Title: Pr
1Que peut la pédagogie contre la violence ?
2 Une tentative pour penser pédagogiquement la
violence dans lécole et les réponses possibles à
lui apporter
- Introduction La violence et la parole
- Comprendre les violences
- Trois pistes pour lutter contre la violence
- Conclusion Mirages et défis
1) Esquisse dune analyse pédagogique des
violences scolaires
2) Trois principes pédagogiques pour une morale
provisoire
3Introduction La violence et la parole
- Parler, ce nest
- Ni utiliser des signaux dont limpact sabolit
avec leur énonciation Cette langue, presque
informe, qui meurt à peine née elle se perd sur
le champ, par lusage même. Aussitôt, elle est
transformée dans le pain que l'on demande, dans
le chemin que l'on vous indique, dans la colère
de celui que frappe l'injure Paul Valéry,
Eupalinos ou lArchitecte - Ni donner systématiquement sens à tout jusquà
saturer le vie psychique, abolir le monde et
interdire toute communication Cest très
important de connaître les choses comme elles
sont. Pas comment tu as peur qu'elles soient, ou
comment tu voudrais qu'elles soient. Ni l'un ni
l'autre. Comme elles sont. Tu dois découvrir que
le monde ne pense pas à toi, qu'il ne rôde pas en
attendant de pouvoir te faire mal, même s'il y a
beaucoup de gens, surtout des enfants, qui
pensent ça et qui ont peur. Le monde n'essaye pas
non plus de te faire plaisir. Kressman Taylor,
Ainsi mentent les hommes
4Introduction La violence et la parole
- Parler, cest utiliser des signes pour
sadresser à autrui comme soi-même et à
soi-même comme un autre (Paul Ricoeur). - Accepter simultanément laléatoire du signe et sa
stabilité, afin de sinscrire dans un monde
commun - Sautoriser à penser le monde et sur le monde
- Entrer en interlocution avec lautre par le
travail même de la parole qui sajuste - entre
signal et sens - pour être entendue. Cest dans
le travail de la parole qui se cherche, qui tente
dêtre au plus près du plus juste , qui
reconnaît lautre comme soi intériorisé et
comme altérité radicale , que séprouve
lintention de parler .
5Introduction La violence et la parole
Entrer dans un langage et un monde communs
Ajuster son propos en permanence pour susciter
linterlocution de lAutre
Prendre le risque de se mettre en je
Quand quelquun parle, il fait jour. Freud
6Introduction La violence et la parole
Parler, cest sengager dans une interlocution
avec un alter ego en anticipant sur les
réactions dun autre virtuel intériorisé
(Jürgen Habermas) dont la conscience me restera à
jamais opaque (Edmond Husserl). Parler, cest
confier son destin à une quête sans fin du signe.
Parler, cest opposer la fragilité dun sujet à
la violence originelle des choses
Le signe est une fracture qui ne souvre jamais
que sur le visage dun autre signe
Roland Barthes Lempire des signes
7Première partie Comprendre les violences
- Les violences et la violence de quoi parle-t-on
? - La violence scelle léchec de toute parole
- La violence décourage toute tentative de parole
81) Les violences et la violence dans lécole de
quoi parle-t-on ?
I - Comprendre les violences 1) Les violences
et la violence de quoi parle-t-on ?
- Que nous apprennent les distinctions utilisées
habituellement pour parler de la violence
scolaire ? - Violences institutionnelles et violence contre
linstitution - Violences contre les adultes et violences entre
pairs - Violences extraordinaires et violences ordinaires
- Violences délibérées et violences pulsionnelles
- Violences anomiques et violence ontologique
9Que nous apprennent les distinctions utilisées
habituellement pour parler de la violence
scolaire ?
I - Comprendre les violences 1) Les violences
et la violence de quoi parle-t-on ?
Les institutions peuvent être violentes et
engendrer, en retour, la violence des personnes
contre linstitution qui, elle-même, amènera
linstitution à se durcir. Lutter contre la
violence, cest briser ce cercle vicieux. Briser
ce cercle vicieux suppose de faire le pari de
suspendre la violence. Ce pari est, à la fois,
infiniment risqué et infiniment nécessaire.
- Violences institutionnelles et violence contre
linstitution
10Que nous apprennent les distinctions utilisées
habituellement pour parler de la violence
scolaire ?
I - Comprendre les violences 1) Les violences
et la violence de quoi parle-t-on ?
Les violences némanent pas seulement de ceux qui
détiennent lautorité institutionnelle ou de
ceux qui la contestent. Il existe des violences
au sein des groupes de pairs, en particulier
contre ceux et celles qui refusent
lidentification mimétique et lobéissance au
chef. Lélève a besoin dêtre protégé de la
violence de ses pairs. Il a besoin de lalliance
de ladulte pour pouvoir exprimer son
identité/altérité.
- 2. Violences contre les adultes et violences
entre pairs
11Que nous apprennent les distinctions utilisées
habituellement pour parler de la violence
scolaire ?
I - Comprendre les violences 1) Les violences
et la violence de quoi parle-t-on ?
A côté des actes dagression identifiés
clairement comme tels, il existe une multitude
dactes qui constituent des violences insultes,
humiliations, harcèlements, rires, regards Il
faut traiter les violences-agressions explicites,
mais aussi cette multitude dactes qui font
violence au projet-même pour lequel les acteurs
sont convoqués (apprendre ensemble) et à
lautorité qui lincarne. Ce traitement
nécessite un travail au long cours de
construction du cadre.
- 3. Violences extraordinaires et violences
ordinaires.
12Que nous apprennent les distinctions utilisées
habituellement pour parler de la violence
scolaire ?
I - Comprendre les violences 1) Les violences
et la violence de quoi parle-t-on ?
Les actes de violence ordinaires ne sont pas tous
des actes effectués avec la volonté explicite de
nuire, ils ne renvoient pas nécessairement à la
volonté de faire le mal ou dêtre cruel, mais
peuvent justement être lexpression dun manque
de construction de la volonté du sujet Ce qui
fait violence au projet denseigner, cest
linstallation des élèves dans le pulsionnel,
installation largement appuyée par le
capitalisme pulsionnel (Bernard
Stiegler) Créer des situations suffisamment
ritualisées pour permettre aux élèves de surseoir
à leurs pulsions est nécessaire à la mise en
œuvre du projet denseigner .
- 4. Violences délibérées et violences
pulsionnelles.
13Que nous apprennent les distinctions utilisées
habituellement pour parler de la violence
scolaire ?
I - Comprendre les violences 1) Les violences
et la violence de quoi parle-t-on ?
La définition des actes de violence est
relative aux normes en vigueur. Toute violence
perçue est donc à mettre en regard des
critères dacceptabilité dun comportement
dans un contexte donné. Cela renvoie au caractère
explicite de ces critères et à la manière dont
ils sont intégrables dans la culture de
lélève. Pour autant, cela ne nous exonère pas de
limpératif éthique Est violent tout ce qui
détruit le sujet en lautre, compromet son
intégrité physique ou psychologique, atteint à
son humanité.
- 5. Violences anomiques et violence ontologique.
14Que nous apprennent les distinctions utilisées
habituellement pour parler de la violence
scolaire ?
I - Comprendre les violences 1) Les violences
et la violence de quoi parle-t-on ?
Pour commencer, il fallut dabord poser les
lances. Cest ainsi que le clan, la tribu, les
peuples ont su - et cest ainsi que, demain, dans
notre monde dit civilisé, les classes, les
nations et aussi les individus doivent savoir -
sopposer sans se massacrer et se donner sans se
sacrifier les uns aux autres. () Les Chroniques
dArthur racontent comment le roi Arthur, avec
laide dun charpentier de Cornouailles, inventa
cette merveille de sa cour la Table Ronde
miraculeuse autour de laquelle les chevaliers ne
se battirent plus. Il est inutile daller
chercher bien loin quel est le bien et le
bonheur. Il est là, dans la paix imposée, dans le
travail bien rythmé, en commun et solitaire
alternativement, dans la richesse amassée puis
redistribuée, dans le respect mutuel et la
générosité réciproque que léducation
enseigne. Marcel Mauss, Essai sur le don
152) La violence scelle léchec de toute parole
I - Comprendre les violences 2) La violence
scelle léchec de toute parole
- Platon Nous ne pouvons nullement persuader
des gens qui ne nous écoutent pas Comment faire
entendre raison à celui qui na pas choisi la
raison ? (La République) - Pascal La violence et la vérité ne peuvent
rien lune sur lautre. (12ème Provinciale)
162) La violence scelle léchec de toute parole
I - Comprendre les violences 2) La violence
scelle léchec de toute parole
- Emmanuel Lévinas Comment entraîner au
dialogue des individus portés à se faire
violence ? La tentation, cest dutiliser, pour
cela, la tyrannie. Ou bien, il faut supposer une
disposition préalable à la société et à la paix.
Il faut un discours davant les discours, une
raison avant la raison, une entente préalable au
dialogue où chaque interlocuteur accepte de na
pas fondre sur lautre, mais, au contraire, à
laccepter dans sa radicale altérité et à
accepter son interlocution. - (Liberté et commandement)
173) La violence décourage toute tentative de parole
I - Comprendre les violences 3) La violence
décourage toute tentative de parole
- Face à la violence, les adultes sont tentés de
- 1 - Réagir eux-mêmes par la violence cest un
moyen de dire quils sont affectés par le
comportement de lautre, davouer leur fragilité
et de retrouver, parfois, une possibilité de
dialogue. - ? Mais, cest aussi, le plus souvent, engager
une partie de bras-de-fer qui devra se payer
dune mort symbolique.
183) La violence décourage toute tentative de parole
I - Comprendre les violences 3) La violence
décourage toute tentative de parole
- Face à la violence, les adultes sont tentés de
- 2 - Réagir par lindifférence cest une
manière de surprendre, de saisir et de
sidérer celui qui attend une réaction
violente pour justifier ses propres actes et
poursuivre la surenchère. - ? Mais, cest aussi, le plus souvent, entériner
la violence, banaliser ses effets, cautionner
lhumiliation et linjustice.
193) La violence décourage toute tentative de parole
I - Comprendre les violences 3) La violence
décourage toute tentative de parole
- Face à la violence, les adultes sont tentés de
- 3 - Réagir par la mise hors-champ ou la mise
hors-lieu cest une manière de signifier que la
violence exclut du collectif celui qui sy livre
et de protéger le groupe des effets de cette
violence. - ? Mais, cest aussi, le plus souvent,
externaliser le problème et ne pas agir
sérieusement sur les causes du phénomène.
20A lissue de cette première partie
- Nous disposons dune définition acceptable de la
violence ce qui détruit lhumain comme être
de parole . - Nous voyons que notre démocratie et nos
institutions (dont lEcole) sont
consubstantiellement vulnérables à la violence de
ceux qui nen acceptent pas le consensus
fondateur . - Nous identifions des réactions possibles
individuelles à la violence, mais dont nous
voyons bien les limites. - Nous devons donc identifier des points de
vérité qui nous permettent de gérer la
violence . - Nous percevons que la violence nous place devant
une interrogation radicale comment éduquer à la
parole contre la violence ?
21Deuxième partie Trois pistes contre la
violence
II - Trois pistes contre la violence
- Face à la tentation d éradiquer la violence
par la tyrannie ou de sen débarrasser par
lexclusion, la pédagogie peut tenter, dabord et
tout de suite, de permettre laffrontement des
violences dans des conditions acceptables
(Daniel Sibony) en agissant avec trois
objectifs - Différer
- Symboliser
- Stabiliser
221 - Différer
II Trois pistes contre la violence - 1) Différer
- Mettre en place des dispositifs qui permettent
de différer , dans les deux sens du terme - Surseoir à la réaction immédiate Ta parole
sera entendue, mais pas maintenant A tel moment
et dans telles conditions (contre Ta parole
ne nous intéresse pas ! ou Tu peux tout dire
tout de suite ! ) - Autoriser chacun à se décoller des étiquettes
et stéréotypes en identifiant ce en quoi il
diffère et en valorisant ces différences.
232 - Symboliser
II - Trois pistes contre la violence - 2)
Symboliser
- Donner à lélève les ressources nécessaires pour
quil puisse - Etre capable dutiliser des signes en
interrogeant en permanence leur pertinence pour
nourrir le langage de linquiétude de la parole. - Etre capable demprunter des images pour figurer
ses propres pulsions afin de pouvoir les
apprivoiser et les exprimer dans une forme
purifiée (catharsis) de toute violence et qui
permette, qui plus est, de sinscrire dans
lhumaine condition . - Etre capable de se donner des modèles
dintelligibilité du monde, en conscience de leur
caractère partiel et partial afin de ne pas
être contraint d agresser le monde pour
entrer en relation avec lui.
243 - Stabiliser
II - Trois pistes contre la violence - 3)
Stabiliser
des collectifs capables de rendre possible la
prise de parole. Passer de coagulations
fusionnelles et pulsionnelles à des
configurations capables dinterrompre la fuite en
avant. Empêcher les personnes de tomber les
unes sur les autres . Se dégager du on pour
créer des articulations du je et du nous
- Apprendre à parler en tant que
- jai un rôle, jexerce une responsabilité,
- je suis impliqué dans un projet,
- je suis astreint à effectuer une tâche,
- je suis membre dun collectif,
- je participe à lhumaine condition .
25II - Trois pistes contre la violence
en même temps aucune injonction nest le
préalable dune autre.
Différer Symboliser Stabiliser
dans le travail sur les contenus culturels
eux-mêmes et non seulement dans des structures
marginales de concertation .
pour engager un processus de métabolisation de
la violence en parole jamais achevé dans
lhistoire dun homme et des hommes.
26II - Trois pistes contre la violence
- Permettre aux élèves dapprendre nécessite une
cohérence éducative au sein de lécole ou de
létablissement à construire - avec les enseignants,
- avec les cadres éducatifs, mais aussi les
personnels administratifs et de service - dans le cadre de lélaboration du projet
détablissement et du règlement intérieur.
Différer Symboliser Stabiliser
27En conclusion Mirages et défi
- En ces temps qui nous paraissent parfois
crépusculaires - Les nuages orangés du couchant éclairent toutes
choses du charme de la nostalgie même la
guillotine. - Milan Kundera,
- Linsoutenable légèreté de lêtre
28Plutôt que de céder à la nostalgie
- Face à la faillite des théocraties de toutes
sortes et au déferlement des violences qui nous
menacent, il nous faut croire encore à la
fragilité de la parole nous navons pas dautre
choix. - Entre lénigme du désir et luniversel de la loi,
le travail éthique et politique de la découverte
des conditions de cette parole ne nous sera pas
épargné. - Et nous devons relever ce défi avec une
créativité industrieuse et obstinée au nom dune
tendresse, infiniment précieuse et nécessaire,
envers une humanité désormais assignée à la
modestie.
29En conclusion Le défi
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