Title: Cours de mobilit
1Cours de mobilité sociale (3)
2Rappel de lépisode précédent
- 3.1.2 Lacteur ou le système? Les paradigmes de
la mobilité sociale - Paradigme définition
- règles admises et intériorisées comme normes
par la communauté scientifique, à un moment donné
de son histoire, pour délimiter et problématiser
les faits qu'elle juge dignes d'étude . - Kuhn , La Structure des révolutions
scientifiques 1962 - Or les paradigmes peuvent entrer en crise
lorsquils - ? échouent à expliquer certains faits
- ? aboutissent à des anomalies théoriques.
- Georges Lukacs (1885- 1971)
- refuse lexistence dune science sociale
- ? il existe des relations étroites entre pensée
et action . - ?La connaissance que tout être social peut avoir
de lui-même ne peut être que conscience, et non
science.
3- Le système davantage que lacteur une façon
spécifique de poser un problème sociologique - Les trajectoires sociales (immobilité et
différentes formes de mobilité) sexpliquent-
elles par les structures sociales et leurs
évolutions, qui les contraignent ou les rendent
possibles, ou bien les structures sont-elles le
résultat, instable ou provisoire, de laction des
individus ? Dominique Merllié - Ce nest pas seulement sinterroger sur le sens
dune causalité. - Il existe un autre enjeu
- savoir si ce sont les hommes qui font lhistoire
et savent quelle histoire ils font pour ce qui
les concerne - ou sils sont les jouets de structures agissant
en réponse à des pressions macro-économiques (ou
macro-sociales, par le jeu des effets
pervers ) auxquelles se soumettent les agents.
4- Lorganicisme de Sorokin
- Ce qui est en jeu cest la reproduction de la
structure. - Celle-ci résulte de lapprofondissement de la
division sociale du travail - la structure sexplique par sa fonction
- Les agences de distribution
- Il en est deux majeures la famille et lécole.
- ? canaux de la circulation sociale
- ? orifices , escaliers et autres
élévateurs entre strates - EXEMPLES larmée, les églises, les partis
politiques, les syndicats. - Chacun de ces canaux obéit à un processus en
trois temps - 1. il évalue les individus par rapport à la
fonction sociale - 2. il les sélectionne,
- 3. Il les distribue.
- ? Toute la mobilité observée est structurelle,
car elle résulte du fonctionnement dagences qui
ont pour objet de répondre aux exigences de la
structure. - ? Il ne peut y avoir de mobilité nette, puisque
les individus ne peuvent circuler selon leurs
seuls mérites ce nest pas lindividu qui se
fraie un chemin, cest la structure qui le
distribue.
5Lexplication fonctionnaliste
- Par la suite, lécole américaine (Davis, Moore,
Parsons) sattachera surtout à démontrer la
fonctionnalité de la stratification sociale - Leur credo repose sur trois principes
- Linégalité sociale est fonctionnelle
- La structure sociale est fluide
- La mobilité sociale est lélément stratégique
(qui permet les ajustements).
6La théorie de Lipset-Etterberg-Bendix
- Pour ces auteurs la mobilité sociale est la
combinaison de deux processus - une offre de statuts vacants
- un échange entre positions
- auxquels sajoute lanalyse des facteurs de
motivation à la mobilité ascendante
7Doù viennent les statuts vacants?
- leur répartition varie, sous le double effet
- de la division technique du travail
- de la fécondité différentielle des individus.
- La mobilité verticale répond à la nécessité de
compenser ces variations par des échanges
démographiques. - Pour quil y ait échanges de positions, il faut
que tous les individus possèdent la même
capacité, qui leur est garantie, à entrer en
compétition pour les statuts.
8La théorie de Blau (1918-2002)et Duncan
(1921-2004)
En 1967 Blau et Duncan publient The American
occupational structure, étude de la
stratification et de la mobilité sociale aux
Etats-Unis et dans les pays industriels.
9- La méthode ne se veut plus métrologique (étude de
la mesure) mais également explicative non plus
seulement comparative, mais analytique. - Ce qui caractérise les Sociétés modernes
- duniversalisme et d achievement
(laccomplissement), - - de particularismes d ascription (lassignati
on).
10Ce phénomène sexplique par trois causes
- Le progrès technologique et économique, qui
augmente le nombre de places en haut de léchelle - La mobilité géographique, qui affaiblit les liens
familiaux - La fécondité différentielle entre catégories
sociales
11- Luniversalisme est donc un ensemble de
conditions permissives de la mobilité sociale - Celle-ci résulte de conduites individuelles
normativement orientées vers certaines fins
socialement valorisées. Cest le changement
structurel qui procède de lévolution des modèles
culturels - Le rôle essentiel est donné ici aux motivations
individuelles, le changement structurel en est le
résultat. Il sagit sans doute du paradigme le
plus individualiste, et aussi le plus en phase
avec lidéologie libérale américaine
12Les travaux de lINED.En France, ce fut
longtemps lInstitut National des Etudes
Démographiques (INED) qui étudia, seul, les
phénomènes de mobilité.
- Ces études commencent avec lenquête nationale
menée en 1950 - Mobilité sociale et dimension de la famille
- première à prendre en compte quatre générations
au lieu de deux. Elles se poursuivent avec les
travaux d Alain Girard (1951), centrés sur les
lycées et les facultés. - En 1961 il publie aux éditions de lINED un
ouvrage intitulé La réussite sociale en France.
Il dessine une écologie de la réussite
sociale par létude des circonstances
extérieures, familiales et sociales susceptibles
davoir exercé une influence sur la vie des
personnes choisies en fonction de critères
simples attestant leur réussite .
13Ses études portent sur
- des personnalités contemporaines
- danciens élèves des grandes écoles
- des personnages illustres du passé
14- Il souligne le rôle de frein joué par la famille
dans le changement social - Tant quelle continuera à remplir, dans la
société, les fonctions essentielles qui demeurent
les siennes, didentification sociale et de
perpétuation du nom, comme déducation du petit
enfant, il paraît bien difficile dassurer à tous
légalité complète des chances - (La réussite sociale en France p. 353)
15Pour Longone (1970)
- cest la consommation, en entraînant des
changements dans la structure de la production et
donc des emplois, qui est à lorigine de la
mobilité sociale
Les modifications dans la consommation
déclenchent celles de la production
lengouement pour lautomobile depuis 1950, pour
la télévision depuis 1955 a été générateur dun
essor rapide des métiers et des professions
nécessaires à létude, à la production, à la
vente et à lentretien de ces objets. () Lapplic
ation du revenu ainsi rendu disponible à des
consommations relevant de secteurs à plus haute
productivité (dabord industriels) accroît les
emplois
16Il recourt à lappui de sa thèse à la loi dEngel
- la mobilité sociale reflète finalement, dans
une large mesure, la variabilité des besoins et
de la consommation. (P.Longone 1970) - à mesure que les besoins élémentaires sont
satisfaits, la structure de la consommation se
déplace vers dautres besoins (santé, culture)
entraînant des créations demploi dans ces
secteurs. - Cest cette variation dans la structure de la
consommation (part moins grande pour
lalimentation, plus grande pour le cinéma) qui
va entraîner des déplacements dindividus dune
catégorie vers lautre.
17Pierre Bourdieu (1930-2002)
- 1964 Les Héritiers le consacrent comme
lintellectuel de la reproduction sociale - En 1970 dans La reproduction il présente la
mobilité sociale comme facteur de conservation et
un procédé individualiste dans lequel seuls
quelques uns sen sortent
18- . la mobilité contrôlée dun nombre limité
dindividus peut servir la perpétuation de la
structure des rapports de classe - ou, en dautres termes, à condition de supposer
possible la généralisation à lensemble de la
classe de propriétés qui ne peuvent
sociologiquement appartenir à certains membres de
la classe que dans la mesure où elles restent
réservées à quelques-uns, donc refusées à
lensemble de la classe en tant que telle. - (Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron 1970,
pages 69/70)
19- Loin dêtre incompatible avec la reproduction
de la structure des rapports de classe, la
mobilité des individus peut concourir à la
conservation de ces rapports, en garantissant la
stabilité sociale par la sélection contrôlée dun
nombre limité dindividus, dailleurs modifiés
par et pour lascension individuelle, et en
donnant par là sa crédibilité à lidéologie de la
mobilité sociale qui trouve sa forme accomplie
dans lidéologie scolaire de lEcole
libératrice . - page 206
20Les marxistes
- Nient toute pertinence à cette problématique
- quelles que soient les circulations entre les
places, la seule chose qui importe est quil y a
reproduction de ces places
21Nicos Poulantzas
- Laspect fondamental de la reproduction des
rapports sociaux des classes sociales- nest pas
celui des agents , mais celui de la
reproduction des places de ces classes . - (Les classes sociales dans le capitalisme
aujourdhui 1974, p.291) - Ce qui prime, ce nest pas la structure , mais
sa reproduction. - Il ne concéder aucun rôle à lécole dans la
reproduction des classes sociales puisque, pour
la classe ouvrière (..) ce rôle dominant revient
en fait directement à lappareil économique
lui-même, à lentreprise . (Page 275).
22Christian Baudelot et Roger Establet
- le problème essentiel nest pas la reproduction
des statuts individuels, mais celle des classes
sociales - ce qui importe au fonctionnement du mode de
production capitaliste, ce nest pas que les fils
héritent de la classe sociale de leur père, mais
bien que la classe ouvrière, en tant que classe
exploitée, opprimée, dominée, et la classe
bourgeoise, en tant que classe exploitante,
oppressive, dominante soient constamment
reproduites . - (Baudelot et Establet Lécole capitaliste en
France 1971 p. 315).
23Le paradigme systémique de Raymond Boudon (Né en
1934)
- La logique du social
- les faits sociaux sont le résultat non
intentionnel dactions intentionnelles . (Boudon
1979) Si lacteur a la maîtrise de ses
décisions, la portée de celles-ci lui échappe.
24- lindividualisme méthodologique va de pair
avec un fort déterminisme structurel. - La demande sociétale de compétences (les
besoins de la structure) ne peut pas toujours
satisfaire une offre individuelle de
qualifications. - Les titres scolaires peuvent saccompagner
- dune baisse,
- dune augmentation
- dune constance du statut hérité.
- Boudon formalise des processus médiateurs.
- Les perceptions subjectives de la réalité sont
ainsi reliées aux décisions. Cest la
représentation des contraintes (ou du champ des
possibles) qui sera intermédiaire entre la
structure et les décisions des acteurs. Chaque
décision est une anticipation des chances
objectives.
25 Les relations Structures scolaires/Structures
sociales.
- La sociologie française sest surtout intéressée
au lien existant entre accès au diplôme et
origine sociale. - Il y a effectivement un lien origine/diplôme
- MAIS le lien diplôme/statut semble, lui,
davantage soumis à caution - Cest ce que Boudon a nommé le paradoxe
dAnderson .
26Le paradoxe dAnderson
- une élévation du niveau scolaire ne saccompagne
pas nécessairement dune élévation sociale. - il relève quil y a deux fois moins de fils
situés à un niveau social plus élevé que de fils
situés à un niveau dinstruction plus élevé.
27Niveau dinstruction du fils par rapport à celui du père Statut social du fils par rapport à celui du père Statut social du fils par rapport à celui du père Statut social du fils par rapport à celui du père Statut social du fils par rapport à celui du père
Plus élevé Plus élevé Semblable Plus bas Total Total Total
Plus élevé 134 134 96 61 291 291 291
Semblable 23 23 33 24 80 80 80
Plus bas 7 7 16 22 45 45 45
Total 164 164 145 107 416 416 416
28Raymond Boudon conclut ainsi son livre
- Linégalité des chances
- une diminution de linégalité des chances
scolaires nest pas incompatible avec la
stabilité de la structure de la mobilité que les
données disponibles mettent en évidence.
29Boudon évoque deux moments dans un trajet de
vie
- lallocation dune position dans la structure
scolaire - lallocation dune position dans la structure
sociale - Dans le premier cas, chaque individu évalue
depuis sa position sociale le risque, le coût et
le bénéfice le choix dun cursus scolaire.
Lensemble du processus est modélisable puisquil
est un processus de décision rationnel dont les
paramètres sont la fonction de la position
sociale .
30Au sein du second processus, on distingue deux
stades ou deux variables
- lorigine sociale (effet de dominance)
- Le niveau dinstruction (effet méritocratique)
31Comment expliquer ce paradoxe ?
- ? la structure scolaire se modifie plus vite que
la structure sociale. - ? La réduction de linégalité des chances
scolaires ne résulte pas dune réduction des
inégalités socio-économiques, mais de
laugmentation générale de la demande déducation
sous leffet de facteurs endogènes , et dans une
moindre mesure, exogènes (changements économiques
et technologiques).
32CONCLUSION
- Quel que soit le paradigme, le rôle attribué à la
structure, sa production ou sa reproduction, le
rôle des différentes agences - les explications proposées gravitent davantage
autour du pôle du système que de celui de
lacteur. - Font cependant exception
- Blau et Duncan, pour des raisons idéologiques,
- certains démographes de l INED, repris en 1978
par Scardigli, - des auteurs attachés aux récits de vie
(Terrail) qui se sont attachés aux
caractéristiques de lacteur pour découvrir les
facteurs de la mobilité.