Title: Pr
1Prédictions et probabilités en physique quantique
- Gilles Cohen-Tannoudji
- gilles.cohentannoudji_at_gmail.com
- http//gicotan.club.fr
- E2Phy, Nantes
- 23/08/2006
2Plan de l'exposé
- Le programme de la mécanique rationnelle
- L'extension relativiste
- L'extension statistique
- La crise des quanta
- La mécanique quantique
- La critique d'Einstein
- La théorie quantique des champs
3Le programme de la mécanique rationnelle
- Naissance de la science moderne
- Un programme toujours d'actualité ramener toute
la physique à la mécanique, i.e. au mouvement
d'objets matériels dans l'espace et dans le temps - Les deux concepts de base le point matériel et
la force - Point matériel idéalisation mathématique
- La force point aveugle du programme, "mise à la
main". En général, la force dérive d'un potentiel
- La mathématisation de la mécanique
- Calcul différentiel et intégral (Newton et
Leibniz)
4- Extensions et perfectionnement
- Mécanique des solides
- Mécanique des fluides
- Unification (Maxwell) de l'électricité, du
magnétisme et de l'optique et modèle mécanique de
l'éther - Théorie cinétique de la matière
Thermodynamique statistique (Maxwell Boltzmann)
Conception atomique intégrée à la
mécanique Molécules points matériels - Formulation lagrangienne (mécanique analytique)
et principe de moindre action la trajectoire du
point représentant le système dans l'espace de
configuration est celle qui minimise l'intégrale
d'action, intégrale sur le temps de la différence
entre l'énergie cinétique et l'énergie potentielle
5L'extension relativiste
- Les problèmes de la théorie électromagnétique de
Maxwell - Modèle de l'éther peu crédible
- Échec de l'expérience de Michelson Morley
- L'approche de Poincaré-Lorentz
- Invariance de Lorentz des équations de Maxwell
- Les transformations de Lorentz et les rotations
forment un groupe - La relativité de Poincaré
- Principe de relativité et invariance de Lorentz
- Théorie de l'électron déformable, contraction
réelle des longueurs et pression de l'éther - Dualité temps vrai/temps local
6- La relativité restreinte d'Einstein
- Les principes
- Relativité
- Invariabilité de la vitesse de la lumière, et
nouveau statut de la constante c - Identité des étalons de mesure au repos (durées
et longueurs) - Remise en cause de la cinématique
- Élimination de l'éther
- Promotion du concept de champ au rang de concept
fondamental - L'espace-temps de Minkowski
- Invariance de Lorentz étendue à toutes les lois
de la physique - Relativité qualifiée de restreinte parce que
limitée aux changements de référentiels inertiels
7- La relativité générale
- Pourquoi limiter la relativité aux seuls
changements de référentiels inertiels ? - Détour par la théorie de la gravitation
- Principe d'équivalence l'accélération produite
par la gravitation est indépendante de la masse
et de la nature des corps sur lesquels elle
s'exerce - Un changement de référentiel comportant une
accélération peut être remplacé par un champ
gravitationnel produisant une accélération
opposée - De manière générale, un changement quelconque de
référentiel peut localement être remplacé par un
champ gravitationnel adéquat un champ
gravitationnel quelconque peut localement être
remplacé par une changement adéquat de
référentiel - Localement signifie que l'équivalence entre
changement de référentiel et champ gravitationnel
n'est valable que dans une région infinitésimale
d'espace-temps.
8Le principe d'équivalence
9Bien que subissant la gravitation, la lumière
n'est pas "accélérée". Si sa trajectoire est
courbe, c'est parce que l'espace-temps est courbé
par la gravitation
10- "Le marbre et le bois"
- La relativité générale mise en équation
- Membre de gauche, décrivant la géométrie de
l'espace-temps à l'aide du concept de champ, est
"sculpté dans le marbre le plus fin" - Membre de droite décrivant la matière de manière
phénoménologique, "fait d'un bois vil et
ordinaire". - Le concept de champ devient le concept le plus
fondamental de toute la physique, allant jusqu'à
rendre superflu le concept d'espace-temps "il
n'y a pas d'espace vide de champ" - Covariance générale et événements de coïncidence
"étant donné que toutes nos expériences physiques
peuvent en dernière instance être ramenées à des
événements de coïncidence, il n'y a pas de raison
a priori de préférer certains systèmes de
coordonnées à d'autres."
11L'extension statistique
12- Sur le principe de Boltzmann et quelques
conséquences qui en découlent immédiatement - Manuscrit inédit de la conférence donnée par
Einstein le 2 novembre 1910 devant la société de
physique de Zurich - Traduit et commenté par Bertrand Duplantier
- Séminaire Poincaré ( http//parthe.lpthe.jussieu.f
r/poincare.htm ) - du 9 avril 2005 pp. 213-222
13 Lorsque nous imaginons lobservation dun
système pendant un temps extrêmement long T, il
va y avoir pour la plupart des états Zn une
partie très petite, t, de cette période pendant
laquelle le système prend précisément cet état
Zn. Nous appelons la proportion t/T la
probabilité W de létat en question.
Si lon abandonne à lui-même un système dans un
état considérablement éloigné de létat
déquilibre thermodynamique, il prend des états
successifs de W croissantes. Cette propriété a
établi un point commun entre la probabilité W
dun état et lentropie S du sytème, et Boltzmann
a trouvé quentre W et S existe la
relation SklnW Où k est une constante
universelle, c.-à-d. indépendante du choix du
système.
14- Deux façons dutiliser le principe de Boltzmann
- Partant dune évaluation des probabilités, on en
déduit lentropie e.g. dérivation de léquation
des gaz parfaits ou de la pression osmotique - A partir de la fonction entropie, déterminée
empiriquement, on peut déterminer la probabilité
statistique des états individuels à laide de la
formule de Boltzmann. On acquiert ainsi une
possibilité de jauger de combien dévie le
comportement du système par rapport au
comportement requis par la thermodynamique.
Deux exemples - Particule en suspension dans un fluide, et qui
est un peu plus lourde que le fluide quelle
déplace, et loi du mouvement brownien - Réinterprétation de la loi du corps noir de
Planck en termes de quanta de lumière.
15- Mouvement des particules en suspension dans un
fluide au repos, comme conséquence de la théorie
cinétique moléculaire de la chaleur - Einstein, Annalen de Physik, vol. XVII, 1905, p.
549-560 - Séminaire Poincaré du 9 avril 2005, p. 1-10
Il se peut que le mouvement dont il est
question ici soit identique à ce que lon appelle
le mouvement brownien. Les informations dont je
dispose à ce sujet sont cependant si peu précises
quil ne ma pas été possible de me faire une
opinion.
16- Einstein nessaie pas, contrairement à ses
prédécesseurs, de raisonner sur une vitesse
dagitation moyenne, il considère le déplacement
du grain pendant un temps considéré - Il montre que le carré moyen de ce déplacement
ltX²gt pendant une certaine durée t est
proportionnel à cette durée - Einstein montre alors que le mouvement brownien
est un processus de diffusion des grains dans le
liquide et relie le coefficient de diffusion D à
ltX²gt
17 Einstein établit la formule (formule de
diffusion dEinstein) Cest cette formule qui
sera utilisée par Jean Perrin pour compter le
nombre datomes, cest-à-dire déterminer le
nombre dAvogadro
18"Les positions qu'occupe une particule au cours
d'un mouvement brownien à deux instants espacés
d'une seconde doivent toujours apparaître, même à
l'observateur le plus consciencieux, comme
indépendantes l'une de l'autre, et le plus grand
mathématicien ne réussirait jamais dans un cas
déterminé à calculer d'avance, même
approximativement, le chemin parcouru pendant une
seconde par une telle particule."
"Cependant, les lois de valeurs moyennes,
éprouvées dans tous les cas, tout comme les lois
statistiques sur les fluctuations, valables dans
les domaines des effets les plus fins, nous
conduisent à la conviction que nous devons tenir
fermement dans la théorie à l'hypothèse de
l'enchaînement causal complet des événements,
même si nous ne devons jamais espérer obtenir par
les observations améliorées de la Nature la
confirmation directe de cette conception."
Séminaire Poincaré ( http//parthe.lpthe.jussieu.f
r/poincare.htm ) du 9 avril 2005 p. 219
19La crise des quanta
- Le quantum d'action crise de la causalité et de
l'objectivité - Crise de la causalité en mécanique classique les
lois causales du mouvement sont déduites du
principe de moindre action qui nécessite
impérativement la continuité de l'action, or le
quantum d'action est un élément de discontinuité
de l'action. - Crise de l'objectivité comme toute mesure est
une interaction mettant en jeu au moins un
quantum d'action, toute mesure modifie le système
qui est l'objet de la mesure. - Le caractère fini du quantum d'action exclue
toute subdivision des processus quantiques
individuels. Ces processus doivent être traités
comme des événements irréductibles non
individuellement prédictibles ni reproductibles. - La seule prédictibilité possible pour de tels
événement est probabiliste à partir de moyennes
statistiques portant sur des ensembles
d'événements.
20La mécanique quantique
- Première réponse à la crise des quanta, la
mécanique quantique non relativiste - Physique non relativiste de systèmes comportant
un nombre fini et fixé de particules assimilées à
des points matériels - Formalisme de l'espace de Hilbert l'état
quantique d'un tel système est représenté par une
fonction d'onde, vecteur de l'espace de Hilbert,
obéissant à l'équation déterministe de
Schrödinger - Interprétation probabiliste de la fonction
d'onde le module au carré de la fonction d'onde
est relié à la probabilité que le système soit
dans l'état considéré.
21La critique d'Einstein
- "En théorie quantique, on décrit un état réel
d'un système par une fonction normée des
coordonnées y (de l'espace de configuration).
L'évolution dans le temps est donnée de façon non
équivoque par l'équation de Schrödinger. On
aimerait bien pouvoir dire y est coordonnée de
façon biunivoque à l'état réel du système réel.
Le caractère statistique des résultats de mesure
est à mettre exclusivement au compte des
appareils de mesure ou des procédures de mesure.
Quand ça marche, je parle de description complète
de la réalité par la théorie Mais si une telle
interprétation s'avère impraticable je dis que la
description théorique est incomplète." (lettre
d'Einstein à Schrödinger, juin 1935)
22- L'article "EPR" (Einstein, Podolsky, Rosen)
propose une expérience de pensée dont le résultat
positif montrerait que - Soit la mécanique quantique est incomplète
- Soit elle viole le principe de séparation, aussi
appelé principe de localité, qui stipule que si
l'état réel d'un système est constitué des états
réels de deux sous systèmes A et B, alors l'état
réel du sous système B ne dépend en aucune façon
des expériences que l'on fait sur le sous système
A.
23- Inégalités de Bell
- En 1964, Bell établit des inégaltés très
générales que doivent satisfaire des expériences
de type EPR, sous la double hypothèse que - La mécanique quantique est incomplète et qu'il
faut donc la compléter avec des "variables
cachées" - Le principe de séparation est satisfait
- Expériences d'Aspect
- En 1982, Aspect et ses collaborateurs réalise une
expérience pour tester les inégalités de Bell. Il
trouve une nette violation, confirmée depuis par
de nombreuses autres expériences. Comme il semble
impossible de remettre en cause le principe de
séparation, la physique quantique sort acquittée
du procès en incomplétude que lui a intenté
Einstein.
24La théorie quantique des champs
- La théorie quantique des champs
- Le passage de la mécanique quantique à la théorie
quantique des champs marque un changement complet
de perspective - L'objet de la théorie n'est plus un système
comportant un nombre fini et fixé de particules,
mais un système de champs quantiques - Un champ quantique est un champ d'opérateurs de
production ou de destruction de particules - La fonction d'onde reçoit une interprétation
différente en mécanique quantique la fonction
d'onde d'une particule est une fonction complexe
des coordonnées dont le module au carré est relié
à la probabilité que la particule soit au point
considéré, en théorie quantique des champs le
module au carré de la fonction d'onde est relié à
la probabilité de détecter une particule au point
considéré. - En fait, il se trouve que toutes les expériences
de physique quantique sont plus naturellement
interprétées à l'aide du point de vue de la
théorie quantique des champs qu'à l'aide du point
de vue de la mécanique quantique les détecteurs
ne sont rien d'autre que des compteurs
d'événements mais jamais des appareils permettant
de déterminer la fonction d'onde d'une particule
isolée
25- Le bilan des objections d'Einstein
- Einstein avait raison de reprocher à la mécanique
quantique de se limiter aux systèmes comportant
un nombre fini et fixé de particules alors que
l'expérience montre que des particules peuvent
être produites ou détruites - Mais il avait tort de taxer d'incomplétude le
caractère non prédictible et non reproductible
des événements quantiques individuels. - Dans sa forme actuelle, la physique quantique
satisfait le critère de complétude qu'il énonçait
dans sa lettre à Schrödinger