Title: Tenochtitl
1Tenochtitlàn/Mexico
Isabelle Chalier, Lycée Kœberlé, Sélestat
2El Encuentro Jaime Zapata 2007 Huile sur toile
3Tenochtitlàn/Mexico ou la rencontre de deux mondes
4Daprès le BO n4 du 29 avril 2010
- Dans le cadre dune question obligatoire
lélargissement du monde (XVe-XVIe s.). - La question traite des contacts des Européens
avec dautres mondes et de lélargissement de
leurs horizons géographiques. - Une cité précolombienne confrontée à la
conquête et à la colonisation européenne
5Quelles implications ? Quelle problématique ?
Traiter de la confrontation des mondes et non de
lEmpire aztèque en tant que tel. Etudier les
modalités et les impacts de cette rencontre et
nuancer le tableau communément dépeint.
6Quelques lectures
Christian Duverger, Cortès, Fayard, Paris,
2001. Serge Gruzinski, Histoire du Nouveau Monde.
De la découverte à la Conquête. Tome I. Une
expérience européenne, Fayard, Paris, 1991 (avec
C. Bernand) Serge Gruzinski, Le Destin brisé de
lempire aztèque, Découvertes Gallimard, Paris,
1988. Serge Gruzinski, Histoire de Mexico,
Fayard, Paris, 1996. Tzvetan Todorov, La conquête
de l'Amérique, Seuil, Paris, 1991.
7De nouvelles perspectives
La réflexion sur la conquête espagnole de
lEmpire aztèque a été profondément renouvelée
depuis les écrits de Jacques Soustelle et ce
grâce aux travaux de Christian Duverger et Serge
Gruzinski. C. Duverger a ainsi réévalué le rôle
de Cortès, dépassant la figure un brin
stéréotypée du sanguinaire pour cerner une
réalité plus subtile. Le mésoaméricaniste a en
effet choisi d inscrire le processus de
colonisation de la Nouvelle-Espagne dans un
contexte, celui dune Renaissance en rupture avec
le passé et en quête de nouveaux horizons. Au
début du XVIe s., certains humanistes
recherchaient un Nouveau Monde exempt des pêchés
de lAncien, entre autre avec le projet dune
christianisation sur une base nouvelle. Ce
Nouveau Monde ce fut celui des Taïnos, puis celui
des Mexicas ou Aztèques.
8De nouvelles perspectives (suite)
Pour Cortès, il sagissait de réaliser une
greffe espagnole et dengendrer une société
métisse et pas seulement transplanter la culture
espagnole comme ce qui avait été fait à Cuba.
Réestimer lentreprise cortésienne cest
finalement déterminer les enjeux de
lélargissement du monde au-delà du seul intérêt
économique ou religieux, nuancer les modalités
des contacts qui ne se résument pas à
laffrontement et aborder plus largement les
notions dacculturation et de métissage au
travers de lexemple très particulier de
Tenochtitlàn/Mexico.
9 I-Tenochtitlàn, la cité préhispanique A- Un don
de leau Fondée ex-nihilo en 1325 (date
mythique) par les Mexicas (nom originel des
Aztèques), elle simplante dans une vallée
lacustre de haute altitude (2000 m) entourée de
volcans, dans une terre marécageuse sur le lac
Texcoco. Confrontés aux risques dinondation et
au manque de ressources, les Mexicas créent des
îles artificielles appelées chinampas, délimitées
par des pieux plantés dans le fond boueux et sur
lesquelles on cultive du maïs, des haricots ce
qui permet lirrigation ainsi que la circulation.
Construction aussi de digues, de chaussées
entrecoupées de ponts et de barrages contre les
inondations. Ces techniques révèlent les
compétences hydrauliques développées des Mexicas
et une symbiose avec lenvironnement aquatique.
Cependant, certaines denrées manquent toujours et
les Mexicas doivent les trouver à lextérieur.
10Plan de Tenochtitlàn inspiré par un croquis
envoyé par Cortès à Charles Quint, 1524
Le Templo Mayor entouré de lenceinte sacrée
Les chinampas
Les ponts
11 Comparer ce croquis de 1524 au plan
suivant Noter le Grand Aqueduc, nécessaire à
lapprovisionnement en eau douce et que Cortès
coupera pour assiéger la ville et Tlalelolco, le
cœur économique de lempire et où se tient un
immense marché.
12Plan de Tenochtitlàn Source
http//www.britishmuseum.org/whats_on/all_curren
t_exhibitions/moctezuma.aspx
13 I-Tenochtitlàn, la cité préhispanique B- La
capitale dun empire prospère Lempire est
constitué dune ligue de cités autonomes (la
Triple Alliance). Mais il forme un territoire
discontinu avec la présence denclaves
indépendantes. Il sest étendu grâce à des
guerres perpétuelles et rituelles. Cependant, il
ne sagit pas de colonisation véritable, avec
juste la présence dun collecteur de tributs dans
les régions conquises. De toute façon, les
communications sont difficiles. Les Indiens ne
connaissent ni la roue, ni le cheval ou la mule.
Cependant, Tenochtitlàn sassure ainsi un
approvisionnement régulier en denrées précieuses
(or, plumes, peaux, pierres) échangées sur la
marché de Tlatelolco, la capitale commerciale de
lempire. Les guerres sont aussi un moyen de
sassurer des victimes pour les sacrifices. A
larrivée des Espagnols plus de 300 000 habitants
vivent à Tenochtitlàn, cest la troisième ville
du monde derrière Istanbul et Paris. Au moment de
la conquête, la cité nest pas en crise
14Carte des tributs parvenant à Tenochtitlan
réalisée à partir du Codex Mendoza Sour
ce http//www.britishmuseum.org/whats_on/all_cur
rent_exhibitions/moctezuma.aspx
15- II-Tenochtitlàn à lépreuve de la conquête
- A- Les motivations qui présidèrent à lexpédition
- Des motivations économiques
- Des raisons religieuses
16Hernán Cortés était fils de Martin Cortés de
Monroy et de Catalina Pizzaro Altamirano,
hidalgos (1) tous les deux, quoique pauvres.
(...) Cortés ayant été choisi comme général de la
flotte par le représentant du roi à Cuba, Diego
Velàzquez, se mit à chercher toutes sortes
d'armes (...). Il commanda des étendards et des
drapeaux brodés d'or, ajoutant aux armes de notre
roi et seigneur une croix sur chaque face, avec
une inscription en latin Frères, suivons le
signe de la Sainte Croix, animés d'une foi
sincère avec Elle nous vaincrons. En même
temps, il fit crier ses proclamations (...) afin
que toutes personnes qui voudraient aller avec
lui aux terres nouvellement découvertes pour en
faire la conquête et les coloniser, sussent bien
qu'il leur serait donné leur part sur l'or,
l'argent ou les bijoux qu'on y gagnerait (...).
La nouvelle de l'expédition s'étant répandue dans
l'île entière de Cuba, (...) les uns vendaient
leurs propriétés pour se procurer des armes et
des chevaux (...). De sorte que nous nous
réunîmes plus de trois cents soldats à Santiago
de Cuba, où s'effectua le départ de la
flotte. (1) Nobles. Bernal Diaz del Castillo,
Histoire véridique de la conquête de la
Nouvelle-Espagne, La Découverte, 1980.
17- II-Tenochtitlàn à lépreuve de la conquête
- B-Une conquête rapide quexpliquent différents
facteurs - En 1519, une expédition quitte Cuba pour explorer
les côtes du Mexique et le 8 novembre 1519 Cortès
rencontre Moctezuma à lentrée de Tenochtitlàn. - Après trois mois de siège, la cité tombe le 13
août 1521. - En 1522, Cortès devient gouverneur dun nouveau
territoire, la Nouvelle-Espagne. -
- Quest-ce qui explique la rapidité de la
conquête? - La supériorité technique des Espagnols.
- Des questions religieuses les Mexicas pensaient
que les Espagnols étaient des dieux. - Des divisions internes qui déchirent les peuples
de Mésoamérique.
18Moctezuma II, souverain aztèque, sadresse à
Cortès Quelques-uns nous ont assuré que vous
étiez des dieux, que des bêtes farouches vous
obéissaient, que vous teniez les foudres entre
vos mains, et que vous étiez assoiffés d'or.
Cependant je reconnais que vous êtes des hommes
comme nous. Ces bêtes qui vous obéissent sont, à
mon avis, de grands cerfs que vous avez
apprivoisés. Ces armes qui ressemblent à la
foudre sont des tuyaux d'un métal que nous ne
connaissons pas, dont l'effet est pareil à celui
de nos sarbacanes. Nous savons que le prince à
qui vous obéissez descend de notre dieu
Quetzalcoatl. Une prophétie dit qu'il est allé
conquérir de nouvelles terres à l'est et qu'il a
promis que ses descendants reviendraient. Hernà
n Cortès, La conquête du Mexique, (Série de
lettres envoyées par Cortés au roi et à la reine
d'Espagne), La Découverte, Paris, 2007.
19 II- Tenochtitlàn à lépreuve de la conquête C-
Des effets immédiats dévastateurs - Une
mortalité spectaculaire Les mois de siège
laissent Tenochtitlàn dans un état lamentable
(pillages, monceaux de cadavres, manque deau
potable). A ceci sajoute le choc microbien .
Les Espagnols contaminent les Indiens (typhus,
variole). Les épidémies font des ravages bien
au-delà de la conquête en 1531-1532 et surtout
en 1545-1548 et jusquau XVIIe s. La détresse
morale (ravages de lalcool, suicides) vient
accentuer la chute démographique.
20Graphique des tributarios indiens de Tenochtitlàn
et Tlatelolco. A chaque tributario correspond une
famille de 4,5 personnes.
Source Charles Gibson, The Aztecs under Spanish
Rule, 1964.
21- II-Tenochtitlàn à lépreuve de la conquête
- C-Des effets immédiats dévastateurs
- Pillages, destruction et vandalisme
- Cortès ordonne larrêt des sacrifices humains et
fait briser les images des dieux aztèques
considérées comme des idoles violences
iconoclastes. On incendie les temples et on brûle
les codex lors dautodafés (disparition ainsi de
précieux témoignages sur les cultures indiennes)
Démolition aussi des bâtiments préhispaniques
pour construire la ville espagnole Mexico,
capitale de la Nouvelle-Espagne.
22Violences iconoclastes et autodafés, illustration
tirée de la Descripción de la ciudad y provincia
de Tlaxcala écrite vers 1581-1584 par Diego Munoz
Camargo, métisse, écrivain et interprète.
Les idoles à détruire
Les franciscains chargés de la christianisation
Les codex à détruire
23- III- De Tenochtitlàn à Mexico, une ville métisse
- A- Une nouvelle société naît de la conquête
- Dans létablissement de la domination espagnole,
le rôle des femmes indiennes savère crucial.
Converties, elles deviennent des épouses ou des
concubines et donnent naissance à des enfants
métisses comme le montre bien lexemple de Cortès
lui-même (page suivante). - Introduction aussi de nouveaux modes de vie, de
nouvelles coutumes, de métiers et de denrées. - Dans tous les cas, rôle majeur aussi du clergé
qui christianise les Indiens.
24Des prénoms qui marquent la christianisation et
lhispanisation
Des alliances matrimoniales avec des Indiennes
Un mariage prestigieux avec la fille du
souverain aztèque ancrage dynastique
25Ordonnance générale de Philippe Il, 1573 Des
ecclésiastiques envoyés par le roi ont enseigné
aux Indiens la doctrine chrétienne qui conduit au
salut. De plus, la justice royale est telle que
personne ne peut plus nuire au voisin, et que les
meurtres, les sacrifices si fréquents naguère,
ont désormais disparu. Les Indiens peuvent
circuler en sécurité sur toutes les routes et
vaquer en paix à leurs occupations. Le Roi les a
libérés du portage et de la servitude, leur a
fait connaître le pain, le vin, l'huile et bien
d'autres vivres, les vêtements de laine, de soie,
de lin, les chevaux, les vaches, des outils, des
armes et de nombreux objets venus d'Espagne il
leur a fait apprendre certains métiers, certains
commerces qui les font très bien vivre. Les mêmes
avantages attendent les Indiens qui embrasseront
notre Sainte Religion et rendront hommage à notre
Roi.
26Les moines imposent aux Indiens de changer de
vêtements. Abandon du pagne jugé impudique et du
manteau noué sur lépaule.
illustration tirée de la Descripción de la ciudad
y provincia de Tlaxcala écrite vers 1581-1584 par
Diego Munoz Camargo, métisse, écrivain et
interprète.
27 III- De Tenochtitlàn à Mexico, une ville
métisse B- Des populations christianisées En
1525, arrivent les premiers religieux, des
franciscains réformistes, chargés de la
christianisation des Indiens. Construction
déglises et décoles, introduction de lalphabet
européen, installation des rituels
chrétiensLévangélisation vise en priorité les
nobles indiens qui doivent servir de relais. Elle
rencontre un succès certain mais superficiel. La
barrière linguistique vient ralentir la diffusion
et les oppositions restent fortes. Cest pourquoi
le clergé apprend le nahuatl et développe la
production dimages religieuses, instrument
indispensable à la conversion.
28Le baptême des seigneurs de Txalcala illustration
du Codex Lienzo de Txalcala, 1550-1564
29Les ruines du Templo Mayor et à larrière-plan la
cathédrale construite à partir de 1573
30- III- De Tenochtitlàn à Mexico, une ville métisse
- C- Des populations exploitées
- - Lesclavage était pratiqué à lépoque
pré-hispanique et existait en Espagne. Mais il
est interdit davoir des esclaves chrétiens ce
qui explique aussi le nombre des conversions - Les Espagnols introduisent par contre le système
de lencomienda Cortès attribue des terres aux
conquistadores et oblige les Indiens à travailler
pour ces seigneurs. - Cette situation est dénoncée par Las Casas.
31On donna ainsi des Indiens à chaque chrétien sous
prétexte qu'il les instruirait dans les choses de
la foi catholique (...). Le soin qu'ils prirent
des Indiens fut d'envoyer les hommes dans les
mines pour en tirer de l'or, ce qui sont un
travail intolérable quand aux femmes, ils les
plaçaient aux champs, dans les fermes, pour
qu'elles labourent et cultivent la terre, ce qui
est un travail d'hommes très solides et très
rudes. Ils ne donnaient à manger aux uns et aux
autres que des herbes et des aliments sans
consistance le lait séchait dans les seins des
femmes accouchées et tous les bébés moururent
donc très vite (...).Les hommes moururent dans
les mines d'épuisement et de faim, et les femmes
dans les fermes pour les mêmes raisons. Bartolomé
de Las Casas, Très brève relation de la
destruction des Indes, 1552. Las Casas est un
dominicain et un encomendero esclavagiste qui
participe à la conquête de Cuba en 1511 avec
Cortès. En 1514, il rompt avec son passé et
abandonne son encomienda. Il prend conscience
alors des problèmes des Indiens. Il devient
évêque du Chiapas et défend ardemment la cause
indienne auprès de la Couronne. Cest un
polémiste qui a contribué à la légende noire
cortésienne et plus largement espagnole. Ses
écrits sont donc à aborder avec prudence.
32Nous qui, bien qu'indigne de cet honneur,
exerçons sur terre le pouvoir de Notre-Seigneur
(), considérons quoi qu'il en soit, que les
Indiens sont véritablement des hommes et qu'ils
sont non seulement capables de comprendre la Foi
Catholique, mais que, selon nos informations, ils
sont très désireux de la recevoir. Souhaitant
fournir à ces maux les remèdes appropriés, Nous
définissons et déclarons () que quoi qu'il
puisse avoir été dit ou être dit de contraire,
les dits Indiens et tous les autres peuples qui
peuvent être plus tard découverts par les
Chrétiens, ne peuvent en aucun cas être privés de
leur liberté ou de la possession de leurs biens,
même s'ils demeurent en dehors de la foi de
Jésus-Christ et qu'ils peuvent et devraient,
librement et légitimement, jouir de la liberté et
de la possession de leurs biens, et qu'ils ne
devraient en aucun cas être réduits en esclavage
si cela arrivait malgré tout, cet esclavage
serait considéré nul et non avenu. Extrait de la
bulle Sublimis Deus, Paul III, 1537. Cette bulle
marque le positionnement de lEglise vis-à-vis
des Indiens mais a fort peu deffet.
33Ces arguments sont repris lors de la controverse
de Valladolid, un débat demandé par Charles Quint
et qui opposa Las Casas et le théologien Juan
Ginés de Sepúlveda entre 1550 et 1551. On les
retrouve dans la Très brève relation de la
destruction des Indes. Vous êtes en état de
péché mortel. De quel droit avez-vous engagé une
guerre atroce contre des gens qui vivaient
pacifiquement dans leur pays? Pourquoi les
laissez-vous dans un tel état d'épuisement sans
les nourrir suffisamment ? Car le travail
excessif que vous exigez d'eux les accable et les
tue. Ne sont-ils pas des hommes? N'ont-ils pas
une raison, une âme ? (...) Toutes les nations du
monde sont composées d'hommes tous ont leur
intellect, leur volonté et leur libre arbitre,
puisqu'ils sont faits à l'image de Dieu. Tous
saccordent sur la nécessité de convertir mais
pas sur les moyens (par la force ou non). Le
système de lencomienda finit par disparaître
ainsi que lesclavage. Les abus, non. Le
corollaire sera la mise en place des traites
négrières
34Que reste-t-il du projet cortésien? Vers 1800
Mexico comptait plus de 135 000 habitants dont 70
0000 Européens, 33 000 Indiens et 26 000 métisses.
Tenochtitlàn/Mexico, pyramide et crâne
Frida Kahlo, Autoportrait debout à la frontière
du Mexique et des Etats-Unis, 1932, huile sur
métal, New York