Title: L
1Ladaptation
2Le chapitre 2 du roman et la première séquence du
film
3 Un immense camion de transport était arrêté
devant la petite auberge en bordure de la route.
Le tuyau déchappement vertical ronronnait
doucement, et un halo presque invisible de fumée
bleu acier planait au-dessus de son extrémité.
Cétait un camion neuf, dun rouge étincelant,
avec sur les côtés une inscription en lettres de
douze pouces Oklahoma City Transport Company.
Les pneus jumelés étaient neufs et un cadenas de
cuivre saillait hors des ferrures, sur les
grandes portes, à larrière. A lintérieur du
restaurant aux ouvertures protégées par un
grillage métallique, un poste de T.S.F. jouait de
la musique de danse, en sourdine, comme lorsque
personne nécoute. Un petit ventilateur, tournait
silencieusement dans lœil-de-bœuf qui surmontait
lentrée et des mouches bourdonnaient
fiévreusement autour des portes et des fenêtres,
se heurtant au grillage. A lintérieur, lunique
client, le chauffeur du camion, juché sur un
tabouret, saccoudait au comptoir et par-dessus
sa tasse de café regardait la serveuse
maigrichonne et solitaire. Il lui parlait la
langue alerte et impersonnelle des routiers
4 Dehors, un homme qui marchait sur le bord de la
route traversa et sapprocha du camion. Il
savança lentement devant le capot, mis sa main
sur le pare-chocs brillant et regarda
létiquette No Riders. Un moment, il eut lair
de vouloir continuer sa route, mais, se ravisant,
il sassit sur le marchepied du côté opposé au
restaurant. Il navait pas plus de trente ans.
Ses yeux étaient dun brun sombre et les pupilles
étaient vaguement teintées de brun. Il avait de
fortes pommettes et des rides profondes
sillonnaient ses joues et sincurvaient autour de
la bouche. Sa lèvre supérieure était longue et
comme ses dents avançaient, les lèvres se
tendaient pour les couvrir, car lhomme tenait
ses lèvres fermées. Ses mains étaient dures, aux
doigts larges, avec des ongles épais et striés
comme des petits coquillages. Lespace compris
entre le pouce, lindex et la paume de ses mains
était couvert de callosités luisantes. Lhomme
avait des vêtements neufs- tout ce quil portait
était bon marché et neuf. Sa casquette grise
était neuve au point que la visière en était
encore toute raide et que le bouton à pression y
adhérait encore. Elle nétait pas informe et
bosselée comme elle le serait après avoir rempli
quelque temps les divers usages réservés aux
casquettes balluchon, serviette, mouchoir.
5 Dans le restaurant, la musique sarrêta et une
voix dhomme jaillir du haut parleur ma la
serveuse ne linterrompit pas elle ne sétait
pas aperçue que la musique avait cessé. Ses
doigts fureteurs avaient découvert une grosseur
derrière son oreille. Elle essayait de
lapercevoir dans la glace du comptoir sans
attitrer lattention du camionneur, aussi
faisait-elle semblant de rajuster quelques mèches
folles. Dehors, lhomme assis se leva,
regarda par-dessus le capot du camion et observa
le restaurant pendant un moment. Puis il se
réinstalla sur le marchepied, tira un paquet de
tabac et du papier à cigarette de sa poche
arrière. Il roula lentement, artistement sa
cigarette, lexamina, la lissa Finalement il
lalluma et jeta lallumette enflammée à ses
pieds dans la poussière. Comme midi approchait,
le soleil entama lombre du camion. Dans le
restaurant, le chauffeur paya sa note - Au
revoir, dit-il en séloignant. Et tâchez
dêtre sage quand jserai parti ! Le
chemineau se leva et regarda à travers les
portières. - Vous pourriez pas memmener un bout
de route, msieu ? Le chauffeur lança un regard
furtif vers le restaurant - Vous navez pas vu
létiquette sur le pare-brise ? - Si, jlai vue.
Mais des fois il y en a qui sont de chics types,
même si un salaud de richard les force à porter
une étiquette. - Planque-toi sur le
marchepied jusquà ce quon ait passé le
tournant, dit-il.