des mesures de
politique économique visant à stopper la
déflation. -
33- Avec le krach boursier, la dépression
samorce brutalement aux Etats Unis et se répand
progressivement aux autres pays capitalistes. - Charles Kindleberger a attribué la
propagation internationale de la crise au fait
que la période était marquée par labsence de
leadership, léconomie devenue dominante les
Etats Unis ne lexerce pas encore alors que
lAngleterre y prétend toujours. - Entre 1929 et 1932, la production
industrielle mondiale reculera de plus de moitié,
les prix de gros industriels de plus dun tiers
le nombre des chômeurs atteindra 30 millions de
personnes en 1933 au sein des pays
industrialisés. Aux Etats Unis, le chômage touche
près dun quart de la population.
34- B. La crise de 1975
- En 1975, la crise a été déclenchée par la
hausse du prix du pétrole qui avait quadruplé en
1973. Ce choc a affecté doublement léconomie. -
- La hausse du prix du pétrole a en effet
entraîné une augmentation des coûts de production
et des prix de vente, ainsi quune baisse du
revenu disponible après règlement des dépenses
dénergie... Ce qui a provoqué une baisse de la
demande et une hausse des salaires nominaux, donc
de linflation. - Cependant, on accorde aujourdhui à
penser que la crise du pétrole na été que le
détonateur de la crise économique en effet, la
hausse des coûts (de lénergie, de la main
doeuvre) a coïncidé avec la saturation de la
demande sur certains marchés (textile, chantiers
navals...) pour provoquer une chute de la
rentabilité des entreprises et un cercle vicieux
dépressif. - Ainsi la crise de 1975 a été caractérisée
par la réduction des marges des entreprises et un
partage salaires-profits favorables aux
salariés linflation par les coûts et la
récession économique la dégradation de la
situation de lemploi. Cette situation
paradoxale, conjuguant à la fois la stagnation
économique et linflation a alors été qualifiée
de stagflation.
35Baisse du revenu disponible après règlement des
dépenses dénergie
Baisse de la demande
Hausse du prix du pétrole
Hausse des salaires nominaux et inflation
Hausse des coûts de production et des prix de
vente
Baisse des revenus distribués
Crise de linvestissement productif
Crise du secteur des biens de production
baisse de la rentabilité
36- C. La crise de 1992 1993
- La crise qui a affecté en 1992-1993
léconomie européenne dans son ensemble et
léconomie française en particulier, a présenté
dautres caractéristiques. Le choc initial a été
provoqué par la politique monétaire. - Après la chute du Mur de Berlin (1989),
la réunification allemande a contraint le
gouvernement allemand à emprunter des capitaux
pour financer la reconstruction des Länder de
lEst, ce qui a provoqué la hausse des taux
dintérêt. - Parallèlement, le refus de recourir
exagérément au crédit et à la création monétaire
par peur de linflation a renforcé le mouvement
de hausse des taux dintérêt largent est
fortement demandé, il reste rare, il coûte donc
cher. Pour éviter une fuite des capitaux en
Allemagne et une baisse du Franc par rapport au
Mark sur le marché des changes, le gouvernement
français a été contraint de relever ses taux
dintérêt nominaux. Dans ces conditions, les taux
dintérêt réels (taux dintérêt nominaux - taux
dinflation), qui étaient de lordre de 1 à 2
dans les années 1960 et 1970, sélevèrent à 6
environ, bloquant lexpansion économique au
travers de plusieurs mécanismes.
37Arbitrage des entreprises en faveur des
placements financiers
Baisse de linvestissement
Hausse des taux dintérêt réels
Baisse de valeur des actifs réels, et crise de
limmobilier
Crise du Bâtiment qui se transmet à dautres
secteurs
Partage de la valeur ajoutée défavorable aux
salaires pour restaurer la profitabilité menacée
par la hausse des charges financières
Perte de valeur du patrimoine
Baisse de la consommation
38- Ainsi, la crise de 1993 est caractérisée
par - ? une tendance à la déflation au japon et
une inflation très faible en Europe (suite à la
baisse des prix des matières premières et de
limmobilier, une modération des hausses de
salaires, et une politique monétaire stricte) -
- ? limportance des phénomènes spéculatifs qui
fragilisent les agents économiques et les
économies nationales -
- ? laggravation du chômage (progression
presque continue du chômage depuis 1974) et de la
précarité (lemploi devient précaire,
développement des CDD, de lintérimaire...).
39- D. La crise des subprime 2007-2008
- Cette crise a pour origine des prêts
accordés aux ménages américains présentant de
trop faibles garanties pour accéder aux emprunts
normaux dits prime. En 2006, ce type de crédits
représentait près de 45 des nouveaux prêts
hypothécaires. - Dans ce système, tout le monde y
trouvait son compte. Les ménages les moins
solvables étaient séduits par une politique
bancaire qui leur permettait daccéder à la
propriété (cette politique tablait sur des
remboursements faibles durant les premières
années, puis un alourdissement progressif de la
charge de la dette). Les conseillers financiers
et immobiliers empochaient des commissions
importantes. Les établissements bancaires
sortaient ces créances douteuses de leur
actif pour les convertir en titres vendus sur les
marchés financiers (cest ce que lon nomme la
titrisation). Des investisseurs achetaient ces
titres qui offraient des rémunérations élevées.
40- Toutefois, la machine commença à se gripper
au 4ème trimestre 2006. Un nombre croissant de
ménages ne pouvant faire face à leurs échéances,
les taux de défaut sur les prêts dits subprime
augmentèrent dans des proportions importantes.
Certains ménages furent ainsi amenés à revendre
leur bien immobilier sur le marché désormais en
pleine déprime. Au 1er trimestre 2007, ce fût le
tour des établissements spécialisés qui sétaient
trop engagés sur ces produits. Près dune
vingtaine détablissements durent fermer leurs
portes. - La crise prit une nouvelle dimension au
cours de lété 2007, lorsque deux fonds
spéculatifs (hedges funds) de la banque
dinvestissement Bear Stern furent incapables de
faire face aux demandes de retrait de leurs
déposants et que leurs créanciers refusèrent de
reconduire leurs crédits. Bien quil ny ait pas
déquivalent du marché des subprime en Europe,
les banques européennes qui avaient pris de
nombreuses positions sur des titres adossés à du
subprime, furent également touchées. Deux banques
allemandes, IKB et SachsenLB, ne durent leur
salut quaux lignes de crédits dégagées par la
banque publique allemande Kreditanstalt für
Wiederaufbau (soit près de 9 milliards d) et un
groupe de banques régionales Landesbanken (soit
plus de 17 milliards d).
41- Une dernière étape fût enfin franchie
durant le mois daoût 2007. La crise des subprime
se transforma en crise de liquidité (le taux au
jour le jour passa de 4 à 4.7). La disparition
de toute transaction sur certains segments du
marché de la titrisation aux Etats-Unis conduisit
à une absence de prix de référence et à une
illiquidité quasi totale des actifs figurant dans
les portefeuilles des fonds. - Le 10 août 2007, BNP-Paribas, leader
français bancaire, annonça la suspension
temporaire du calcul de la valeur liquidative de
trois fonds composés dAsset Backed Securities
(ABS), des titres adossés à des portefeuilles de
créances, notamment hypothécaires Parvest
Dynamics ABS, BNP Paribas ABS Euribor, BNP
Paribas ABS Eonia. En septembre 2007, ce fût au
tour de lAngleterre dentrer dans la tourmente.
La Northern Rocks, 5ème banque anglaise de crédit
hypothécaire (77 de ses actifs étaient des prêts
immobiliers, la moitié concernait des
particuliers), commença à éprouver des
difficultés importantes pour se refinancer sur
les marchés. Elle neut dautre choix que de se
tourner vers la Banque dAngleterre (la BoE) qui
lui accorda un financement durgence. Les banques
centrales américaine, européenne,
japonaisefurent ainsi amenées à prêter largement
aux banques commerciales (respectivement 35
milliards de dollars 95 puis 61 milliards
deuros sous la forme dun appel doffres à trois
jours 1 000 milliards de yens) afin de
rapidement rétablir la confiance entre acteurs
financiers et sauvegarder le financement de
léconomie.
42- CONCLUSION
- Les crises, notamment celle de 1929 et
2007, ont révélé plusieurs contradictions
internes au capitalisme - ? Une crise des débouchés (insuffisance de la
demande adressée aux entreprises, émergence de
nouveaux pays exportateurs). - Un endettement croissant des ménages (plus de
120 aux USA et près de 68 en France) face à une
stagnation du pouvoir dachat. - Des normes de rentabilité (Return on Equity
15) très élevées qui supposent elles mêmes des
taux de croissance importants - Les innovations financières (produits dérivés,
titrisation des créances bancaires) secrétées par
le capitalisme financier, ont été présentées
comme des outils de gestion du risque or ils sont
également de puissants instruments de
spéculation. - Un échec de lhypothèse defficience des marchés
financiers (contexte dincertitude, J.M Keynes)
et les conséquences de la globalisation
financière mal maîtrisée (J. Stiglitz)
43- BIBLIOGRAPHIE
- Boyer R., Dehove M., Plihon D. (2004), Les
crises financières, La Documentation Française. - Dockès P., Rosier B. (2003), Les théories
des crises économiques, Repères, La découverte. - Plihon D. (2008), Une perspective
historique des crises financières, Université
dété dATTAC, filière 5, août, 25 p. -
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