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Puis il y a eu, apr s la chute du mur et la disparition de l'Union sovi tique, la m moire retrouv e' de ... qui d cide si elle accepte les offres d'interpr tation des experts, ... – PowerPoint PPT presentation

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Title: Pr


1
Présentation - 21.5.2007
Culture du souvenir
  • Dieter Langewiesche

2
  •   Époque de la mémoire , cest ainsi quest
    désignée notre époque par le phénix français de
    lhistoire du souvenir, Pierre Nora, dont le
    célèbre ouvrage en plusieurs volumes Lieux de
    mémoire est devenu le modèle des livres
    comparables sur les lieux du souvenir dautres
    États, dautres nations, en Allemagne également.
    Comme lécrit Nora, la France fut le premier pays
     à entrer dans cet âge dune mémoire
    passionnelle, conflictuelle, presque
    obsessionnelle. Puis il y a eu, après la chute du
    mur et la disparition de lUnion soviétique, la
    mémoire retrouvée de lEurope de lEst. Puis il
    y a eu, avec la chute des dictatures de
    lAmérique latine, avec la fin de lApartheid en
    Afrique du Sud et la Truth and reconciliation
    commission, les marques dune véritable
    mondialisation de la mémoire et lapparition de
    formes très diverses, mais comparables, de
    règlement de compte avec le passé.  (Nora, 2002).

3
  • Jajoute que la mémoire de lholocauste fait
    également partie de cette mondialisation de la
    mémoire qui fait parler Pierre Nora dune époque
    de la mémoire. Car ce sont les expériences
    catastrophiques de la première moitié du 20ème
    siècle qui ont engendré une propre  ère de la
    mémoire , comme le dit lhistorien
    israélo-allemand Dan Diner dans sa tentative
    historique universelle de comprendre le 20ème
    siècle, - une propre ère de la mémoire, qui a
    occulté les autres expériences et a appris à
    reconsidérer lhistoire. Là le souvenir, lié à
    une institutionnalisation de la mémoire et à
    luniversalisation du souvenir de lholocauste,
    détermine les cultures du souvenir, du moins dans
    certaines parties du monde.

4
  • Mais dans cette universalisation du souvenir se
    profile quelque chose de totalement inédit. En ce
    qui concerne le souvenir, nous sommes témoins
    dun phénomène dans lequel, pour la première fois
    dans lhistoire universelle, si je ne me trompe
    pas, - pour la première fois la responsabilité
    pour lhistoire est internationalisée, une
    internationalisation de la responsabilité pour le
    souvenir de lhistoire.
  • Tout dabord, quelques observation à ce sujet.
  • Cela na pas encore fait lobjet de recherches.

5
Internationalisation de la responsabilité pour le
souvenir de lhistoire - Quest-ce que cela
signifie ?
  • Linternationalisation de la responsabilité
    décrit un processus qui se dessine non seulement
    dans les cultures du souvenir de notre temps
    présent, on le retrouve également dans lespace
    politique des domaines de responsabilité pour
    lesquels seul chaque État était autrefois
    compétent, qui appartenaient à la souveraineté de
    lÉtat, qui représentaient cette souveraineté, se
    voient désormais internationalisés. Considérez
    par exemple la puissante Organisation mondiale du
    commerce ou les organisations spéciales de lONU
    telles que la Banque mondiale et le Font
    monétaire international. Ils prennent des
    décisions qui ont force obligatoire pour les
    États. Elles ne peuvent pas toujours être
    imposées partout, mais elles revendiquent une
    validité universelle.

6
  • Cest en Europe que le renoncement à la
    souveraineté est le plus avancé. Dans lEurope
    daujourdhui, cette forme dinternationalisation
    a atteint une telle ampleur que dans les sciences
    juridiques et sociales, on parle dÉtat ouvert ou
    dÉtat intégré. En effet, dans plus en plus de
    domaines, les États membres cèdent leur
    souveraineté aux institutions de lUnion
    européenne, qui dispose dun propre système pour
    imposer le droit en revendiquant la priorité sur
    le droit national.

7
  • Certes, la responsabilité de lhistoire ne
    figure pas dans les traités qui donnent des
    statuts à linternationalisation et à
     leuropéisation de lÉtat et de l'ordre
    juridique  (Rainer Wahl). Mais, même sans
    règlements formels, linternationalité des
    cultures du souvenir génère un espace de
    responsabilité qui nest plus limité à
    lÉtat-nation. Quelques exemples de cette
    évolution sans modèle historique

8
  • En Allemagne, quand un lieu pour commémorer
    lhistoire des expulsions au 20ème siècle doit
    être créé, cela devient, même contre la volonté
    des acteurs allemands, un thème communautaire
    européen qui déclenche des discussions hors
    dAllemagne et même des interventions dautres
    États. De même, la Turquie ne peut pas non plus
    éviter que sa politique à légard de lhistoire
    des déportations en masse des Arméniens pendant
    la Première Guerre mondiale soit ouvertement
    discutée à létranger et même condamnée par des
    institutions étatiques. LAssemblée nationale
    française a récemment adopté un projet de loi
    selon lequel si tous les obstacles de la
    procédure législative sont surmontés la
    négation du génocide des Arméniens, perpétré lors
    du déclin de lempire ottoman, doit être
    sanctionnée dans la France daujourdhui.

9
  • En Allemagne, on nest pas allé si loin, mais
    les groupes parlementaires du Bundestag ont
    déposé plusieurs motions demandant à la Turquie
    dautoriser une franche discussion et une
    recherche scientifique sans entrave sur le
     Crime à légard du peuple arménien , comme le
    formule une motion commune à tous les groupes.
     Les États de lUnion européenne poursuit cette
    motion se distinguent par le fait quils
    reconnaissent leur passé colonial et les pages
    sombres de leur histoire nationale.  Dans ce
    texte adopté à lunanimité par le Bundestag, on
    parle dune  culture européenne du souvenir , à
    laquelle appartient je cite de nouveau  la
    franche confrontation avec les pages sombres des
    histoires nationales respectives. 

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  • La bonne volonté de reconnaître comme génocide
    ce qui a été perpétré contre les Arméniens dans
    lempire ottoman voici presque un siècle, pendant
    la Première Guerre mondiale, et dautoriser une
    franche discussion à ce sujet, est devenue un
    critère pour lentrée de la Turquie dans lUnion
    européenne. Ainsi, les États de lEU endossent la
    responsabilité de lhistoire de leurs membres
    le territoire de lUnion européenne devient un
    espace historique pour lequel les Européens
    revendiquent une compétence commune. Une
    politique historiographique supranationale, une
    politique du souvenir comme mission communautaire
    européenne avec des sanctions contre les
    personnes et les États qui sy opposent cest
    nouveau. Une innovation en matière de politique
    historiographique de notre temps,  lépoque de
    la mémoire .

11
  • Comme le montrent de tels exemples, la politique
    historiographique doit aujourdhui se justifier
    auprès de forums internationaux. Pas seulement au
    sein de lUnion européenne. Un espace de
    responsabilité global Histoire est apparu, qui
    internationalise linterprétation de lhistoire
    quand cela peut être imposé politiquement, et
    doté du pouvoir de sanction. Des États sexcusent
    publiquement pour des faits de leur histoire, et
    on peut demander des comptes pour leur politique
    à des dirigeants nationaux devant la Cour
    internationale de justice des Nations unies à La
    Haye. La responsabilité de lhistoire devient
    juridiquement opposable que ce soit devant un
    tribunal ou devant un public, qui reconnaît aux
    victimes dun événement qui a eu lieu dans le
    passé un droit moral, le justifie devant
    lhistoire, et éventuellement le droit dêtre
    dédommagés financièrement dans le présent.

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  • Reconnaissance dune culpabilité historique par
    la société nationale, excuse de lÉtat et
    dédommagement pour une injustice qui a eu lieu
    dans le passé cette forme de démocratisation de
    la responsabilité pour lhistoire revalorise
    lhistoire du souvenir, car elle reconnaît à tous
    le droit et la faculté de décider comment une
    société doit se comporter vis-à-vis de sa propre
    histoire et de lhistoire des autres.

13
  • Par conséquent lhistoire du souvenir naît, et
    cest important pour moi, non pas comme histoire
    dexperts, non pas comme écriture de lhistoire
    par des experts à celle-ci peuvent participer
    tous ceux qui ont des souvenirs de lhistoire ou
    des conceptions de lhistoire de quelque nature
    que ce soit. Cela peut être compris comme une
    forme de démocratisation. Mais cest en même
    temps une forme de déprofessionnalisation de
    lhistoriographie. Lhistoire du souvenir naît
    comme histoire du profane, linterprétation de
    lhistoire par des profanes. Cela peut conduire à
    des problèmes. Jen parlerai encore.

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  • Mais considérons tout dabord une autre tendance
    que lon peut constater aujourdhui dans de
    nombreux États la tentative de donner des
    normes étatiques au souvenir de lhistoire.
    Récemment, en 2005, de nombreux historiens en
    France ont protesté contre une loi visant à faire
    état dans les programmes scolaires selon la
    loi du   rôle positif de la présence française
    en outre-mer, notamment en Afrique du Nord . Des
    historiens français ont opposé à cette prétention
    de lÉtat de se présenter comme professeur
    dhistoire une déclaration intitulée  Liberté
    pour lhistoire . Avec succès. Larticle de loi
    a été abrogé lannée dernière par un décret du
    premier ministre après une décision du conseil
    constitutionnel.

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  • Mais les confrères historiens français navaient
    pas seulement protesté contre la tentative
    dancrer dans la loi le souvenir de lhistoire
    coloniale française. Ils exigèrent plutôt
    dabroger toutes les prescriptions légales de
    cette nature. Pourquoi ? Parce ce quelles ne
    sont pas dignes dune démocratie. En effet, on
    reconnaît une démocratie dans le fait - aussi
    dans le fait quelle tolère différentes
    interprétations de lhistoire et crée lespace de
    liberté à la concurrence de souvenirs de
    lhistoire contradictoires.

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  • Cela est facile à dire et semble immédiatement
    convaincant de manière abstraite, mais peut avoir
    pour conséquence de devoir tolérer au nom de la
    démocratie des interprétations de lhistoire que
    lon considère à juste titre comme politiquement
    dangereuses. Les confrères historiens français
    revendiquaient ce courage, et nombreux furent
    ceux qui les approuvèrent. Il ne sagissait pas
    seulement de libérer limage de lhistoire
    coloniale française telle quelle est enseignée
    dans les écoles. Ils se dressèrent avec autant de
    détermination contre trois autres lois que lon
    pourrait caractériser comme lois de normalisation
    de lhistoire. À savoir contre les deux lois de
    2001, dans lesquelles la France reconnaît le
    trafic européen desclaves comme un crime contre
    lhumanité et les événements de 1915 comme
     génocide des Arméniens , mais à lépoque sans
    menace de sanctions en cas de non-respect. Et
    enfin au nom de la démocratie, les confrères
    français se dressèrent également contre la loi de
    1990, qui frappe dune peine demprisonnement et
    damende la négation du génocide des juifs.

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  • Je mempresse dajouter cela na absolument
    rien à voir avec la négation de lholocauste.
    Pour ces historiens du pays et de lesprit de
    Voltaire, il sagit au contraire de défendre le
    droit dexprimer son opinion contre toute
    intervention de lÉtat. Ici, des conceptions de
    lhistoire font sans discussion partie du droit
    de lhomme à la liberté d'expression - y compris
    des opinions sur lhistoire qui sont notoirement
    fausses et peuvent être politiquement
    dangereuses. Cest pourquoi la négation de
    lholocauste nest pas passible de sanctions dans
    lespace juridique anglo-américain. Elle y est
    combattue dans les espaces publics, énergiquement
    combattue, mais pas punie par lÉtat. Est
    considérée comme protégée par la démocratie toute
    opinion sur lhistoire, même fausse
    objectivement, qui a été récusée par tous les
    experts. Cest pourquoi toute tentative de
    normalisation de lhistoire par lÉtat est
    rejetée, même si elle est bien intentionnée, avec
    les faits de son côté.

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  • Lhistoire du souvenir a grand besoin de cette
    liberté. Car chaque souvenir se construit à
    partir dune perspective limitée et élabore
    lhistoire depuis ce regard limité. Cest
    pourquoi lhistoire du souvenir est constamment
    confrontée à la concurrence - concurrence avec
    dautres histoires du souvenir en tout cas dans
    des sociétés démocratiques. En voici quelques
    exemples

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  • Pendant très longtemps en France, un consensus
    sur le souvenir de la guerre dAlgérie était
    impossible, tellement différentes étaient les
    expériences dans cette guerre et lapproche
    sociale de cette guerre après sa fin. Quand les
    acteurs sur la scène du souvenir changèrent, le
    souvenir de la guerre dAlgérie devint plus
    ouvert et plus critique, jusque dans la langue,
    quand en 1999, une loi prescrivit dappeler
    guerre cette guerre dans les textes officiels,
    et de ne plus parler  dévénements en Afrique du
    Nord  ou demployer des formulations spécieuses.
    En 2002, leffort officiel pour commémorer cette
    guerre de manière à réunir la nation a atteint
    son point culminant. Le président de la
    république Jacques Chirac inaugura au centre de
    Paris un monument en lhonneur des soldats tombés
    en Algérie, au Maroc et en Tunisie, et parla du
     devoir de mémoire .

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  • Mais la commémoration du souvenir chercha
    dautres voies, des voies non prévues
    officiellement comme il est de mise dans une
    société démocratique. Des minorités développèrent
    de propres souvenirs et les portèrent dans le
    public, avec dautres symboles de souvenir,
    dautres lieux de souvenir. De même, le milieu
    français du rap sappropria la guerre dAlgérie,
    élargit le souvenir delle à dautres expériences
    coloniales et chercha des liens avec des
    phénomènes xénophobes dans le présent. Lhistoire
    du souvenir peut donc donner naissance à des
    formes pleines dimagination et emprunter des
    voies imprévues en toute indépendance, oui,
    sans être touchée par lhistoriographie
    scientifique. Lhistoire du souvenir est
    tellement populaire parce quelle est une
    histoire de profanes, comme le montrent également
    des exemples allemands.

21
  • Des expositions commémoratives connaissent un
    grand succès et provoquent de vifs débats qui
    agitent un large public et se déroulent au sein
    de celui-ci. Par exemple lexposition de
    lInstitut de recherche sociale à Hambourg sur la
    Seconde Guerre mondiale comme guerre
    dextermination. Nombreux sont ceux qui ont vu
    cette exposition itinérante, lont approuvée ou
    réprouvée comme scandaleuse avant quelle soit
    finalement retirée et remplacée par une
    exposition moins provocante.

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  • De toute évidence, des souvenirs extrêmement
    différents de cette guerre sont encore vivants
    aujourdhui dans la société allemande. Doù
    lamère polémique au sujet de cette exposition,
    qui déjà dans son titre  Crimes de la
    Wehrmacht , prenait partie sans équivoque pour
    lune de ces histoires du souvenir en
    concurrence. Dautres ont un autre souvenir de
    cela. Ici est mise en évidence une concurrence de
    souvenirs qui veulent sexclurent mutuellement.
    Étant donné que lévénement historique qui est
    commémoré concerne des individus ou des
    institutions comme acteurs de lépoque, ou leurs
    descendants, cette histoire est encore bien
    présente et vivante dans les esprits. Des
    souvenirs opposés delle irritent et entraînent
    les reproches réciproques de présenter lhistoire
    de manière erronée.

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  • Cette concurrence du souvenir se déroule au sein
    de la société allemande. À lintérieur de la
    nation. Par contre lhistoire des expulsions, un
    sujet principal du 20ème siècle chargé de
    violence, génère de la concurrence entre les
    histoires du souvenir de différentes nations. Si
    lÉtat sen mêle en revendiquant le pouvoir de
    décider qui a raison et qui à tort, la
    concurrence sociale du souvenir peut provoquer
    des conflits étatiques. Toutefois, leffet de
    telles tentatives de normaliser officiellement
    linterprétation de lhistoire est aujourd'hui de
    plus en plus limité par linternationalisation
    de la responsabilité de lhistoire. Elle vise à
    dénationaliser des conceptions historiques.

24
  • À quel point le souvenir des événements passés
    est sorti du cadre national, est également montré
    par les craintes suscitées en Pologne et en
    République tchèque par le Zentrum gegen
    Vertreibung (Centre contre lexpulsion) de
    Berlin. Lexposition sur lexpulsion, que lon
    pouvait voir récemment dans la Haus der
    Geschichte der Bundesrepublik Deutschland (Maison
    de lHistoire la République fédérale
    dAllemagne), a en revanche réussi à traiter ce
    thème du souvenir controversé de manière à ne pas
    déclencher de polémique en matière de souvenir.
    Pourquoi ? Ici, les différentes histoires du
    souvenir ont été présentées côte à côté, sans
    établir clairement de relations de cause à effet
    entre elles. Ainsi, chaque souvenir conserve son
    propre droit, chacun trouve sa propre souffrance
    justifiée, même si à lépoque où ils eurent lieu,
    les événements commémorés séparément et exposés
    côte à côte, découlaient les uns des autres, avec
    un avant et un après, causes et effets
    explicites.

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  • Les échos de la presse montrent à quel point la
    perception et lévaluation de cette exposition
    peuvent diverger. De nombreux journaux mirent
    laccent dans leurs articles sur les expulsés
    allemands et leur difficile intégration, dautres
    virent dans lexposition  Un signe clair contre
    toutes les expulsions . De toute évidence, on se
    sentit soulagé que ce thème, encore explosif dans
    les relations entre lAllemagne et ses voisins de
    lEst, puisse être présenté de manière  non
    égoïsto-nationale , en faisant preuve de
     curiosité pour les petites choses, de tact et
    de la volonté de ne pas décompter des expériences
    dinfortune . Même lambassadeur de Pologne,
    tout dabord à la  recherche de quelque chose
    de choquant , comme le relatait le SPIEGEL, est
    sorti de lexposition  dans un esprit de
    réconciliation .

26
  • Ne pas laisser de côté des choses importantes et
    être  en même temps un exemple type de
    diplomatie  ce fut possible car la  parole
    des témoins de lépoque  était le sujet central,
    sans toutefois emprunter  une voie
    spécifiquement allemande du souvenir . Ce type
    de diplomatie du souvenir sous forme de récits de
    témoins de lépoque présente cependant des
    risques. En effet, des relations de cause à effet
    entre les expulsions européennes durant la
    Seconde Guerre mondiale et après sa fin ne
    doivent pas sêtre inscrites dans les histoires
    du souvenir des témoins de lépoque et de leurs
    descendants. Lexposition de Bonn croit le
    visiteur capable, comme nous le lisons dans un
    article,  de se faire lui-même une idée en
    reliant entre elles les différentes lignes du
    récit .

27
  • Le confronter explicitement avec ces lignes qui
    cachent des souvenirs opposés aurait peut être
    déclenché une polémique sur les histoires
    commémorées. Les présenter côte à côte comme
    bénéficiant des mêmes droits, évite des conflits
    entre les communautés du souvenir, mais empêche
    éventuellement des regards sur les événements que
    le propre souvenir ne conserve pas, et contre
    lesquels il persiste peut-être encore à se
    fermer. Alors chaque histoire du souvenir agirait
    de manière exclusive, et exclurait des souvenirs
    de tiers et des communautés de souvenir tierces.
    Le souvenir, bien que sappuyant sur la
    communication - il ne répond à son objectif que
    sil est transmis -, ne serait alors communicatif
    quau sein de la propre communauté de souvenir
    vers lextérieur par contre, il fait leffet de
    souvenir dexclusion et en même temps de défense.
    On défend son propre tableau historique, qui
    tranche sur les tableaux historiques concurrents,
    et même les dénonce comme faux, et dans le pire
    des cas, dans la mesure où lÉtat prend parti en
    matière dhistoire du souvenir, menace de
    sanctions.

28
  • Mesdames et Messieurs, lhistoire du souvenir
    est dans lair du temps, pas seulement en France
    et en Allemagne.
  • Mais que signifie  histoire du souvenir  ?
  • Quelques observations à ce sujet.

29
  • Dans les sciences qui traitent de lhistoire du
    souvenir, nous sommes confrontés à un champ
    sémantique différencié. Nous rencontrons des
    termes tels que intérêts du souvenir et travail
    de souvenir, sujet de souvenir et objet de
    souvenir, communautés de souvenir et maîtres du
    souvenir, concurrence du souvenir et hégémonies
    du souvenir dans des espaces de souvenir,
    ajustement du souvenir et destin du souvenir, de
    souvenirs individuels et directeurs, et noyaux de
    souvenir. Cet arsenal de termes, que jai
    recueilli dans la littérature spécialisée, le
    montre les histoires du souvenir ne naissent
    pas spontanément, elles sont fabriquées et sont
    controversées, elles peuvent connaître le succès,
    mais aussi léchec. Et ce ne sont pas les
    spécialistes qui décident de leur création, de
    leur succès ou encore de leur échec. Lhistoire
    du souvenir nest pas la création dhistoriens,
    elle a de nombreux maîtres, elle apparaît souvent
    comme histoire de profanes et perdure tant
    quelle reste vivante dans la population.

30
  • Les historiens jouent un rôle des deux côtés,
    chez les producteurs de souvenirs et du côté de
    ceux qui prouvent que certaines histoires du
    souvenir sont inexactes et veulent ainsi leur
    retirer limpact social les historiens jouent
    un rôle, et cest tout. Cest la société qui
    décide si elle accepte les offres
    dinterprétation des experts, eux non plus pas
    unanimes, ou si elle suit dautres conceptions de
    lhistoire, peut-être contraires. Cela sapplique
    en général à chaque type de savoir historique,
    mais dans une mesure particulière à lhistoire du
    souvenir, car elle se crée à partir de lhistoire
    vécue et revêt seulement une signification
    sociale quand le souvenir individuel est partagé
    pas un grand nombre de personnes, et devient
    ainsi un souvenir collectif de certains groupes.

31
  • Donc lhistoire du souvenir naît sous la forme
    dune œuvre sociale sur laquelle travaille un
    grand nombre de personnes, dont des historiens,
    mais pas en priorité. Une historiographie
    dexperts pour experts naurait aucune chance de
    devenir une histoire du souvenir. Elle ne le
    pourrait que si elle quitte le cercle des experts
    et est reconnue comme la voix dune communauté
    de souvenir.

32
  • Nous pouvons nous représenter lhistoire du
    souvenir comme un édifice à trois étages avec
    abstraction croissante
  • Conceptions de lhistoire liées aux expériences
    dune génération
  • Conceptions de lhistoire qui dépassent dans le
    temps le vécu de lindividu, mais ne sont
    spécifiques quà certains groupes dexpériences
    au sein dune société une confession, une
    ethnie, une minorité, pour ne citer que quelques
    exemples.
  • Conceptions de lhistoire qui revendiquent une
    validité pour toute la société au-delà du temps.
  • On ne trouve un tableau historique homogène sur
    aucun de ces trois niveaux. Ils sont toujours le
    résultat de la concurrence. Mais la possibilité
    pour cette concurrence, dans laquelle se forment
    et se modifient les conceptions de lhistoire,
    varie fortement, dépend du type de société.

33
  • Un premier constat est le suivant laptitude à
    tolérer des tableaux historiques concurrents et à
    les défendre contre des interventions des
    pouvoirs publics ne se rencontre que dans les
    sociétés suffisamment ouvertes au pluralisme. Une
    concurrence sans entrave en matière dhistoire
    est lié au pluralisme social des valeurs et
    suppose un État qui est prêt à protéger ce
    pluralisme. Donc, ramenée au thème de lhistoire
    du souvenir, la démocratie pourrait être définie
    comme la volonté de non seulement autoriser la
    concurrence du souvenir à contrecœur, mais de la
    vivre consciemment. On reconnaît les démocraties
    à la diversité affirmée des conceptions de
    lhistoire et à un Oui pour la polémique sur
    lhistoire. Si cette diversité naurait tout de
    même pas besoin dun noyau commun incontestable,
    est également un point controversé dans les
    démocraties établies depuis longtemps.

34
  • Les débats à ce sujet ont récemment (en 1998)
    provoqué aux États-Unis une scission de
    lAssociation professionnelle des historiens. Il
    ne sagissait pas de coquetteries académiques.
    Les scissionnistes, qui fondèrent une propre
    société professionnelle, craignaient une  guerre
    culturelle  (cultural war) du postmodernisme
    dans les sciences historiques, dans laquelle les
    fondements historiques de limage que lAmérique
    se fait delle-même pouvaient se briser.
    Lhistoire du souvenir nest certes pas un terme
    programmatique de ces scissionnistes, mais leur
    reproche visant un multiculturalisme incapable de
    sintégrer dans la communauté touche un problème
    clé de chaque histoire du souvenir elle élabore
    lhistoire à partir du point de vue particulier
    dune communauté de souvenir, par exemple depuis
    la perspective dun groupe ethnique ou dune
    confession, mais de cette seule perspective ne
    ressort aucune possibilité dintégrer, pour
    relativiser, le propre tableau historique dans un
    tableau global. Ce nest pas non plus ce que
    veulent les défenseurs acharnés de cette
    orientation. Sous cette forme extrême, lhistoire
    apparaît comme un kaléidoscope de récits de
    souvenirs. À chaque rotation, il montre une autre
    image, isolée de celles qui suivent, car le
    principe de construction dun kaléidoscope ne
    permet pas une image globale.

35
  • Dans leur programme, les adversaires dun tel
    relativisme radical parlent du risque de
     balkanisation  de lhistoriographie et de la
    totalité de la vie intellectuelle dans la société
    américaine. Les normes du mode de travail
    scientifique seraient dissoutes dans
    larbitraire, il ny aurait plus de méthodologie
    pour faire lunanimité sur ce qui était important
    dans le passé et ce qui ne létait pas.

36
  • Cette perte de critères de jugement communs
    expliquerait pourquoi la société américaine
    sintéresse certes à lhistoire, mais pas à
    lhistoriographie universitaire.
    Lhistoriographie comme simple offre identitaire
    destinée aux différents groupes sociaux perdrait
    son pouvoir de faire reconnaître lhistoire comme
     savoir de la diversité humaine . Rapportée au
    thème de lhistoire du souvenir, cela voudrait
    dire tant quelle naborde plus que lhistoire
    de la propre communauté de souvenir particulière,
    elle lui offre uniquement la chance de sassurer
    sa propre identité de manière historiquement
    fondée, mais pas celle de la totalité de la
    nation.

37
  • Il manquerait alors à lhistoire un noyau commun
    à tous, avec pouvoir dintégration. Pour une
    société dimmigrants, cela serait délicat. Cest
    pourquoi les discussions sur ce point sont
    particulièrement passionnées aux États-Unis. Mais
    en Europe aussi, où on a lhabitude, en dépit de
    toute expérience, de partir de la fiction
    dÉtats-nations homogènes, ce problème se posera
    de manière plus insistante à lavenir. Cest donc
    un thème historique qui a de lavenir. Il peut
    très rapidement devenir explosif si par exemple
    des immigrants turcs et leurs descendants demande
    quon leur enseigne leur histoire dans des écoles
    et des universités allemandes, car ils espèrent
    trouver leur identité dans lhistoire de leurs
    ancêtres, et non dans lhistoire de lAllemagne.
    Ou de la France.

38
  • Avec de telles revendications, le caractère
    scientifique de lenseignement de lhistoire, de
    la pensée historique, est-il menacé ? Il est
    difficile de répondre à cette question. Pour
    conclure, je voudrais vous donner un aperçu de ce
    que Paul Ricœur a écrit à ce sujet. Cest à lui,
    à ce philosophe français de rayonnement mondial
    décédé récemment, que nous devons des réflexions
    pertinentes sur linteraction entre des experts
    et des profanes dans la création de tableaux
    historiques. Chez Ricœur, il ny a pas de forte
    séparation entre eux, mais un rapport réciproque.
    Expert et profane, on dépend lun de lautre.
    Ricœur parle de  lenseignement de lhistoire
    par la mémoire , sans toutefois renoncer à la
    fonction critique de lhistoire, cest-à-dire la
    science de lhistoire. Mais cest seulement quand
    elle sinscrit dans la mémoire je traduis ici
    par souvenir -, que lhistoriographie critique
    peut espérer être entendue par la société et agir
    dans elle. Ricœur qualifie cette action de
    thérapeutique. Lhistoire du souvenir comme
    thérapie historique.

39
  • De quoi sagit-il ? Paul Ricœur ne parle
    aucunement en faveur dune historiographie qui
    rajuste le passé de manière à ce que le présent
    sen trouve confirmé. Au contraire, il réfute
    catégoriquement un  déterminisme historique 
    pour introduire à sa place  rétrospectivement de
    la contingence dans lhistoire . Il comprend la
    contingence comme une digue contre une  illusion
    fataliste rétrospective , doù pourrait surgir
    une  manie de la répétition  comme dun
    traumatisme. Cest pourquoi il plaide pour
    raconter lhistoire comme  cimetière des
    promesses non tenues . Il accorde un effet
    thérapeutique à une telle manière de raconter
    lhistoire.

40
  • Mais la condition pour cela est damener la
    mémoire et lhistoire à dialoguer, afin de
    réconcilier la  rupture de lhistoire avec le
    discours du souvenir . Seule peut le rendre
    possible une histoire qui prend au sérieux la
    mémoire préscientifique dont fait aussi partie
    lhistoire du souvenir des profanes de lhistoire
    - et la soumet en même temps à sa critique.
    Référer lune à lautre la  fidélité à la
    mémoire  et la  vérité historique , cest là
    que se trouve la possibilité pour
    lhistoriographie dagir dans la société. Du fait
    quelle comprend les hommes, la connaissance de
    lhistoire se transforme en organisation de
    lavenir. Lavenir passé organise le futur. Mais
    seulement si lhistoriographie élabore un passé
    accessible à lexpérience des contemporains.

41
  • Ricœur vise linteraction entre lhistoire du
    souvenir comme œuvre dun grand nombre et la
    science de lhistoire comme laffaire dexperts.
    Même si les deux empruntent méthodiquement des
    voies très différentes, il ny a pas de forte
    séparation. Et il ne devrait pas y en avoir.
    Sinon lhistoriographie scientifique se
    dépouillerait de ses possibilités daction dans
    la société. Mais pas seulement. Elle courrait
    aussi le risque de laisser passer de nouvelles
    expériences sociales permettant de jeter un
    nouveau regard sur lhistoire. Cette expérience
    nest pas accordée à chaque génération,
    heureusement, car un nouveau regard sur
    lhistoire est lié à des bouleversements qui ont
    des répercussions profondes et le plus souvent
    violentes sur le monde de la vie.

42
  • Lhistoire du souvenir est associée plus
    étroitement à de telles décisions dans la société
    que tout autre type de savoir historique, car
    elle ne connaît pas de frontière systématique
    entre les experts et les profanes, entre la
    science et la vie. Cest pourquoi lhistoire du
    souvenir est au centre des débats du temps
    présent. Cest ce qui fait son charme, et cest
    dans lui que résident ses risques. Les deux en
    font partie.
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