Title: Quelles politiques publiques pour matriser le changement climatique
1Quelles politiques publiques pour maîtriser le
changement climatique ?
- Philippe Quirion
- Économiste, chargé de recherches au CNRS
- Centre international de recherches sur
l'environnement et le développement - www.centre-cired.fr
- Centre d'astronomie, Saint-Michel l'Observatoire
10 août 2006
2Plan
- Maîtriser le changement climatique un objectif
ambitieux mais économiquement réalisable - Comment (ne pas) faire ? Deux illusions
- Y'a qu'à sensibiliser et informer
- Y'a qu'à réglementer / taxer / créer un marché de
quotas - Une combinaison de politiques, secteur par
secteur - Transports
- Bâtiments
- Industrie
- Fourniture d'énergie
- Agriculture et forêt
- Quel cadre international ?
- Conclusion
31. Maîtriser le changement climatique un
objectif ambitieux mais économiquement faisable
4Quelques impacts attendus du changement climatique
Source Jonathan Pershing, WRI
5Quelques ordres de grandeur
- Émissions actuelles de CO2 25 Gt
- Capacité d'absorption des puits naturels (océan,
biomasse) ½ des émissions - La stabilisation du climat implique de diviser
par 2 les émissions mondiales - Réchauffement limité si stabilisation rapide
- Un États-unien émet 20 fois plus qu'un Indien, 10
fois plus qu'un Chinois convergence des
émissions par tête ? division par 4 des émissions
dans les pays industrialisés (facteur 4) - Ça ne suffira pas si la capacité des puits
diminue avec le réchauffement - Tendance des émissions mondiales x 2 d'ici
2050 ? par rapport à la tendance, facteur 4
mondial, facteur 6 dans les pays riches !
6En France, le principe du facteur 4 est inscrit
dans la loi
- " Les objectifs sont connus, ils sont précis. Il
sagit de diviser par deux les émissions de gaz à
effet de serre avant 2050 à léchelle de la
planète. Pour nous, pays industrialisé, cela
signifie une division par quatre ou par cinq. En
vertu du principe de responsabilité commune mais
différenciée, nous devons en effet montrer
lexemple." - J.-P. Raffarin, Assemblée du GIEC, 19 février
2003, - http//www.effet-de-serre.gouv.fr/
- Loi de programme sur les orientations de la
politique énergétique (juillet 2005) principe
d'une baisse de 3 par an des émissions ? facteur
4 d'ici 2050 - L'application reste à venir !
7Est-ce économiquement justifié ?
- Le coût de la réduction des émissions est-il
inférieur aux bénéfices de la stabilisation du
climat ? - Le coût de la réduction des émissions entre 1
et 4 de baisse du PIB mondial en 2050 - 4 du PIB en moins
- Diminution de 0,07 du taux de croissance annuel
moyen - Un an de croissance du PIB en moins
- Difficile de chiffrer le bénéfice de la
stabilisation - Incertitudes biophysiques
- Jugements éthiques dans l'agrégation entre riches
et pauvres, et entre générations - Ma conclusion le chiffrage économique ne peut
aujourd'hui trancher
8Réforme fiscale écologique un "double
dividende" possible en théorie
Mais en pratique, il faudra compenser les
perdants ! ? double dividende peu probable
Source GIEC, 3e rapport , 2001, GT III ch. 8,
http//www.grida.no/climate/ipcc_tar/wg3/fig8-5.ht
m
9Réduire les émissions développerait les branches
intensives en emploi
102. Comment (ne pas) faire ? Deux illusions
112.1. Y'a qu'à sensibiliser et informer (1/2)
Source Eurobaromètre spécial 217, avril 2005,
p. 45 http//europa.eu.int/comm/public_opinion/arc
hives/ebs/ebs_217_fr.pdf
122.1. Y'a qu'à sensibiliser et informer (2/2)
Les citoyens comprennent la notion d'externalité
! ? Nécessité de politiques publiques.
Source Eurobaromètre spécial 217, avril 2005,
p. 46 http//europa.eu.int/comm/public_opinion/arc
hives/ebs/ebs_217_fr.pdf
132.2. Y'a qu'à réglementer / taxer / créer un
marché de quotas
- Réglementer l'efficacité énergétique utile,
mais néglige les comportements, voire les dégrade
(effet rebond). - Le point de vue de l'économiste naïf il suffit
de créer une taxe sur le CO2 ou un marché de
quotas de CO2 échangeables. Problème - Prix du super sans plomb 1 400 /TEP
- Prix du fuel lourd pour l'industrie 200 /TEP
- ? Le prix du CO2 qui doublerait le coût du fuel
lourd pour l'industrie n'entraînerait qu'une
hausse de 15 pour le super. - ? Un prix du CO2 générant un impact suffisant
dans les transports est politiquement
inapplicable dans l'industrie. - Il faut donc des politiques différenciées entre
secteurs.
143. Une nécessaire combinaison de politiques,
secteur par secteur
15(No Transcript)
163.1. Transports
- Répartition
- Voitures gt ½ des émissions
- Camions et avions les fortes hausses et le
moins de solutions techniques - Au niveau mondial, aviation 40 des émissions
du scénario facteur 2 en 2050 si lon suit les
prévisions de croissance du trafic.
17Comment réduire les émissions des transports?
- ? CO2/TEP biocarburants d'un intérêt limité
aujourd'hui. Hybrides rechargeables marge de
manuvre importante - ? TEP/t.km et TEP/passager.km 50 de gain avec
les techniques actuelles à coût faible sur
voitures, moins sur camion et avion. Solution - Limitation des émissions moyennes des véhicules
mis sur le marché par chaque constructeur - Flexibilité entre constructeurs
- ? t.km et passager.km
- Stopper les subventions à la pollution (aérien,
routier, frais réels) - Taxer l'accès des camions aux routes (cf. Suisse,
Allemagne) carburants - Augmenter l' offre rail, bus, vélo, marche
- Lutter contre l'étalement urbain
- Inciter au covoiturage (PDE, voies réservées)
- Remettre en cause la mondialisation ?
18Le carburant routier est-il cher ? (1/3)
19Le carburant routier est-il cher ? (2/3)
20Le carburant routier est-il cher ? (3/3)
213.2. Bâtiments
- Émissions comptabilisées dans ce secteur
chauffage, ECS climatisation, résidentiel et
tertiaire - Émissions en hausse progrès isolation et
chaudières ne compense pas - croissance surface
- hausse température
- climatisation
- Forte inertie constructions 1 du parc / an,
destructions 0,2 - Un impératif isoler systématiquement les
bâtiments construits avant 1975 à un niveau
ambitieux - Ça ne résout pas le problème du comportement
taxer l'énergie
22Isoler systématiquement les bâtiments existants
- Politique actuelle incitation (subventions,
certificats blancs) - Pourquoi ça ne suffira pas ?
- Facteur 4 20 millions de logements à isoler en
40 ans (2010-2050) 500 000 / an en moyenne - La vente est le meilleur moment pour isoler
logements vides, travaux souvent nécessaires - 600 000 logements vendus par an, dont une
partie ( 150 000) postérieurs à 1975 - Il faut donc que l'isolation soit systématique
l'incitation ne suffira pas - 120 000 emplois à la clé
- Hausse du prix de l'énergie ? rentable pour
l'acheteur si accès au crédit et petite aide
publique - www.negawatt.org
23L'énergie pour le chauffage est-elle chère ? (1/2)
24L'énergie pour le chauffage est-elle chère ? (2/2)
25La fiscalité écologique s'oppose-t-elle à la
justice sociale ?
- Les ménages pauvres sont davantage victimes des
problèmes environnementaux et des catastrophes
naturelles. - Vrai en général, Cf. OCDE (2004)
- Encore plus pour le changement climatique
- Les recettes des taxes peuvent réduire d'autres
impôts inégalitaires - Pour l'énergie distribuées en réseau, on peut
concilier équité et économie d'énergie - suppression de la part fixe
- tarif progressif
- Efficace en Italie pour l'électricité (cf.
graphique) - Mais plus de double dividende !
26(No Transcript)
273.3. Industrie
- Situation baisse "naturelle" des émissions,
mais gros potentiel d'amélioration à coût faible - L'UE d'abord réticente, puis leader dans
l'application des quotas d'émissions échangeables
aux GES - Couvre les émissions de CO2 de l'industrie et du
secteur énergétique 12 000 sites, ½ émissions
CO2 - Adoption de Plans nationaux d'allocation des
quotas (PNAQ) par les États-membres, contrôle par
la Commission européenne 2 problèmes - PNAQ laxistes
- attribution par phase 2005-2007, 2008-2012 ?
Incitation perverse réduction des émissions
aujourd'hui moins de quotas demain ?
28Le PNAQ français 2005-2007, -2,43 ou 15
?Source calculs d'après doc. provisoires du PNAQ
(champ restreint)
Chiffres 2005 publiés l'allocation dépasse les
émissions de 19 Mt
29Exemple du raffinage de pétrole
2/an
1/an
2/an
0,08/an
Source calcul d'après documents du PNAQ
français 2005-07 et inventaire des émissions
30Les pertes de compétitivité un problème
exagéré (1/2)
- Les études statistiques ne trouvent pas d'effet
négatif des politiques environnementales sur la
compétitivité - Les "fuites de CO2" 5 à 20 selon les modèles
économiques - L'industrie a toujours crié au loup et surestimé
les coûts (ICS, 2004) - Où sont les pertes de compétitivité annoncées ?
Pas dans les données 2005 !
- Le "First mover advantage" joue déjà PV au
Japon, éolien au Dk., All., Esp. - La qualité de l'environnement est un facteur de
localisation (Cf. Silicon Valley)
31Source Quirion Hourcade, 2004
32Les pertes de compétitivité un problème
exagéré (2/2)
- Quantitativement, le surcoût des politiques
climatiques est mineur comparé à celui des
variations de taux de change. Cf. Hourcade
Quirion (2004)
33La perte de compétitivité un problème soluble
- Les ajustements de taxe aux frontières (ATF)
- exempter la production exportée vers les pays qui
ne régulent pas leurs émissions - taxer les importations de matériaux intensifs en
GES - ATF efficaces pour éviter les fuites de CO2. Seul
inconvénient léger surcoût pour les
consommateurs - Les ATF sont une manière de faire payer les
consommateurs de produits intensifs en GES, pas
les producteurs - Compatibilité avec l'OMC ?
- Avis divergents parmi les juristes
- Problème politique que veut-on négocier à l'OMC
?
343.4. Fourniture dénergie
- Émissions plus faibles en France qu'ailleurs
(nucléaire et hydraulique) - La grosse divergence entre les scénarios "facteur
4" - Développement du nucléaire
- Capture et stockage géologique du CO2
- Renouvelables
- Nucléaire
- Risques, déchets, épuisement
- Concurrence dans l'électricité ? peu de
perspectives - Capture et stockage manque de recul et risques
de fuite - Éolien et PV intermittence
- Dans tous les cas économiser l'électricité est
nécessaire !
35Réglementer l'efficacité des appareils
électriques moteurs
- Émissions impliquées dans le secteur énergétique
conso électrique résidentiel x 7 depuis 1970 en
France - L'UE est en retard sur les autres pays développés
- La directive Eco-conception de 2003 permettra de
combler ce retardà conditionde fixer des
seuils ! - Coûts très faibles
AIE, Cool Appliances, p57, source Harrington
Damnics, 2002
363.5. Agriculture
- Principales émissions de GES dues aux engrais
azotés (N2O), fermentation entérique (CH4) et
déjections animales (N2O CH4). A la marge CO2
des machines et bâtiments - Émissions en légère baisse (? engrais azotés)
mais mal connues - Gros potentiel de réduction sur le N2O en
diminuant les apports d'engrais azotés - Autres bénéfices ? pollution de l'eau et
consommation d'énergie - Quelle politique mettre en uvre ?
- Taxe simple sur les engrais azotés peu efficace
ou très impopulaire - Taxe avec seuil (projet de loi sur l'eau de
2002), critère d'éco-conditionalité des aides de
la PAC - CH4 dû à la fermentation entérique solutions
techniques ou baisse de la consommation de
viande - Déjections animales méthanisation (baisse des
émissions et production biogaz) - Les GES dans notre assiette sont aussi dus au
transport (camion, avion) ? nécessaire
relocalisation
374. Quel cadre international ?
38Le paradoxe des négociations plus on en sait,
moins on en fait
- Négociations
- 1988-97 progrès rapides
- 1988 G7, Assemblée générale des Nations Unies
- 1992 Convention-cadre des Nations Unies
- 1994 Entrée en vigueur de la Convention
- 1997 Adoption du Protocole de Kyoto (PK)
- 1998-???? stagnation
- 1998-2001 Désaccords sur lapplication du PK
- 2001 (mars) Retrait des Etats-Unis
- 2001 (juillet) Accord de Bonn
- 2005 Entrée en vigueur du PK
- ???? démarrage des négociations sur l'après-2012
- Science
- 1988 création du GIEC
- 1990 1er rapport du GIEC préoccupations
- 1995 2e rapport "un faisceau déléments suggère
une influence perceptible de lhomme sur le
climat" - 2001 3e rapport "lessentiel du réchauffement
observé est probablement dû à laugmentation des
concentrations de GES" - 2005 mise en évidence de la corrélation entre
température de la mer et puissance des cyclones
39Perspectives pour après 2012
- Problèmes
- L'administration Bush refuse toute politique
significative - PED ne veulent pas s'engager sans action des
États-unis - Dans l'UE, beaucoup s'en accommodent
- Sources d'espoir
- Les États-unis peuvent adopter une politique
nationale Kyoto - Pression grandissante des scientifiques et des
États (Californie, Nord-Est) - Vote du Sénat 22 juin 2005 principe d'un
système de PEN - Après 2012, distinguer
- Objectifs type Kyoto (Annexe I, Corée)
- Politiques moins contraignantes, ex. objectifs
sectoriels ou politiques sectorielles (Chine,
Brésil) - L'enjeu surmonter le blocage US / PED suppose
- Un gouvernement différent aux États-unis
- Que les pays développés réduisent leurs émissions
40Vote du Sénat des États-unis (53-44)22 juin 2005
- (a) FINDINGS. Congress finds that
- (1) greenhouse gases accumulating in the
atmosphere are causing average temperatures to
rise at a rate outside the range of natural
variability and are posing a substantial risk of
rising sea-levels, altered patterns of
atmospheric and oceanic circulation, and
increased frequency and severity of floods and
droughts - (2) there is a growing scientific consensus that
human activity is a substantial cause of
greenhouse gas accumulation in the atmosphere
and - (3) mandatory steps will be required to slow or
stop the growth of greenhouse gas emissions into
the atmosphere. - (b) SENSE OF THE SENATE.It is the sense of the
Senate that Congress should enact a comprehensive
and effective national program of mandatory,
market-based limits and incentives on emissions
of greenhouse gases that slow, stop, and reverse
the growth of such emissions at a rate and in a
manner that - (1) will not significantly harm the United States
economy and - (2) will encourage comparable action by other
nations that are major trading partners and key
contributors to global emissions.
41La population est consciente du problème
42Évolution des émissions de GES des pays
développés, 1990-2003
43(No Transcript)
44Conclusions
- Stabiliser la température implique la division
par 4 (en gros) des émissions des pays développés - Le coût économique est modéré
- L'effet net sur l'emploi serait sans doute
positif - Cela nécessite de combiner (principalement) deux
types de politiques - Des réglementations ambitieuses, bien conçues et
vraiment appliquées - Taxer l'énergie
- Effets distributifs régressifs, compétitivité
- Il faut les prendre en compte, mais
- Ne pas oublier les effets positifs
- Ne pas exagérer les effets négatifs
- Des moyens de pallier ces effets négatifs
existent ! - Mais la réduction des émissions se heurte à des
intérêts importants ? ce n'est pas l'issue la
plus probable
45Références (1/2)
- Sur les mesures à mettre en uvre
- RAC-F, Changement climatique 10 mesures
prioritaires à intégrer dans les programmes
électoraux pour 2007, avril 2006, www.rac-f.org - NegaWatt (2003) Réglementation énergétique dans
les bâtiments antérieurs à 1975, www.negawatt.org - P. Quirion (2004) "La politique climatique
française reste en plan", Les Cahiers de Global
Chance 19 / Courrier de la Planète 72, pp. 33-35
avril-juin - Sur les subventions à la pollution
- Agence européenne de l'environnement Energy
subsidies in the European Union A brief
overview, EEA Technical report 1/2004 - Bureau européen de l'environnement (2004) Stop
subsidies polluting the world recommandations
for phasing-out and redesigning environmentally
harmful subsidies, http//www.eeb.org/activities/e
nv_fiscal_reform/stop-subsidies-polluting-world-De
cember04.pdf - Sur l'impact économique en général
- GIEC, Climate Change 2001 Mitigation, Cambridge
UP, www.ipcc.ch
46Références (2/2)
- Sur les conséquences distributives des politiques
environnementales - OCDE, Environment and Distributional Issues
Analysis, Evidence and Policy Implications, juin
2004 - Sur la compétitivité
- Bureau, D. et M. Mougeot, eds., Politiques
environnementales et compétitivité, Conseil
d'analyse économique, Rapport n 54, La
documentation française, 2004 - Demailly, D. P. Quirion (à paraître) Leakage
from climate policies and border tax adjustment
lessons from a geographic model of the cement
industry, MIT Press - International Chemical Secretariat, Cry Wolf,
predicted costs by industry in the face of new
regulations, avril 2004, www.panda.org - Raspiller, S. N. Riedinger, Régulation
environnementale et choix de localisation des
groupes français, Document de travail de lINSEE,
juillet 2004
47Sites web utiles
- Institutions
- Agence européenne de l'environnement
themes.eea.eu.int/Environmental_issues/climate - Commission européenne www.europa.eu.int/comm/envir
onment/climat/home_en.htm - Convention cadre des Nations-Unies unfccc.int
- GIEC (IPCC) www.ipcc.ch
- Mission interministérielle sur l'effet de serre
(MIES) www.effet-de-serre.gouv.fr - Recherche
- Cired www.centre-cired.fr
- Laboratoire de Météorologie Dynamique
www.lmd.jussieu.fr - Autres
- Atelier Changement climatique de l'ENPC
climweb.free.fr - Réseau Action Climat France www.rac-f.org
- Jean-Marc Jancovici www.manicore.com