Title: Pouvoir d'achat pouvoir de propagande
1Pouvoir d'achatpouvoir de propagande
2Analyse patronale (synthèse) "On assiste
aujourd'hui à une fantastique hystérie du pouvoir
d'achat." Déclaration de l'Unizo (Union des
classes moyennes flamande) De Standaard, 29
janvier 2008
3Analyse de Big Brother (résumé) Cette inquiétude
est partagée en haut lieu, pour d'autres
raisons. Au début du mois de janvier, à l'entame
des négociations sectorielles pour la fonction
publique en Allemagne, le syndicat Ver.di tablant
sur une revalorisation salariale de 8, le
président de la Banque centrale européenne
Jean-Claude Trichet fait une sortie publique
remarquée. C'est un plaidoyer vibrant pour la
modération salariale. Il juge essentiel que "les
comportements de fixation des salaires
n'affectent pas les taux d'inflation". Il avertit
que, si tel devait être le cas, il veillerait à
ce que cela ne se matérialise pas. Financial
Times, 10 janvier 2008
4Analyse des métallos allemands (conclusion) En
passant, une bonne nouvelle. Voici quelques
jours, les 85.000 métallos du nord-ouest de
l'Allemagne ont arraché une augmentation de
5,2. Financial Times, 21 février 2008
5Sont-ce des concepts? On a compris qu'il y a un
lien entre pouvoir d'achat, inflation et...
conflits sociaux. On va commencer par se fixer
les idées, clarifier les concepts en jeu. On va
aller voir Keynes
6John Maynard Keynes J.M. Keynes,
1883-1946. Économiste britannique associé aux
politiques de stimulation économique par les
dépenses publiques. (Champion, aujourd'hui les
Etats-Unis, dont l'endettement extérieur frôle
les 473 milliards deuros en 2007 (soit 19000
milliards de nos anciens francs), jugé
insoutenable par beaucoup, d'où quelques effets
incontrôlés depuis l'été dernier, avec le crash
d'une la bulle immobilière spéculative dont les
métastases en cascade ne cessent de se
propager.) De l'amour de l'argent et du profit,
il disait que c'est "un état morbide plutôt
répugnant"
7 Capital contre travail (à vol d'oiseau) En
passant, une mauvaise nouvelle. La crise
financière et peut-être économique qu'on
connaît depuis l'été dernier, partie des
Etats-Unis pour gagner le monde entier, oblige
d'envisager les choses d'un point de vue
global. Un grand nombre de facteurs interviennent
ici. C'est par exemple la financiarisation de
l'économie qui conduit à un partage des richesses
produites entre capital et travail (cela, c'est
vous) qui, de plus en plus, enraye tant la
demande que l'offre. La demande, c'est à nouveau
vous, c'est le pouvoir d'achat. L'offre, c'est
l'investissement, les capitaux productifs
détournés vers les dividendes et les opérations
spéculatives. Voyons cela.
8 Graphique Ressources en Capital avant
distribution et investissement brut
Explication du graphique Les bénéfices, c'est ce
qui grimpe. Les investissements productifs, c'est
la ligne dégringolante. Ce graphique est extrait
de (diapositive suivante)
9 Préfacé par Mateo Alaluf(ULB, Institut Marcel
Liebman),cet ouvrage collectif associant FGTB,
CSC et Attac sous la direction scientifique de
Reginald Savage (Fopes, FUNDP), est co-édité par
le Gresea et Couleur Livres en 2008 146 pages
avec 23 graphiques, un lexique et une brève
chronologique économico-historique, en librairie
au prix de 14 euros.
10Mise en concurrence mondiale du travail et
inflation
- Un autre facteur à envisager est la mise en
concurrence mondiale des travailleurs. C'est un
terrain bien connu de chacun. C'est la marée de
délocalisations vers des pays à bas à salaires, à
commencer par la Chine, dont les niveaux de
salaires, peu à peu, sont devenus la référence,
le point de comparaison, pour faire pression sur
les salaires partout ailleurs. - Ce qui est moins connu, c'est que cette
sous-traitance mondiale a permis de contenir,
ici, l'inflation. Toutes les marchandises bon
marché Made in China qui envahissent notre
quotidien ont eu une fonction anti-inflationniste.
Ont eu... car sur ce front, cela bouge. Hausse
des prix pétroliers oblige, et la demande accrue
pour les matières premières (alimentaires,
métallurgiques), et la pression des
agrocarburants sur le secteur agricole, tout cela
n'est pas resté sans conséquences. Comme notait
voici peu l'ancien président de la banque
centrale américaine Allan Greenspan - "Après avoir pendant des années exporté de la
déflation, la Chine et l'Inde sont actuellement
en train d'exporter de l'inflation au lieu." - Financial Times, 26 novembre 2007
11Back to basics
- Mais revenons à Keynes, aux concepts de base.
- L'inflation est une érosion générale de la valeur
de l'argent et disait-il, elle a pour principal
effet - "de modifier la distribution de la richesse entre
différentes classes sociales." - Essays in Persuasion", 1931,
- traduit en français sous le titre "Essais sur la
monnaie et l'économie", - Petite collection Payot, 1971.
- Il faut retenir cela. L'inflation n'est pas
neutre. Elle "produit" des perdants et des
gagnants. C'est une des choses que la propagande
du discours dominant cherche à masquer. Examinons
cela.
12Propagande n1 (Changer de sujet)
- Comment masquer le caractère fondamentalement
redistributif et inégalitaire de l'inflation?
Rien ne vaut un bon exemple. On va donner la
parole à Ivan Van De Cloot.. - C'est un économiste de la banque ING et son
intervention a un contexte. - On est à la fin de 2005, on s'inquiète de voir
les négociations sur laccord interprofessionnel
2007-2008 déraper au-delà de la norme salariale,
on parle en haut lieu de la nécessité d'un "pacte
de compétitivité" et puis, là, comme tombé du
ciel, on a les résultats de l'enquête sur le
budget des ménages qui vont servir de base à la
révision de l'indice des prix à la consommation
et, naturellement, en termes absolus, on constate
une croissance du pouvoir d'achat. En 2004, le
ménage belge moyen a dépensé 30.600 euros et
c'est 3,7 de plus que l'année précédente. Dans
un journal, le fait sera interprété comme étant
révélateur de "l'extraordinaire propension à
consommer de la population" La Libre Belgique, 2
décembre 2005 - Et, dans un autre journal, on donne donc la
parole à M. Van De Cloot. Que dit-il? - Il dit ceci.
13Du haut de sa chaire
- Yvan Van De Cloot s'émerveille.
- "Nous n'en sommes pas toujours conscients mais
nous n'avons jamais été aussi riches!" - Le Soir, 21 décembre 2007
- Sur les planches des théâtres de boulevard, Van
De Cloot ferait un tabac. Son numéro susciterait
l'hilarité générale. C'est que son sketch fait
penser à une histoire drôle, celle de ce vieux
couple de pensionnés.
14Sketch
- Le vieux couple de pensionnés est assis à la
table du petit déjeuner de leur petit appartement
bruxellois, dehors, il pleut, cela fait longtemps
qu'on ne se parle plus, chacun à des goûts et des
désirs différents et puis voilà que soudain
Monsieur, émergeant de sa rêverie, brise le
silence et dit à Madame - "Si l'un de nous deux venait à disparaître,
j'irais m'établir en Toscane." - Cela fait rire.
- Van De Cloot aussi, et de la même manière.
- En tant que "chief economist" à ING, il gagne
sans doute très bien sa vie et, lorsqu'il dit que
"on" n'a jamais été aussi riche, on peut, sans se
tromper, en déduire que, en effet, il n'a pas de
problèmes de fin de mois, cela marche très bien
pour lui, merci. De son point de vue,
l'inflation, connaît pas. Le bonjour à Madame.
15Mise au point méthodologique
- Il faut savoir, lorsqu'on parle de la
consommation des ménages et de leur soi-disant
"extraordinaire propension à dépenser", qu'on
n'en sait rien, en réalité. On n'a que des
moyennes et, pire, des extrapolations. - Autant, en effet, il est possible de se faire une
idée, partielle mais précise, des revenus
disponibles des ménages, sur la base des
déclarations fiscales, autant il est impossible
de savoir comment ces revenus sont employés il
n'existe pas de "déclaration de consommation". - Ce qu'on fait, en réalité, cest extrapoler à
partir d'un échantillon fort réduit (quelque
3.000 ménages) la cartographie de consommation de
cet échantillon (c'est la fameuse "enquête" sur
le budget des ménages) à l'ensemble de la
population. Dont on ignore tout. - Autrement dit, lorsqu'on consulte les
statistiques officielles du ministère des
Affaires économiques, on se trouve devant un
cocktail qui mélange, d'une part, des données
dures et incontestables (les revenus), et,
d'autre part, des données molles reposant sur des
suppositions chiffrées (la consommation).
16La propagande du "Belge moyen"
Donc, nous serions tous riches, la croissance de
nos dépenses serait un indicateur évident d'un
standard de vie en amélioration constante... Ce
genre de propagande ne marche qu'en prenant pour
argent comptant l'idée que nous serions tous des
Belges moyens. Quand on voit des moyennes, il
faut toujours se méfier. En effet, pour un ménage
"moyen" qui gagne en 2003 24.600 euros (c'est
2.000 euros par mois), on a en réalité, derrière
ce trompe l'oeil, un revenu médian de 18.900
euros. Soit quelque 1.600 euros par mois. Et,
derrière cette nouvelle approximation, plus
précise, on a, en réalité, un revenu "modal" qui
se situe entre 11.000 et 12.000 euros, soit entre
900 et 1000 euros par mois. Là, on n'est pas loin
du seuil de pauvreté (820 euros par
mois)... Source Nico Hirt, "Déchiffrer le
monde", Editions Aden, 2007
17Derrière la propagande (suite)
- On l'a vu, le revenu "modal" n'est pas loin de
flirter avec le niveau plancher du seuil de
pauvreté. - C'est peut-être l'occasion de rappeler que 1,5
million de Belges vivent sous ce seuil. - Cela peut être représenté, et affiné,
graphiquement. - Population belge vivant sous le seuil de
pauvreté 16 - Proportion des chômeurs vivant sous ce seuil 23
- Part des personnes âgées de plus de 75 ans... 25
- Part des parents isolés au bord du gouffre 38
- Knack, 12 décembre 2007 et infographie Gresea
Attention, ce graphique est la superposition de
quatre ratios différents la proportion des
chômeurs, ainsi, c'est le segment jaune (16)
augmenté du segment orange, lesquels, ensemble,
font 23 - et ainsi de suite.
18Ce n'est qu'une impression (air entendu)
- La batterie d'arguments fallacieux déployés pour
nier la réalité des effets de paupérisation (une
redistribution inégalitaire, remember) causés par
l'inflation est trop multiforme pour être abordée
ici. - On se limitera à un classique.
- Il consiste à psychologiser. L'inflation? Tout
est dans votre tête, ce ne sont que des
imaginations. - Un journal a appelé cela...
- le "syndrome du tout augmente madame"
- Le Soir, 15 décembre 2007
- Dans le langage pseudo-savant, dans la presse, on
distingue ainsi entre l'inflation réelle (pas de
quoi s'affoler, elle n'a pas beaucoup bougé, en
moyenne) et l'inflation perçue (c'est à dire,
toujours faussement perçue comme supérieure à la
précédente).
19Un autre chief economist
- Dans la bouche de Geert Noels, encore un "chief
economist", cette fois de Petercam, cela donne
ceci (nous soulignons) - "La perception d'une hausse de l'inflation est
surtout liée aux produits dont les prix
augmentent les produits de consommation courante
deviennent plus chers. Par contre, les prix des
choses que l'on achète moins souvent, comme un
téléphone, un ordinateur ou une voiture, sont en
baisse. Le consommateur perçoit moins bien ces
choses que l'indice d'inflation mesure. Et puis,
tout le monde trouvera toujours que le pouvoir
d'achat n'augmente pas assez vite avec le taux
d'inflation. Le consommateur a toujours de
nouveaux désirs." - Trends-Tendances, 10 janvier 2008
- L'affaire est entendue? On classe?
20Astuces pour gagner du pouvoir dachat
- A suivre ce raisonnement, il suffirait de
remplacer certains produits de "consommation
courante", devenus plus chers, par d'autres, dont
les prix ont diminués. - En se basant ainsi sur les chiffres relatifs à
l'évolution des prix ces deux dernières années,
rassemblés par le CRIOC... - on arrêtera d'acheter des oeufs ( 33 ) pour
plutôt manger des DVD (- 2 ) - on cessera de se chauffer au gasoil ( 22) pour
plutôt faire une flambée de caméras digitales (-
15 ) - on renoncera à la télédistribution ( 9 ) pour
plutôt regarder lécran d'un téléphone portable
(- 17 ) - L'Echo, 16 février 2008
21Inflation du quotidien, inflation de l'aisance
- Il faut revenir à la distinction entre produits
de consommation courante et, comme dit le chief
economist de Petercam, produits "qu'on achète
moins souvent". C'est fondamental. - L'indice des prix à la consommation, qui
représente notre seule mesure de l'inflation, ne
fait pas cette distinction. Il mélange tout. Cela
donne une moyenne. La moyenne en 2007, c'est
environ 3. - Cette moyenne gomme, pour reprendre les chiffres
du CRIOC, que, en deux ans,
Bref, les choses dont on ne peut pas se passer
augmentent méchamment plus que les autres. Il en
va de même de ce qu'on appelle les "dépenses
contraintes". Elles ont, au fil du temps, explosé.
22La spirale des dépenses contraintes
- On entend par dépenses contraintes (aussi
appelées "fixes") les achats sur lesquels les
ménages n'ont pas ou très peu prise. - Ce sont les frais de loyers, de chauffage,
d'impôts, de banque, d'assurances, de
remboursements de crédits, de transports, de
téléphonie, etc. - Ces frais-là, incontournables, n'ont cessé
d'enfler...
23En 45 ans, les dépenses contraintes sont passées
de 22 (BLEU) à 45 (BLEU MAUVE) dans le budget
des ménages, et jusqu'à 75 (les trois quarts!
le JAUNE cest le BLEU le MAUVE) chez les
ménages les plus modestes.
Les Echos, 26 octobre 2007 et infographie Gresea
24Haro sur l'indice?
- L'indice des prix à la consommation est, on le
sait, une construction mathématique comportant un
fort composant politique. - Que disait le gouverneur de la banque centrale de
Belgique, Guy Quaden, à l'issue de la dernière
révision de l'indice? - Il s'est réjoui de la modération dont les
partenaires sociaux ont fait preuve lors de cet
exercice. - En effet, précisait-il
- "Grâce au nouvel indice, l'inflation sera plus
faible." - De Morgen, 10 novembre 2006
- Faut-il pour autant le rejeter?
25L'indice personnalisé
- D'aucuns plaident pour la création d'indices qui
mesureraient l'impact de l'inflation sur les
différentes catégories sociales. - En France et en Grande-Bretagne, les instituts de
statistiques mettent à la disposition de la
population un "simulateur" qui permet de mesurer
l'impact de l'inflation sur le pouvoir d'achat et
le budget de chacun. - On trouve cela, pour la France, sur le site de
l'Insee - http//www.insee.fr/fr/indicateur/indic_cons/indic
_sip.htm - Et, en Grande Bretagne, à l'adresse
- http//www.statistics.gov.uk/pic/
- C'est intéressant, individuellement, mais il
n'est pas dit que cela fasse beaucoup avancer le
schmilblick
26L'indice des patrons (pour mémoire)
- C'est peut-être l'occasion, en passant, de dire
que la patronat les puissances économiques
n'accordent qu'une assez faible attention à
l'indice, étant donné son manque de fiabilité. - Aux Etats-Unis, ainsi, la Banque centrale
surveille plutôt ce qu'ils appellent là-bas la
"core inflation", par opposition à la "headline
inflation" (celle qui fait les titres des
journaux). La "core inflation" fait abstraction
des prix alimentaires et d'énergie, jugés trop
volatils méthode qu'on retrouve ici dans
"l'indice santé" - D'autres, à commencer par les investisseurs,
préfèrent des indicateurs plus précis, tel - le Baltic Dry Index
- qui mesure le fret maritime international en
janvier 2008, il dégringolait de 53 par rapport
à son niveau plafond (150 en 2007),un fait
annonciateur d'une demande en baisse (bref, d'un
ralentissement inflatoire de l'économie mondiale)
27L'indice des travailleurs (de combat)
- Un des moyens les plus efficaces pour préserver
le pouvoir d'achat, pour les travailleurs, est
sans doute le combat syndical pour la défense
d'un travail décent, c'est-à-dire conquête du
droit ouvrier, de toutes parts menacé aujourd'hui
pour un contrat de travail à durée
indéterminée. - Un petit dessin suffira pour s'en convaincre
28Décodage au chalumeau les salaires des "vieux"
51-60 ans, avec leurs contrat à durée
indéterminée, résistent bien tous les autres,
précarisés, flanchent, voire s'écrasent sur le
tarmac, ce sont les jeunes 26-30 ans, c'est
l'avenir que nous léguons à nos enfants
29Un indice de combat?
- En 1972, la CGT avait mis en place un
"contre-indice". - En 2008, la Belgique reste un des rares pays,
avec le Luxembourg, à indexer salaires et revenus
de remplacement. C'est dire que l'indice, et la
liaison des salaires à l'indice, demeure un
objectif progressiste à condition d'entendre ce
mécanisme de correction comme le minimum en
dessous duquel on n'ira pas. C'est le niveau
"plancher", non négociable, à partir duquel une
redistribution équitable entre capital et travail
doit s'opérer. - Mentionnons tout de même en passant l'initiative
de la députée Karine Lalieux visant à instituer
un Observatoire du coût de la vie quotidienne
30 31Un Observatoire du coût de la vie quotidienne?
(Liste des produits que la proposition de loi
Lalieux veut placé sous contrôle)
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