Title: CHAPITRE 3
1CHAPITRE 3
- La résurgence des idées keynésiennes
2La pensée keynésienne en crise.
- Le modèle keynésien orthodoxe et la synthèse
néoclassique ont été attaqués au cours des années
1970. Il est maintenant devenu évident pour le
courant keynésien dominant que la critique des
nouveaux classiques représente un défi beaucoup
plus puissant et potentiellement plus destructeur
que celui, déjà ancien, des monétaristes. - Lorthodoxie monétariste se présentait
elle-même comme une alternative au modèle
keynésien standard, elle n'apparaît pas comme une
remise en cause radicale.
3- Malgré ces développements, vers 1978, LUCAS et
SARGENT envisageaient la " macro-économie après
les keynésiens ". Selon eux, le modèle keynésien
ne pouvait plus être rapiécé. Les problèmes
étaient bien trop fondamentaux et liés en
particulier à des bases micro-économiques
inadéquates qui supposaient le non-ajustement des
marchés et également l'incorporation, dans les
modèles keynésiens et monétaristes, d'une
hypothèse sur la formation des anticipations
incohérentes avec le comportement de maximisation
(l'hypothèse d'anticipations adaptatives plutôt
rationnelles).
4- Dans un article intitulé " The Death of Keynesian
Economics Issues and Ideas ", LUCAS (1980) est
allé jusqu'à affirmer que " les gens se sentaient
offensés quand ils étaient qualifiés de
keynésiens. - Dans les séminaires de recherche, la théorisation
keynésienne n'était plus prise au sérieux,
l'assistance se mettait à bavarder et à rire "
(cité dans MANKIW, 1992). - Mais, à cette époque, aux USA, les vieux
économistes keynésiens posaient déjà la
question " KEYNES est-il bien mort ? " (cf.
TOBIN, 1977).
5La résurgence de la pensée keynésienne ?
- BLINDER a parlé de " KEYNES après LUCAS " (1986),
de " décadence et grandeur de l'économie
keynésienne " (1988a) et plus récemment a
prétendu qu' " une restauration keynésienne est
en marche " (1992b). HOWITT (1986) a commenté le
" retour des keynésiens ", MANKIW (1992) affirme
que l'économie keynésienne s'est " réincarnée "
et THIRLWALL (1993) pense que nous sommes les
témoins d'une " renaissance keynésienne ".
6- En réponse à sa propre question, TOBIN (1977) a
fourni une réponse sans équivoque dans son essai,
The Future of Keynesian Economics (cité par
SNOWDON) - " L'une des raisons de l'avenir de l'économie
keynésienne est que les théories alternatives des
fluctuations n'en ont aucun. ... Je me hasarde
à prévoir qu'aucune des deux variétés des
théories du cycle économique proposées par la
nouvelle macro-économie classique ne sera
considérée comme une explication crédible des
fluctuations économiques d'ici quelques années .
7- La persistance d'un chômage élevé en Europe au
cours des années 1980 et 1990 a également apporté
une " crédibilité accrue à la théorie et à la
politique économique keynésienne " (TOBIN, 1989).
Quand on demanda à Paul SAMUELSON si KEYNES était
mort, il répondit " Oui, KEYNES est mort. Tout
comme EINSTEIN et NEWTON " (SAMUELSON, 1988).
8- Les nouveaux classiques ont résolu la tension
entre la micro-économie néoclassique et la
macro-économie keynésienne en abandonnant cette
dernière. - Les modèles néo-keynésiens sont très
différents, de bien des façons, de leurs
lointains cousins des années 1960. En
reconstruisant les fondations micro-économiques
de l'économie keynésienne, les théoriciens
néo-keynésiens ont établi un programme de
recherche visant à rectifier les défauts
historiques qui imprégnaient le vieux modèle
keynésien (SNOWDON et VANE, 1994).
9Section 1 Les différents courants keynésiens
- Y a-t-il un renouvellement du courant keynésien ?
La nouvelle économie keynésienne est un nouveau
courant de pensée qui se réclame de KEYNES. - Nous savons que ce dernier auteur a donné lieu à
de nombreuses interprétations en 1980, E. Roy
WEINTRAUB parlait, non sans humour, du " 4827è
examen du système de KEYNES " en précisant
" Malheureusement, il n'existe pas de vue
communément acceptée sur ce que KEYNES a
réellement accompli " (WEINTRAUB, Fondements
micro-économiques, Econonomica, 1980, p39). - Il existe de nombreuses obédiences keynésiennes,
nous essaierons d'en donner une classification en
reprenant la typologie de ABRAHAM-FROIS.
10- Un premier courant peut être déterminé il
s'agit de celui du keynésianisme de longue
période. Les deux auteurs principaux de cette
école sont HARROD et DOMAR. Ils ont essayé de
prolonger dans le long terme l'analyse de KEYNES
qui est essentiellement de courte période. - Le deuxième courant est celui de l'école de
Cambridge ou plus exactement des
post-cambridgiens étant donné que KEYNES
enseignait dans cette université britannique.
Nous pouvons souligner le fait que dores et déjà,
cette classification est source de difficultés
car HARROD était l'un des disciples les plus
fidèles de KEYNES. Les auteurs de cette école
sont préoccupés par les interactions entre les
phénomènes de croissance, de crises et ceux
relatifs à la répartition en tentant de concilier
les idées de KEYNES, de MARX et de KALECKI. Les
auteurs les plus importants sont naturellement N.
KALDOR et J. ROBINSON auxquels nous pouvons
rattacher les travaux plus récents de L.
PASINETTI et de P. GAREGNANI sans oublier
l'importance de la contribution de P. SRAFFA.
11- Le troisième courant est très connu
puisqu'il s'agit de l'école de la synthèse
classico-keynésienne. Les auteurs essaient de
réconcilier et même de faire la synthèse entre
les apport de KEYNES et ceux de WALRAS. Cette
école a été particulièrement dominante durant les
années 60, elle comprend notamment HICKS, HANSEN,
SAMUELSON, SOLOW, TOBIN, KLEIN, MODIGLIANI ...
dont beaucoup sont Prix Nobel. - Il existe aussi un quatrième courant,
dit parfois " néo-keynésien " qui s'est développé
durant les années 70 cette école a parfois été
dénommée " équilibres à prix fixes " ou encore,
" école du déséquilibre ". Le groupe d'auteurs
appartenant à cette école s'est intéressé aux
fondements micro-économiques de la
macro-économie. Ce groupe d'auteurs a eu un écho
favorable en Europe (surtout en France et en
Belgique du fait de la notoriété de E. MALINVAUD
et J. DREZE),
12Section 2 Les nouveaux keynésiens.
13- La nouvelle économie keynésienne s'est développée
en réaction à la crise théorique traversée par
l'économie keynésienne orthodoxe dénoncée par
LUCAS au cours des années 1970. - La tâche monumentale dévolue aux théoriciens
keynésiens consistait à remédier aux défauts
théoriques et aux incohérences du vieux modèle
keynésien, ce qui impliquait de construire une
théorie de l'offre globale où les rigidités de
prix et de salaires pouvaient être rationalisées.
14- La nouvelle économie classique postule
l'ajustement continu des marchés, ce qui fait que
l'économie ne peut jamais être contrainte par une
insuffisance de la demande effective. De ce fait,
pour beaucoup d'économistes, la marque
distinctive de l'économie keynésienne est
l'absence d'ajustement continu du marché. - Dans l'ancienne synthèse néoclassique, comme
dans la nouvelle version du modèle keynésien,
l'incapacité des variations de prix à ajuster
suffisamment vite les marchés implique que les
chocs sur la demande et l'offre se traduisent par
des effets réels importants sur la production et
l'emploi.
15- Dans un modèle keynésien, les déviations de la
production et de l'emploi par rapport à leurs
valeurs d'équilibre sont parfois importantes et
prolongées et sont sans aucun doute considérées
comme préjudiciables au bien-être économique.
Ainsi que GORDON (1993) l'a souligné, " l'attrait
de l'économie keynésienne découle du malheur
criant des travailleurs et des entreprises durant
les récessions et les dépressions. Les
entreprises et les salariés ne se comportent pas
comme si la réduction de la production et des
heures de travail était le résultat d'un choix
volontaire ".
16Les propositions et les caractéristiques
centrales de la nouvelle économie keynésienne.
- MANKIW et ROMER (1991) définissent l'économie
néo-keynésienne par référence aux réponses que
cette théorie apporte aux deux questions
suivantes. - Première question La théorie viole-t-elle la
dichotomie classique ? Autrement dit, est-ce que
la monnaie est neutre ? - Deuxième question La théorie postule-t-elle que
les imperfections réelles des marchés sont
essentielles pour la compréhension des
fluctuations économiques ?
17- Au sein des écoles dominantes, seuls les nouveaux
keynésiens répondent par l'affirmative à ces deux
questions. - La non-neutralité de la monnaie découle de la
lenteur d'ajustement des prix, et les
imperfections de marché expliquent cette lenteur.
- Une différence cruciale entre les modèles des
nouveaux classiques et des nouveaux keynésiens
concerne le mode de fixation des prix.
18- Par opposition aux preneurs de prix (" price
takers ") qui peuplent les modèles des nouveaux
classiques, les modèles néo-keynésiens supposent
un mode de fixation des prix en monopole, plutôt
qu'un mode concurrentiel, par les entreprises. - Bien que la théorie de la concurrence
monopolistique ait été développée indépendamment
par ROBINSON (1933) et CHAMBERLAIN (1933) avant
la publication de la Théorie générale de KEYNES,
ce n'est que récemment que les théoriciens
keynésiens du courant dominant ont sérieusement
commencé à incorporer la concurrence imparfaite
dans les modèles de non-ajustement des marchés.
De ce point de vue, les post-keynésiens étaient
en avance.
19Le rôle des anticipations rationnelles
- La plupart des modèles néo-keynésiens supposent
que les anticipations sont rationnelles. Dans ce
domaine, la révolution des années 1970 opérée par
les nouveaux classiques a profondément influencé
la macro-économie en général. Cependant, certains
des keynésiens les plus connus (BLINDER, 1987
PHELPS, 1992) ainsi que des économistes
monétaristes (LAIDLER, 1992b) restent critiques à
l'égard des fondements théoriques et des preuves
empiriques de l'hypothèse des anticipations
rationnelles.
20- De ce fait, bien que l'intégration des
anticipations dans les modèles néo-keynésiens
soit devenue la norme, il n'en va pas
nécessairement toujours ainsi. - Si les économistes keynésiens ont un intérêt
commun pour l'amélioration de l'analyse de
l'offre dans leurs modèles, ils sont très
partagés sur la question de la politique
économique, des questions telles que le débat
entre les politiques discrétionnaires et
l'application de normes fixes, ou la conduite des
politiques budgétaires et monétaires.
21- Ainsi, si les nouveaux keynésiens considèrent les
chocs sur la demande et sur l'offre comme des
sources potentielles d'instabilité (BLANCHARD et
QUAH, 1989), ils sont en partie d'accord avec les
théoriciens du cycle économique réel sur la
capacité d'une économie de marché à absorber de
tels chocs et à maintenir le plein-emploi. Par
ailleurs, les nouveaux keynésiens partagent aussi
la conception de KEYNES selon qui le chômage
involontaire est à la fois possible et
vraisemblable.
22- Les nouveaux keynésiens conçoivent un monde
théorique nouveau, caractérisé par des
imperfections de marché, des marchés incomplets,
un facteur travail hétérogène et des asymétries
d'information, et peuplé d'agents préoccupés
d'équité. De ce fait, le monde macro-économique
" réel " vu par les nouveaux keynésiens est
caractérisé par des difficultés de coordination
et des externalités macro-économiques.
23- L'un des problèmes posés par les développements
néo-keynésiens est que leur programme de
recherche est dépareillé (COLANDER, 1988). En
fait, il n'y a pas de modèle néo-keynésien
unifié, mais plutôt une multiplicité
d'explications de la rigidité des salaires et des
prix, et de leurs conséquences macro-économiques.
- Les différents éléments de la nouvelle école
keynésienne insistent sur les formes et les
causes des imperfections de marché et sur leurs
conséquences macro-économiques. Cependant, ces
nombreuses explications ne sont pas mutuellement
exclusives et sont souvent complémentaires.
24Section 3 Les théories néo-keynésiennes du cycle
économique.
- Les économistes néo-keynésiens admettent que les
chocs qui engendrent les fluctuations peuvent
provenir aussi bien de l'offre que de la demande. - Cependant, les nouveaux keynésiens soutiennent
qu'il existe des frictions et des imperfections
au sein de l'économie, qui amplifient ces chocs
et dont il résulte d'importantes fluctuations du
volume de la production et de l'emploi. Pour les
nouveaux keynésiens, ce qui importe n'est pas
tant de connaître l'origine de ces chocs que de
savoir comment l'économie y répond.
25Les rigidités nominales
- Dans la nouvelle économie keynésienne, la
recherche sur les fluctuations connaît deux
tendances. L'approche dominante souligne
l'importance des rigidités nominales. La seconde
approche poursuit les travaux de KEYNES (1936) et
de TOBIN (1975) et explore l'impact
potentiellement déstabilisant de la flexibilité
des salaires et des prix.
26- Nous allons les examiner successivement. Prenons
la figure suivante. La partie (a) illustre
l'impact d'une baisse de l'offre de monnaie, qui
déplace la demande globale de DG0 à DG1. Si une
combinaison de coûts d'étiquettes et de rigidités
réelles conduit à un niveau de prix rigide P0, le
déclin de la demande déplacera l'économie du
point E0 au point en E1 sur la partie (a). La
baisse de la production réduit la demande de
travail. Sur la partie (c), la courbe de demande
de travail effectif (DLe) montre la quantité de
travail nécessaire pour produire différents
niveaux de production.
27- Comme l'indique le diagramme, la quantité L1 de
travail est nécessaire pour obtenir le volume Y1
de production. Les prix et le salaire réel étant
fixés respectivement à P0 et w0, les entreprises
quittent la courbe de demande virtuelle, DL, pour
se situer sur la courbe de demande de travail
réelle indiquée par NKL1 sur la partie (d). - Au taux de salaire rigide w0, les entreprises
souhaitent recruter L0 travailleurs, mais elles
ne peuvent pas écouler sur le marché la
production supplémentaire qui serait engendrée
par ces travailleurs additionnels. Le choc sur la
demande a produit une augmentation du chômage
involontaire de L0 - L1. La courbe d'offre à
court terme des nouveaux keynésiens OGCT (P0) est
parfaitement élastique au niveau des prix fixés.
Finalement, la pression à la baisse des prix et
des salaires déplacera l'économie du point E1 au
point E2 partie (a), mais ce processus peut
être beaucoup trop long.
28Impact d'un choc sur la demande globale dans le
modèle néo-keynésien.
29Les rigidités des prix
- C'est pour cela que les économistes
néo-keynésiens préconisent, comme KEYNES, des
mesures permettant de ramener la courbe de
demande vers E0. Il est donc clair que dans le
modèle néo-keynésien, les chocs monétaires ne
sont pas neutres à court terme, bien que la
monnaie reste neutre à long terme, comme
l'indique la courbe d'offre globale qui est
verticale à long terme (OGLT). - L'impuissance des entreprises à réduire les prix,
même si à terme cela bénéficierait à toutes, est
un exemple d'échec de coordination.
30Léchec de coordination
- Un échec de coordination caractérise une
situation où les agents atteignent un résultat
qui est inférieur pour eux tous, parce qu'il
n'existe pas d'incitations privées permettant aux
agents de choisir ensemble les stratégies qui
produiraient un résultat meilleur (et préféré)
(cf. MANKIW, 1994). - L'inaptitude des agents à coordonner avec succès
leurs activités dans un système décentralisé
provient du fait qu'aucune entreprise n'est
incitée à réduire isolément son prix et à
augmenter sa production, étant donné l'inaction
supposée de toutes les autres. - Or, comme la stratégie optimale d'une firme
dépend des stratégies optimales adoptées par les
autres, il existe une complémentarité
stratégique, puisque toutes gagneraient à ce que
les prix soient réduits et la production
augmentée (ALVI, 1993). Pour beaucoup
d'économistes keynésiens, la cause fondamentale
de l'instabilité macro-économique vient des
problèmes de coordination (cf. BALL et ROMER,
1991 LEIJONHUFVUD, 1992).
31- La seconde variété de théories néo-keynésiennes
du cycle économique suggère que la rigidité des
prix et des salaires ne constitue pas le
principal problème. - Même si les salaires et les prix étaient
pleinement flexibles, la production et l'emploi
seraient très instables. En effet, il se peut
même que les rigidités des prix réduisent
l'ampleur des fluctuations, un point déjà
souligné par KEYNES dans le chapitre 19 de la
Théorie générale. Cette question a été
reconsidérée à la suite de l'article de TOBIN
(1975).
32Limportance des rigidités réelles
- TOBIN lui-même reste très critique à l'égard des
nouveaux keynésiens qui continuent à privilégier
les rigidités nominales (TOBIN, 1993) et
GREENWALD et STIGLITZ ont fortement influencé le
développement de modèles néo-keynésiens du cycle
économique qui ne reposent pas sur l'inertie des
prix et des salaires nominaux, mais où les
rigidités réelles jouent un rôle important.
33- Dans le modèle de GREENWALD et STIGLITZ (1993a,
1993b), on postule que les entreprises ont une
aversion pour le risque. Les imperfections des
marchés financiers engendrées par l'asymétrie de
l'information empêchent beaucoup d'entreprises
d'accéder au marché boursier. - Les firmes rationnées ne peuvent diversifier que
partiellement leurs risques. Leur dépendance plus
grande vis-à-vis de l'émission d'actions
nouvelles les rend plus vulnérables à la
faillite, en particulier au cours d'une récession
où la courbe de demande de la plupart des
entreprises est déplacée vers la gauche.
34- Confrontée à une telle situation, la firme
rationnée qui a une aversion pour le risque
préférera réduire sa production, parce que les
incertitudes dues à la flexibilité des prix sont
bien plus grandes que celles provenant des
ajustements de quantités. - GREENWALD et STIGLITZ pensent que, à mesure de
l'augmentation de la production des entreprises,
la probabilité de faillite augmente, et puisque
le dépôt de bilan entraîne des coûts, ceux-ci
seront pris en compte dans les décisions de
production de la firme.
35Le risque de faillite
- Le coût marginal de faillite mesure les coûts
supplémentaires attendus qui découlent de la
faillite. Au cours d'une récession, le risque
marginal de faillite augmente, et les entreprises
qui ont une aversion pour le risque y répondent
par une réduction du volume de production
qu'elles sont disposées à offrir pour chaque prix
(les salaires étant donnés). Tout changement de
valeur nette des entreprises, ou de leur
perception du risque, exercera un impact négatif
sur leur inclination à produire et déplacera vers
la gauche la courbe d'offre globale intégrant le
risque.
36La rigidité du niveau des prix
- Il s'ensuit que les récessions provoquées par la
demande induisent probablement des déplacements
vers la gauche de la courbe d'offre globale. Il
se peut que l'effet combiné de ces facteurs
laisse le niveau des prix inchangé, même s'il n'y
a pas, dans ce modèle, de frictions empêchant
l'ajustement. Selon toute vraisemblance, la
flexibilité des prix aggrave la situation, dans
la mesure où elle accroît l'incertitude. Dans le
modèle de GREENWALD et STIGLITZ, l'offre et la
demande globales sont interdépendantes et la
" dichotomie entre chocs sur la demande et
chocs sur l'offre n'est au mieux que
trompeuse " (GRENNWALD et STIGLITZ, 1993b,
p.103).
37- Sur la figure suivante, nous avons illustré
l'impact d'un choc sur la demande qui entraîne un
déplacement vers la gauche de la courbe d'offre.
Le niveau des prix demeure en P0, bien que la
production chute de Y0 à Y1. Un déplacement vers
la gauche de la courbe d'offre, résultant d'une
sensibilité accrue au risque, déplacerait aussi
la demande de travail vers la gauche. Et, si le
salaire réel est influencé par des considérations
relatives au salaire d'efficience, le chômage
involontaire augmentera sans que le salaire réel
ne change notablement.
38- En plus des facteurs précédents, les nouveaux
keynésiens ont également étudié les conséquences
des imperfections du marché du crédit qui
conduisent les prêteurs n'aimant pas le risque, à
accroître la part des placements sans risque dans
leur portefeuille, en réaction aux récessions. - Ce comportement peut amplifier les chocs
économiques car il augmente le coût réel de
l'intermédiation. En effet, le resserrement du
crédit qui en résulte peut transformer une
récession en dépression. Les emprunteurs
rationnés sur le marché boursier trouvant les
crédits plus difficiles à obtenir et plus
coûteux, les faillites vont s'accélérer. - Comme des taux d'intérêt élevés augmentent la
probabilité de non-paiement, les institutions
financières, qui sont également allergiques au
risque, optent fréquemment pour un rationnement
du crédit. BERNANKE (1983) soutient que la
sévérité de la Grande Dépression fut davantage
due au resserrement du crédit, qu'à la
contraction de la masse monétaire.
39(No Transcript)
40- pt et pt-1désignent les variations des prix (donc
l'inflation si les variations sont positives), - gt est le taux de croissance durant la période
t, - Qt est le niveau d'utilisation des capacités de
production au cours de la période t, - zt le choc de productivité (il s'agit de tous les
phénomènes susceptibles de modifier la
productivité au cours de l'année considérée) - d caractérise le degré d'inertie de la variable
sa valeur indique la corrélation entre le taux
d'inflation d' " aujourd'hui " et celui
d' " hier " - a indique le degré de viscosité des prix, cela
représente la réaction du système de prix aux
variations de la demande exprimée ici par
l'intermédiaire du taux de croissance b indique
l'effet de niveau exercé par le degré
d'utilisation des capacités Qt.
41Lhystérèse
- Il est intéressant de noter que pour b 0,
l'évolution des prix est indépendante du taux
d'utilisation des capacités de production et donc
de façon similaire, nous pouvons dire que
l'évolution du salaire est indépendante du taux
de chômage. Cela signifie que l'ampleur de la
crise est sans influence sur l'évolution des prix
et des salaires. Cela correspond à ce que l'on
appelle l'effet d'hystérésis ou effet
d'hystérèse. Ainsi, il est possible que les prix
et/ou les salaires augmentent tandis que
l'économie est profondément déprimée. C'est une
situation de ce type que l'Europe a vécu durant
les années 80.
42Une question peut se poser cette viscosité
est-elle stable ?
- De l'étude menée par GORDON sur l'évolution de
l'économie américaine sur plus d'un siècle
(1873-1987), il est possible de tirer une
première conclusion assez surprenante puisqu'elle
va à l'encontre de l'idée souvent évoquée selon
laquelle le développement des ententes,
l'importance des syndicats, le rôle croissant des
Etats auraient rendu les économies contemporaines
moins " flexibles " qu'au début de ce siècle.
43- En fait, il n'y a pas d'augmentation de la
viscosité des prix ou des salaires pour
l'économie américaine lorsqu'on compare la
période 1954-1987 à 1873-1914. - Dans cette même étude, l'auteur fait une
estimation des déterminants du taux d'inflation
sur cinq pays, les USA, le Royaume-Uni, la
France, l'Allemagne et le Japon pour la période
1873-1986. L'étude montre que la viscosité des
prix n'est pas une caractéristique de la Grande
Dépression ou de la situation postérieure à la
Seconde Guerre mondiale ce phénomène peut être
mis en évidence avant 1914.
44Les effets d'hystérèse et le chômage.
- Dans le modèle de FRIEDMAN, le taux de chômage
d'équilibre du marché appelé taux naturel de
chômage est associé à un taux d'inflation stable.
- Selon l'hypothèse du taux naturel, les
fluctuations de la demande globale ne peuvent pas
exercer d'influence sur le taux de chômage
naturel. - Ce dernier est déterminé exclusivement par des
éléments concernant l'offre, les conditions de
production. La demande globale peut influencer le
taux effectif de chômage à court terme, mais à
mesure que les anticipations inflationnistes
s'ajustent, le chômage revient à sa valeur
(naturelle) d'équilibre à long terme.
45- Dans les modèles des nouveaux classiques, quand
le changement de la demande n'est pas anticipé,
l'effet combiné de l'ajustement du marché et des
anticipations rationnelles garantit que le
chômage revient rapidement à son taux naturel. - Beaucoup de keynésiens ont préféré utiliser ce
qu'ils appellent le NAIRU (acronyme venant de
l'expression Non-Accelerating Inflation Rate of
Unemployment, qui correspond au taux de chômage
qui n'accélère pas l'inflation) plutôt que le
taux naturel pour décrire le taux de chômage
compatible avec une inflation stable. - La différence cruciale entre les deux concepts
provient de leurs fondements micro-économiques. - Le taux naturel de FRIEDMAN est celui qui
équilibre le marché, alors que le NAIRU est un
taux de chômage qui assure la cohérence entre le
salaire réel souhaité par les travailleurs et le
salaire réel réalisable, déterminé par la
productivité du travail et l'importance de la
marge de profit de l'entreprise. Puisque le NAIRU
est déterminé par l'équilibre des forces entre
travailleurs et entreprises, les fondements
micro-économiques se rapportent aux théories de
la concurrence imparfaite sur les marchés du
travail et du produit.
46- L'augmentation considérable des taux de chômage,
particulièrement en Europe au cours des années
1980, semble indiquer que le taux de chômage
naturel (ou le NAIRU) a augmenté. - Deux explications ont été avancées pour
expliquer ce haut niveau de chômage. - La première fait appel aux changements
spécifiques qui ont réduit la flexibilité sur le
marché du travail syndicats plus puissants,
prestations de chômage plus élevées,
réglementations excessives, lois sur le salaire
minimum et impôts plus lourds sont les plus
fréquemment retenus.
47- Cependant, alors que certains de ces facteurs
peuvent rendre compte de l'augmentation du
chômage dans les années 1970, pour beaucoup
d'économistes, ils n'offrent pas une explication
plausible et complète du chômage des années 1980
(le pouvoir des syndicats, par exemple, a été
largement réduit au Royaume-Uni). - L'augmentation simultanée des taux de chômage
effectif et naturel a conduit certains
économistes néo-keynésiens à explorer une seconde
explication qui admet que la demande globale
puisse influencer le taux naturel (NAIRU).
48- Les modèles pour lesquels le taux naturel dépend
de l'histoire des taux d'équilibre sont appelés
théories de l'hystérèse (ou hystérésis). Ce fut
PHELPS (1972) qui suggéra que le taux naturel
d'équilibre est en partie influencé par la
trajectoire suivie pour atteindre l'équilibre.
PHELPS appela " hystérèse " cette dépendance à la
trajectoire suivie, un terme emprunté à la
physique, où il sert à décrire la propriété de
dépendance de l'induction à l'égard des états
magnétiques antérieurs.
49- Dans les modèles d'hystérèse, le taux naturel de
chômage (NAIRU) est d'autant plus élevé que le
taux effectif de chômage de la période précédente
est supérieur au taux naturel de cette même
période (HARGREAVES-HEAP, 1980). Dans cette
équation, UNt est le taux naturel de chômage au
temps t, UNt-1 est le taux naturel de chômage de
la période précédente, Ut-1 est le taux de
chômage effectif de la période précédente et bt
représente les autres facteurs influençant le
taux naturel, comme les prestations de chômage.
50- Si l'on suppose que bt 0, l'équation peut être
réagencée sous la forme précédante - L'équation permet de voir que UNt gt UNt-1 lorsque
Ut-1 gt UNt-1. En d'autres termes, les variations
du taux effectif de chômage agissent comme un
aimant, tirant le taux de chômage naturel dans la
même direction.
51- Les théories de l'hystérèse se répartissent en
deux catégories - les théories de la durée du chômage et les
théories des insiders-outsiders. Les théories de
la durée du chômage soulignent que, lorsque Ut gt
UNt, le problème du chômage structurel est
exacerbé par la dépréciation du capital humain
(qualifications) des chômeurs qui, de ce fait,
deviennent inemployables. Un taux de chômage
élevé crée aussi un nombre croissant de chômeurs
de longue durée, qui n'exercent qu'une faible
influence sur les négociations salariales, mais
qui augmentent le NAIRU
52- Les théories des insiders-outsiders insistent sur
le pouvoir des insiders, qui empêche l'ajustement
des salaires à la baisse face à l'augmentation du
chômage. Rappelons que les insiders sont les
employés d'une entreprise tandis que les
outsiders sont des chômeurs. De ce fait, les
outsiders ne peuvent pas profiter de
l'augmentation du chômage pour se faire embaucher
moyennant un salaire plus bas (cf. BLANCHARD et
SUMMERS, 1986, 1988). Si les effets d'hystérèse
sont importants, le ratio de sacrifice associé à
la désinflation aux récessions est bien plus
élevé que ce qui est suggéré par l'hypothèse
initiale du taux naturel puisqu'un chômage élevé
semble être durablement installé. -
53Section 4 Les causes des rigidités
- L'idée de rigidité de tous les prix, même du
salaire, est une idée attribuée à KEYNES, il
n'est pas certain que ce dernier ait été
totalement d'accord avec une telle étiquette. - Les nouveaux keynésiens, rejetant l'hypothèse des
nouveaux classiques quant à la parfaite
flexibilité des marchés reprennent à leur compte
l'idée d'une certaine rigidité des prix, rigidité
qu'ils appellent plutôt viscosité, car les prix
finissent toujours par s'ajuster mais avec
retard.
54A/Les rigidités nominales
- HICKS (1974) entre les marchés il y a d'une
part les marchés à prix fixes comme le marché
du travail et une bonne partie du marché des
biens et d'autre part les marchés à prix
flexibles tels que les marchés financiers,
agricoles ou ceux de matières premières. - Nous verrons d'une part la rigidité des salaires
nominaux et nous examinerons d'autre part la
rigidité des prix nominaux.
55La rigidité des salaires nominaux
- Il faut rappeler que dans les modèles keynésiens
traditionnels, le niveau des prix ne peut pas
diminuer afin de rétablir l'équilibre du fait du
non ajustement des salaires nominaux. - Les nouveaux classiques comme LUCAS, SARGENT,
WALLACE et BARRO au cours des années 70 ont
montré que toute perturbation monétaire qui était
anticipée engendre une variation immédiate des
salaires et des prix à leurs nouvelles valeurs
d'équilibre le niveau d'emploi et de production
est donc maintenu. Dans ce cadre d'analyse, la
conclusion est que les politiques monétaires
systématiques sont inefficaces. - Cependant, il est important de noter que
beaucoup d'économistes ont pensé que la thèse des
nouveaux classiques sur l'inefficacité des
politiques monétaires était due à l'hypothèse des
anticipations rationnelles. Or, FISCHER (1977)
ainsi que PHELPS et TAYLOR (1977) ont démontré
que, même avec des anticipations rationnelles,
les perturbations nominales pouvaient avoir des
effets réels dès lors que l'on ne prend pas en
compte l'hypothèse d'ajustement continu des
marchés.
56- FISCHER (1977) et TAYLOR (1980) ont introduit
cette inertie dans les salaires nominaux avec la
notion de contrats salariaux à long terme. - En effet, dans toutes les économies développées,
les salaires ne sont pas quotidiennement ajustés,
mais sont négociés pour une période donnée sous
forme de contrats. Ainsi, l'existence même de ces
contrats à long terme crée une rigidité nominale
suffisante pour que les politiques monétaires
soient efficaces, car les autorités monétaires
peuvent modifier plus souvent l'offre de monnaie
que les salaires ne sont renégociés. - FISCHER (1977) fait l'hypothèse " empiriquement
raisonnable " selon laquelle les agents
économiques négocient les salaires nominaux pour
" des périodes plus longues que le temps
nécessaire aux autorités monétaires pour
s'adapter aux circonstances économiques ". - Nous pouvons donc conclure que la politique
monétaire peut avoir des effets réels à court
terme bien qu'elle soit neutre à long terme.
57- La figure suivante permet de comprendre l'analyse
de FISCHER. On suppose que l'économie se trouve
en A. Intervient alors un choc inattendu qui
affecte la demande nominale à la période
courante, alors la courbe de demande va se
déplacer de DG0 vers DG1. - Si les prix sont flexibles alors que les salaires
nominaux sont momentanément rigides (et sont
fixés à W0) du fait des contrats négociés au
cours de la période précédente et couvrant la
période actuelle, l'économie va se situer au
point B, la production réelle va donc chuter de
YN à Y1. Si les salaires et les prix étaient
parfaitement flexibles, la courbe d'offre à court
terme baisserait vers la droite de OGCT(W0) à
OGCT(W1), afin de rétablir le niveau naturel de
production au point C - Cependant, les contrats nominaux de salaires à
long terme empêchent cet ajustement et
fournissent aux autorités monétaires l'occasion
d'augmenter l'offre de monnaie, ce qui, qu'elle
soit anticipée ou non, déplace la courbe DG vers
la droite et rétablit ainsi l'équilibre au point
A.
58- Si on fait l'hypothèse que les autorités
monétaires sont libres de réagir à tout instant
aux chocs exogènes (car elles sont indépendantes
du gouvernement), alors que les salariés sont
liés avec leurs contrats, le pilotage de la
demande dans le but de stabiliser l'économie
prend un sens, même si les agents forment des
anticipations rationnelles. Les autorités
monétaires n'ont pas la contrainte des contrats,
les interventions discrétionnaires ont un rôle à
jouer. Nous comprenons que dès lors que les
salaires nominaux sont rigides, les autorités
monétaires ont la possibilité d'agir sur les
salaires réels et donc sur la production et
l'emploi. Cependant, il faut se garder de penser
que l'absence de neutralité monétaire est due au
fait d'une surprise monétaire non anticipée. En
effet, la politique monétaire, même anticipée, a
un effet réel parce qu'elle se fonde sur des
informations qui ne sont connues qu'après la
négociation des contrats.
59 Contrats de salaires nominaux, anticipations
rationnelles et politique monétaire.
60- SNOWDON (1997) remarque que les contrats
salariaux sont un élément important commun à
toutes les économies industrielles de marché,
tandis que la durée des contrats et la fréquence
des négociations diffèrent selon les pays. - L'auteur prend l'exemple du Japon où les contrats
ont une durée d'un an et sont négociés en même
temps (système shunto), nous pouvons noter que
ces éléments s'accompagnent d'une plus grande
stabilité macro-économique que dans le cas
américain. - Par contre, aux USA, le système de négociation
n'est pas synchronisé ainsi, les contrats, qui
ont une durée d'environ de trois ans, se
chevauchent tout comme au Royaume-Uni où les
contrats durent généralement un an. Puisque les
contrats sont négociés à intervalles irréguliers,
l'inertie des salaires nominaux est plus
importante que dans la situation où tous les
contrats sont négociés en même temps, on parle de
contrats " décalés " ou " imbriqués ". - TAYLOR (1980) a montré que l'effet de la
politique monétaire s'étend au-delà de la durée
du contrat lorsque ceux-ci sont échelonnés
irrégulièrement.
61- Cependant, nous pouvons nous interroger afin de
connaître les raisons pour lesquelles les agents
négocient des contrats à long terme alors que
cela a pour effet d'accroître l'instabilité
macro-économique. PHELPS (1985, 1990) a tenté de
répondre. Selon lui, c'est parce qu'il existe des
avantages bénéficiant aussi bien aux entreprises
qu'aux employés. Il y en aurait trois. - Les négociations prennent du temps, et sont donc
coûteuses aussi bien pour les employeurs que les
employés. En effet, il faut rechercher la
structure des salaires relatifs (à l'intérieur
comme à l'extérieur de l'entreprise), il faut
prévoir l'évolution des variables économiques
clés comme la productivité, l'inflation, la
demande, les profits, les prix. Il est aisé de
comprendre que plus la durée du contrat est
longue, moins ces coûts de transactions se
répètent. Il est avantageux d'avoir des contrats
de longue durée. - Les négociations peuvent échouer, une grève peut
être entreprise afin de renforcer le pouvoir de
négociation des salariés vis à vis de leur
employeur. Or, ces arrêts de travail sont coûteux
pour l'entreprise (elle ne produit pas) et pour
les travailleurs (ils ne sont pas rémunérés).
Tout le monde a intérêt à signer un accord. - De plus, si l'entreprise ajuste immédiatement le
taux de salaire nominal suivant un choc négatif
de demande, elle ne mène pas une stratégie
optimale car si les autres entreprises ne
réduisent pas simultanément les salaires, la
première proposera un salaire relatif plus
faible, ce qui accroît la probabilité de turn
over les coûts augmentent.
62- C'est pourquoi l'évolution des taux de salaire au
cours d'une récession ne suit pas le " processus
de retraite ordonnée " comme l'indiquent les
nouveaux classiques mais suit plutôt " une
retraite dispersée ", retraite qui se développe
dès lors que l'information se diffuse dans toute
l'économie (PHELPS, 1985, p. 564). - Il est nécessaire de souligner que
l'échelonnement irrégulier des contrats salariaux
est une bonne chose du point de vue
micro-économique. - En effet, les entreprises n'ont qu'une
connaissance imparfaite du monde, elles ont donc
l'opportunité d'acquérir des informations
importantes en observant les prix et les salaires
des autres entreprises. - HALL et TAYLOR (1993) ont montré que
l'échelonnement irrégulier des variations de
salaires offre une information aux employeurs
comme aux employés en ce qui concerne l'évolution
des structures de prix et de salaires.
63- Afin de mieux comprendre, prenons l'exemple
utilisé par ABRAHAM-FROIS (1995). - Soit le cas de contrats fixés pour une durée de
deux ans, la moitié des salaires sont fixés au
temps t, tandis que l'autre moitié des salaires
sont fixés au temps t1. Supposons qu'au départ
les prix soient stables, et qu'il se produit une
diminution de la quantité de monnaie. - Est envisagée une politique monétaire totalement
inefficace selon les nouveaux classiques, sauf
effet de surprise sur les agents économiques. La
NEC suppose un ajustement immédiat des salaires
ils baissent. Puisque la diminution des
rémunérations est proportionnelle à la variation
de la quantité de monnaie, il n'y a donc aucun
effet réel selon la théorie quantitative de la
monnaie. L'emploi comme la production ne sont pas
affectés par la politique monétaire. Or, avec les
contrats " imbriqués ", il en va différemment.
64- Soit une réduction de la quantité de monnaie au
cours de l'année t, le 31 décembre de l'année t,
la première moitié des salaires va être négociée.
Supposons que les salariés acceptent la baisse
des salaires (ils sont censés être walrasiens)
les prix des biens qu'ils fabriquent vont donc
pouvoir baisser. Mais les salariés de la seconde
vague vont bénéficier d'une hausse de leur
salaire réel puisque leur salaire nominal ne
varie pas, et les prix de certains biens
diminuent. La hausse du salaire réel pour ce type
d'emploi va entraîner une réduction des
effectifs. - La politique monétaire a donc des effets réels.
De plus, la baisse des salaires de la première
cohorte ne doit pas être excessive sinon les
salariés quitteront leur emploi et essayeront de
travailler dans le deuxième secteur. C'est
pourquoi il y a une viscosité des salaires,
l'apparition d'un certain degré de chômage
apparaît du même coup.
65- Ainsi, on arrive mieux à comprendre la
coexistence d'une inflation salariale et du
chômage. Pour ABRAHAM-FROIS (1995, p. 323),
" même s'il y a une baisse de la demande, les
travailleurs savent que la politique économique
sera expansionniste dans un avenir pas trop
éloigné. Les salariés de la première cohorte sont
certes touchés par le choc monétaire mais ils
savent que la cohorte n2 renégociera dans un
climat amélioré les anticipations sur les
négociations de demain retentissent sur les
négociations d'aujourd'hui. On s'étonne en
conséquence moins de la coexistence d'une
rigidité, voire d'une hausse des salaires avec un
certain degré de chômage ".
66Les rigidités nominales des prix
- L'explication de la rigidité des salaires
nominaux a fait l'objet de vives critiques comme
celles de BARRO (1977). D'après ces critiques,
les principes micro-économiques évoqués ne sont
pas solides. - Face à toutes les critiques des nouveaux
classiques, les économistes favorables à la
conception keynésienne des cycles économiques ont
étudié les rigidités nominales sur les marchés
des biens. Les auteurs ont voulu fournir des
fondements micro-économiques indiscutables aux
yeux des nouveaux classiques quant aux phénomènes
de rigidités des prix nominaux ( ROTEMBERG,
1987). - Les entreprises opèrent sur des marchés qui ne
sont pas parfaitement concurrentiels. Elles ne
sont donc pas preneuses de prix comme l'indique
la théorie de l'équilibre général de WALRAS.
67- Elles peuvent donc augmenter légèrement leurs
prix sans pour autant voir disparaître tous leurs
clients. Les réductions de prix se traduisent
certes par une augmentation des ventes mais une
diminution du revenu par unité de produit vendue. - C'est pourquoi, s'il existe des coûts
d'ajustement des prix, même faibles, il peut y
avoir des rigidités nominales de prix importantes
au niveau macro-économique. Cette observation due
à AKERLOF et YELLEN (1985), MANKIW (1985) et
PARKIN (1986) est qualifiée par ROTEMBERG (1987)
d' " intuition PAYM " (PAYM étant l'acronyme de
PARKIN, AKERLOF, YELLEN et MANKIW). - Cette intuition PAYM repose sur une idée simple
le coût des rigidités des prix nominaux supporté
individuellement par chaque entreprise est
moindre que les conséquences macro-économiques.
Il s'agit du coût de changement des étiquettes.
En effet, un changement de prix implique des
coûts impression de nouvelles listes de prix,
de nouveaux catalogues, le temps passé à
renégocier les contrats d'achats et de ventes
avec les fournisseurs et les clients. Voyons
quels sont les arguments des auteurs selon
lesquels les faibles coûts de changement des
étiquettes peuvent provoquer des fluctuations
macro-économiques fortes.
68- Sur un marché de concurrence imparfaite, la
demande d'une entreprise dépend de son prix
relatif mais aussi de la demande globale. Si
cette dernière s'essouffle, la courbe de demande
d'une entreprise va se déplacer vers la gauche
(on passe de D0 à D1). Un tel mouvement peut
réduire sensiblement le profit de l'entreprise.
Face à cette situation, l'entreprise ne gagne
guère à modifier son prix. Avant le choc négatif
sur la demande, le prix et la production qui
maximisent le profit sont donnés par
l'égalisation de la recette marginale (Rm0) avec
le coût marginal (Cm0) au point X on a donc P0
et Q0. La réduction de la demande entraîne une
forte réduction du profit de l'entreprise
considérée. Dès lors que l'entreprise subit un
coût d'ajustement de prix qui n'est pas
négligeable, elle peut décider de maintenir
l'ancien prix P0. Le prix P1 qui serait optimal
n'est pas pris en compte par la firme. Par
contre, au lieu de réduire sa production de Q0 à
Q1, elle la réduit de Q0 à Q.
69Ajustement des prix en concurrence monopolistique
70La figure suivante permet de mieux analyser
la situation. L'entreprise augmenterait son
profit de B-A en réduisant son prix de P0 à P1.
Si le coût de changement des étiquettes z est
supérieur à B-A, l'entreprise ne va pas réduire
le prix. GORDON (1990) et ROMER (1993) ont montré
que l'incitation à réduire les prix est d'autant
plus forte que le coût marginal diminue quand la
production baisse. Coûts de changement des
étiquettes et prix d'ajustement
71- En fait, comme nous l'avons vu, il existe des
avantages privés à négocier des contrats
salariaux à long terme beaucoup de ces
avantages s'appliquent aux accords sur les prix
des produits à long terme entre les entreprises. - Cette fixation des prix permet une forte
réduction de l'incertitude mais permet
d'économiser des ressources rares (ce qui est
efficient du point de vue micro-économique). - GORDON (1981) soutient que l'hétérogénéité
impressionnante du type et de la qualité des
produits disponibles dans une économie de marché
engendrerait des " coûts de transactions
écrasants " si chaque prix devait être fixé par
enchères. Un marché d'enchères est efficient si
ses acteurs n'ont pas besoin d'entrer en contact
(actifs financiers) ou si les biens sont
homogènes (matières premières, produits
agricoles). Un marché à enchères a pour première
caractéristique d'imposer la présence simultanée
des acheteurs et des vendeurs. Le temps comme
l'espace sont des ressources rares, il n'est donc
pas efficient que tous les biens soient vendus
par enchères. - L' " étiquetage des prix " (biens disponibles à
un prix fixe) est une réponse rationnelle au
problème de l'hétérogénéité. D'ailleurs les prix
sont fixés par la méthode du " mark-up ",
c'est-à-dire l'application d'une marge à un coût
(OKUN, 1981).
72B/Les rigidités réelles
- Les rigidités réelles des prix
- Il existe plusieurs causes à ces rigidités.
Quelles sont-elles ? Nous pouvons en recenser
cinq principales. La première tient aux
externalités de marchés en expansion, la deuxième
aux marchés de clientèle viennent ensuite les
imperfections des marchés de capitaux, puis le
prix en tant qu'indicateur de la qualité. La
cinquième cause peut être illustrée en utilisant
le tableau entrées-sorties qui représente
l'interdépendance des entreprises.
73 Les externalités de marchés en expansion.
- Dans la réalité, les acheteurs comme les vendeurs
subissent des coûts de recherche pour être mis en
contact les uns avec les autres. - Les consommateurs doivent passer du temps pour
trouver les marchés sur lesquels se trouvent les
biens dont ils ont besoin. Les producteurs, quant
à eux, font de la publicité pour attirer les
consommateurs. Il en est de même avec les
travailleurs et les employeurs sur le marché du
travail. - D'après DIAMOND (1982), les coûts de recherche
sont moins importants lorsque le marché est en
expansion lors d'une période de forte activité
économique que lorsque le marché est atone
(faible niveau d'activité et de transactions).
74- De plus, il faut noter que les agents seront plus
désireux d'être acteurs d'un marché en expansion
car il s'y effectue beaucoup de transactions, et
s'y noue des complémentarités stratégiques. Les
agents ont une plus grande probabilité d'obtenir
satisfaction sur de tels marchés. - Cela revient à écrire que le niveau optimal
d'activité d'une entreprise dépend de l'activité
des autres entreprises. Par conséquent, si ces
externalités de marchés dynamiques permettent une
élévation de la courbe de coût marginal pendant
les récessions et sa diminution pendant les
périodes d'expansion, alors elles contribuent à
la rigidité réelle des prix. - Ayant évoqué la première cause de rigidité réelle
des prix, voyons le marché de clientèle comme
deuxième cause à ces rigidités réelles.
75 Les marchés de clientèle.
- C'est OKUN (1975, 1981) qui a énoncé la
distinction entre marché d'enchères et marché de
clientèle. La première des caractéristiques d'un
marché de clientèle est une fréquence de
recherche très faible comparée à la fréquence des
achats (MC DONALD, 1992). - Dès lors qu'il existe un coût de recherche, le
consommateur n'aura à sa disposition qu'une
information imparfaite sur le plus faible prix du
marché. Bien que les entreprises vendent un bien
similaire, elles ont un certain pouvoir de
monopole. Un consommateur se sentant satisfait du
produit et de son prix dans un magasin n'ira pas
ailleurs car cela générerait des coûts de
recherche. S'il y a un grand nombre d'acheteurs
répétitifs, l'entreprise a intérêt à ne pas
modifier ses prix, cela donnerait un signal
négatif aux consommateurs qui seraient incités à
changer de magasin. En effet, une hausse de prix
est immédiatement ressentie, les agents
économiques vont immédiatement ailleurs pour
trouver moins cher. Par contre, une baisse de
prix ne sera bénéfique à l'entreprise tout de
suite car il faut du temps pour que tous les
consommateurs disposent de cette information.
76Les imperfections des marchés de capitaux.
- Toute entreprise qui a décidé de procéder à un
financement externe est confrontée à un obstacle
important l'asymétrie d'information entre les
prêteurs et les emprunteurs. - L'emprunteur est nettement mieux informé que le
prêteur sur la qualité de l'investissement, ses
risques. La conséquence de ce phénomène
d'asymétrie d'information est immédiate il est
plus coûteux de pratiquer un financement externe
plutôt qu'un financement interne. - Rappelons qu'au cours d'une période d'expansion,
les entreprises font des profits plus importants,
elles peuvent donc pratiquer des financements
internes pour leurs investissements. A contrario,
au cours des récessions, le coût de financement
augmente du fait d'une utilisation accrue des
financements externes. Ainsi, si le coût du
capital est contra-cyclique, la période de
récession est marquée par une augmentation des
coûts de l'entreprise (BERNANKE et GERTLER,
1989 ROMER, 1993). Les coûts augmentent il y
a donc encore une rigidité réelle à la baisse.
77Le prix en tant qu'indicateur de la qualité.
- STIGLITZ (1987) a donné une autre explication de
la réticence des entreprises à réduire leurs prix
lorsqu'il y a une baisse de la demande. Les
acheteurs ne disposent que d'une information
imparfaite, alors le prix devient un signal de la
qualité du produit. Si l'entreprise baisse ses
prix, les consommateurs risquent d'interpréter ce
signal comme étant une détérioration de la
qualité du produit. Les entreprises ne sont donc
pas incitées à baisser leurs prix.
78La rigidité des prix et le tableau
entrées-sorties.
- GORDON (1990) a mis en évidence la complexité du
processus de décision dans un monde où des
milliers d'entreprises achètent des milliers de
composants à des milliers d'autres entreprises
dont beaucoup sont situées à l'étranger. " Dès
l'instant où l'on reconnaît la décentralisation
et la multiplicité des relations de fournisseurs
à producteurs, on comprend qu'aucune entreprise
ne peut agir d'une façon qui éliminerait les
effets du cycle économique " (GORDON, 1981, p.
525). - La prise en compte des relations
intersectorielles d'un tableau input-output
permet de donner une explication sur l'importance
des chocs spécifiques par rapport aux chocs
globaux. Une entreprise a de multiples
fournisseurs, cette entreprise a aussi de
nombreux clients. Pour ne pas les perdre, elle
retardera le plus longtemps possible les
variations de prix, c'est pourquoi elle veillera
à ce que ses coûts n'évoluent pas. Ainsi, ses
fournisseurs devront maintenir leurs prix. Toutes
les entreprises sont dépendantes les unes des
autres. De plus, dans les années 70, LUCAS avait
soulevé le problème posé par l'imperfection de
l'information pour un producteur isolé face à un
choc exogène dont il ignorait et l'origine et
l'étendue. Le producteur ne sait pas s'il doit ou
non ajuster ses prix. A nouveau, il s'agit là
d'une cause de rigidité réelle des prix.
79Les rigidités réelles des salaires
- Les nouveaux keynésiens ont tenté d'expliquer la
persistance de taux de chômage élevé dans les
principaux pays industrialisés depuis le début
des années 70, et particulièrement en Europe au
cours des années 80. - D'après SNOWDON (1997), " dans le monde des
nouveaux keynésiens, où les prix sont largement
fixés par les agents économiques eux-mêmes, le
salaire réel d'équilibre peut être différent de
celui qui permet l'équilibre du marché ". - STIGLITZ (1987) définit un équilibre de marché
comme " un état où aucun agent n'est incité à
changer son comportement ". Les modèles, dont
l'une des hypothèses est la rigidité du salaire
réel, font apparaître un chômage involontaire
compatible avec l'équilibre de long terme. Ceci
est totalement contraire aux thèses des nouveaux
classiques pour lesquels il ne peut y avoir de
chômage que volontaire du fait que chaque agent
se situe sur sa courbe d'offre de travail et que
la flexibilité des prix et des salaires est
totale.
80La parabole des îles
- PHELPS, pour appréhender l'une des causes du
chômage que KEYNES a qualifié de chômage
frictionnel, évoque la " parabole des îles ".
Quelle est la signification de cette parabole ?
Pour rendre compte des difficultés d'informations
auxquelles se heurte le salarié, l'auteur imagine
des salariés confrontés à une baisse de leur
salaire. Le problème est que les salariés
ignorent si la baisse de leur salaire n'a lieu
que sur leur île ou sur l'ensemble des îles. Afin
de s'informer, les salariés vont partir d'île en
île pour vérifier si le phénomène de baisse des
salaires est général ou non. Il apparaît donc un
chômage de recherche ou un chômage volontaire.
Ainsi, on comprend qu'il existe un taux naturel
de chômage et que ce taux est nécessairement
positif comme l'a démontré PHELPS et al. (1970). - Nous allons exposer successivement les différents
modèles qui permettent d'expliquer la rigidité
des salaires réels. Ainsi, nous évoquerons les
modèles de contrats implicites, les modèles de
salaire d'efficience et les modèles
d'insiders-outsiders.
81Les contrats implicites
- BAILEY (1974), D. F. GORDON (1974) et AZARIADIS
(1975) ont proposé les premiers modèles de
contrats implicites. - Après le développement de l'hypothèse du taux
naturel de chômage (FRIEDMAN, 1968, PHELPS,
1968), les recherches en économie ont porté sur
l'évolution du marché du travail, évolution
résultant d'un comportement optimisateur. La
théorie des contrats implicites tente d'examiner
les raisons pour lesquelles les employés et les
entreprises sont maintenus dans une " glu
économique " en effet, le marché n'est pas régi
selon les lois de WALRAS avec son secrétaire de
marché mais par des contrats (souvent informels). - En étudiant le comportement des entreprises, on
s'aperçoit qu'elles cherchent à fidéliser leur
main d'uvre, elles nouent des relations
informelles avec leurs employés. L'accord prévoit
une assurance sur les conditions de travail (le
salaire) quelles que puissent être les conditions
extérieures. Les modèles de ces trois auteurs
examinent les conséquences de contrats de travail
établis entre des entreprises neutres à l'égard
du risque et des salariés qui sont risque
adverse.
82- Si le salaire réel est constant, les employés
peuvent rendre régulière leur consommation. Quant
aux entreprises, elles acceptent une telle
situation car elles sont dans une meilleure
position que leurs employés pour se protéger des
fluctuations économiques (elles ont notamment une
meilleure information). En échange d'un salaire
réel stable, les travailleurs consentent un
salaire inférieur à celui qui est dicté par les