Title: LA LOI BELGE SUR LEUTHANASIE
1- LA LOI BELGE SUR LEUTHANASIE
C. Mélot, MD, PhD, MSciBiostat
Service des Soins Intensifs Hôpital
Universitaire Erasme Bruxelles, Belgium
1ère Journée de Formation Maurice Rapin Paris, 4
juin 2004
2La loi relative à l'euthanasie du 28 mai 2002 est
parue au Moniteur Belge du 22 juin 2002 et est
entrée en vigueur le 22 septembre 2002.
31. Le principe La loi () utilise une définition
de l'euthanasie assez neutre et générale
"l'acte pratiqué par un tiers, qui met
intentionnellement fin à la vie d'une personne à
la demande de celle-ci". L'assistance au suicide
ne tombe pas sous le champ d'application de cette
loi, contrairement aux Pays-Bas. Pas plus que
les autres formes de traitements en fin de vie du
patient - acte de mettre fin à la vie d'un
patient sans son accord, - soins palliatifs
- le non commencement ou l'arrêt d'un
traitement médical - la sédation
terminale. avec comme effet le raccourcissement
de la vie () La loi relative à l'euthanasie
du 28 mai 2002 est parue au Moniteur Belge du 22
juin 2002 et est entrée en vigueur le 22
septembre 2002.
4 2. Les conditions La loi prévoit les conditions
suivantes a) Le patient est majeur ou mineur
émancipé, capable et conscient, cela signifie
qu'il est apte à exprimer sa volonté. Un mineur
émancipé est une personne qui a été déclarée par
le juge, lors d'une procédure juridique, apte à
poser lui-même des actes juridiques. L'euthanasie
ne peut donc pas être pratiquée sur un mineur
(non émancipé) ou une personne souffrant de
troubles mentaux.
5 2. Les conditions (suite) b) La demande
est - Volontaire sans aucune pression de
l'extérieur. - Réfléchie le patient a pris sa
décision après une information correcte et
pertinente. - Répétée la décision ne doit pas
être impulsive mais durable.
6 2. Les conditions (suite) c) Il doit s'agir
d'une situation médicale sans issue de souffrance
physique ou psychique constante et insupportable
résultant d'une affection grave et
incurable. C'est le cas par exemple d'un cancer
généralisé pour lequel il n'y a plus de
traitement possible. Il n'est pas exigé que le
patient meure de cette affection ou que
l'affection ait un caractère terminal. La loi
est donc également d'application pour le patient
qui n'est pas en phase terminale. Il y a
cependant un certain nombre de conditions liées à
cette situation.
73. La demande La demande doit être écrite,
rédigée, signée et datée par le patient
lui-même. Si le patient n'est pas en état de le
faire (par exemple en cas de maladie musculaire,
paralysie, analphabétisme), il peut faire appel à
une tierce personne. Ce tiers doit être majeur
et ne peut avoir aucun intérêt matériel au décès
du patient. La demande est déposée dans le
dossier médical mais si le patient révoque sa
demande, celle-ci lui est rendue.
84. La procédure La loi prévoit également des
conditions formelles surtout relatives à la
consultation et à l'information a) Le médecin
mène différents entretiens avec le patient. Ces
entretiens espacés dans un délai raisonnable
doivent avoir trait à l'état de santé du patient,
à son espérance de vie, à l'euthanasie même et
aux éventuelles alternatives ainsi qu'aux soins
palliatifs. b) Le médecin consulte un autre
confrère. Celui-ci doit être indépendant et
compétent pour juger de la pathologie concernée.
Son avis n'est pas contraignant. c) Le médecin
s'entretient de la demande d'euthanasie du
patient avec l'équipe soignante et avec les
proches du patient si celui-ci le demande. d) Le
médecin peut s'informer auprès de la famille, des
collègues, de l'équipe de soins palliatifs...
94. La procédure (suite) S'il s'agit d'un patient
qui n'est pas en phase terminale (le patient
"dont le décès n'interviendra manifestement pas à
brève échéance"), deux autres conditions doivent
être respectées a) Le médecin consulte un
psychiatre ou un médecin spécialisé dans la
pathologie concernée. b) Il y a un délai de
réflexion d'au moins un mois entre la demande
écrite du patient et la pratique de
l'euthanasie.
105. Le document d'enregistrement Le médecin qui a
pratiqué l'euthanasie, doit dans les quatre jours
ouvrables remettre le document d'enregistrement
dûment complété à la Commission Fédérale de
Contrôle et dEvaluation. Le premier volet
contient l'identification des personnes
concernées par l'euthanasie (le patient, les
thérapeutes, et les éventuelles personnes de
confiance). Ce premier volet est scellé. Le
deuxième volet est anonyme et comprend les
conditions matérielles et formelles de la loi
relative à l'euthanasie.
116. La déclaration anticipée Les personnes
incapables d'exprimer leur volonté ne tombent pas
sous le champ d'application de la loi. Mais le
patient peut rédiger une déclaration anticipée au
cas où il perdrait conscience, cette déclaration
peut être modifiée ou retirée à tout
moment. L'euthanasie concernant une personne
incapable d'exprimer sa volonté n'est possible
qu'aux seuls conditions suivantes a) Le patient
est un majeur capable ou un mineur émancipé. b)
Il souffre d'une affection accidentelle ou
pathologique grave et incurable.
126. La déclaration anticipée (suite) c) La
déclaration d'euthanasie doit être rédigée par
écrit, en présence de deux témoins majeurs et
doit dater de moins de cinq ans à dater du moment
où le patient ne peut plus exprimer sa
volonté. Ici aussi, un tiers majeur n'ayant pas
d'intérêt au décès du patient peut rédiger la
déclaration. d) Le patient n'est plus conscient
ou en d'autres mots n'a plus ses facultés
mentales (notion plus étendue que le coma). Cette
situation est irréversible d'un point de vue
scientifique. e) Le patient peut, dans sa
déclaration anticipée, désigner une ou plusieurs
personnes de confiance. Leurs tâches sont les
suivantes signer la déclaration anticipée,
informer le médecin sur la volonté (anticipée) du
patient, s'entretenir avec le médecin de la
demande du patient, recevoir les renseignements
sur l'avis du deuxième médecin et désigner les
proches du patient avec qui le médecin doit
s'entretenir du contenu de la déclaration
anticipée.
136. La déclaration anticipée (suite) Certaines
conditions formelles doivent être respectées a)
Le médecin doit consulter un autre médecin
indépendant compétent pour juger de l'affection
concernée, son avis est ici aussi non
contraignant. b) Le médecin s'entretient de la
déclaration anticipée avec l'équipe soignante et
les proches désignés éventuellement par la
personne de confiance.
147. Le médecin peut refuser Un médecin peut, tant
pour une demande d'euthanasie que pour une
déclaration anticipée, refuser de pratiquer
l'euthanasie mais doit motiver son refus (par
exemple refus pour des objections de
conscience). S'il refuse pour des raisons
médicales, il doit alors le consigner dans le
dossier médical. Le refus et la motivation
doivent être communiqués à temps au patient et
aux éventuelles personnes de confiance.
158. La Commission de Contrôle et dEvaluation Une
Commission Fédérale de Contrôle et dEvaluation a
été mise en place. Cette Commission est composée
de 16 membres dont 8 médecins, 4 juristes et 4
personnes familiarisées avec la problématique des
patients atteints d'une maladie incurable. La
Commission contrôle si les conditions et la
procédure prévues par la loi relative à
l'euthanasie ont été respectées. Cela se fait au
moyen de la deuxième partie (anonyme) du document
d'enregistrement.
168. La Commission de contrôle et d'évaluation
(suite) Si la Commission décide à la majorité
des deux tiers que les conditions légales ne sont
pas remplies, le dossier est transmis au
procureur du Roi. La Commission évalue
l'application pratique de la loi tous les deux
ans et évalue si celle-ci doit être modifiée par
rapport aux nouvelles circonstances sociales.
179. L'euthanasie et les assurances L'euthanasie,
répondant aux conditions légales, est considérée
pour l'exécution des contrats d'assurances comme
une mort naturelle. Le médecin qui a pratiqué
l'euthanasie, va mentionner sur le certificat de
décès qu'il s'agit d'une mort naturelle. En
raison du secret médical, l'assureur nest pas
informé du fait qu'il s'agit d'un décès dû à une
euthanasie.
18 La Commission Fédérale de Contrôle et
dEvaluation Depuis le 22 septembre 2002 (entrée
en vigueur de la loi), 300 cas deuthanasie ont
été déclarés à la Commission.
19(No Transcript)
20Volet I nominatif (scellé)
21Volet II anonyme
22Volet II anonyme
23 La Commission de contrôle et d'évaluation
(première évaluation) Depuis le 22 septembre
2002 (entrée en vigueur de la loi), 300 cas
deuthanasie ont été déclarés à la
Commission. Epidémiologie par ordre de
fréquence décroissante - maladies
cancéreuses - maladies neuro-dégénératives -
maladies cardiorespiratoires terminales Majorité
des cas ont été déclarés en Flandre (organisation
différente un médecin de référence disponible
dans un rayon de 20 km)
24Il est important de souligner que dans son avis
du 22 mars 2003, le Conseil National de lOrdre
des Médecins discute la relation entre
déontologie et législation concernant la loi
relative à leuthanasie Il ne peut être nié
que bon nombre de médecins estiment que dans
l'exercice de leur profession, les principes
éthiques doivent primer la législation. Ce point
de vue est également défendu par des
organisations médicales internationales
importantes qui fondent leur position sur des
exemples concrets. Toutefois, des questions
éthiques peuvent faire l'objet d'une uvre
législative. Lorsqu'une législation de ce type
est établie dans un état démocratique et respecte
la liberté de conscience de chaque médecin, son
existence ne peut être ignorée par une
institution de droit public comme l'Ordre des
Médecins. Par conséquent, l'Ordre ne peut
préconiser des règles de conduite ou prendre des
décisions contraires aux lois adoptées
démocratiquement dans notre pays.. Cette prise
de position a dailleurs été critiquée par
lAssociation Médicale Mondiale.
25 Il est frappant de constater le très large
consensus qui règne sur la manière dont le
médecin doit s'efforcer concrètement d'offrir au
malade une "bonne mort". Tout le monde s'accorde,
par exemple, sur le développement des soins
palliatifs, la pratique de l'arrêt thérapeutique,
l'administration d'analgésiques soulageant la
souffrance du malade, même s'ils peuvent
entraîner sa mort. Il n'est presque plus personne
pour refuser le bénéfice de la légitimité éthique
du médecin mettant fin à la vie d'un malade, à sa
demande, se trouvant dans une situation médicale
sans issue. Les opposants à la proposition de
loi de dépénalisation de l'euthanasie font valoir
un argument qui ne doit pas être négligé
l'interdit du meurtre. Ce dernier doit selon eux
être maintenu, quitte à excuser le médecin ayant
pratiqué l'euthanasie au titre de "l'état de
nécessité". Et si tout simplement
l'euthanasie n'était pas un meurtre? Non pas
parce que la mort est demandée par le malade. La
volonté du malade est une condition nécessaire,
mais non suffisante. Si l'euthanasie n'est pas un
meurtre, c'est parce qu'elle est le terme d'un
processus médical d'accompagnement du malade dans
la mort, à la demande de celui-ci. Il s'agit,
oserions-nous dire, d'un soin ultime. La
question qui se pose au médecin n'est pas de
savoir s'il peut tuer ou non un être humain, mais
comment il doit mener jusqu'à son terme
l'accompagnement médical de son patient. Il
serait insupportable que cet acte de solidarité
ultime accompli par un médecin dans des
conditions précises qui doivent être définie par
les législations respectives des pays puisse être
assimilé à l'horreur du meurtre. G.
Haarscher (Professeur de philosophie, Université
libre de Bruxelles) et E. Delruelle (Professeur
de philosophie, Université de Liège). Leuthanasi
e est-elle un meurtre ? Journal Le Soir, 24
février 2000.
26- Si nous avons besoin de sage femme, à nous
mettre au monde nous avons bien besoin d'un
homme encore plus sage, à nous en sortir. - Montaigne Essais,
Livre III chapitre IX.