Title: L
1Linsécurité linguistique
2Définition
- Apparition de cette notion dabord chez Labov
(La stratification sociale de r dans les
grands magasins new yorkais ), 1966
- Point de départ discordance entre la
prononciation effective de certains locuteurs et
ce que ces mêmes locuteurs prétendent prononcer.
- Daprès Labov, linsécurité linguistique est
caractéristique de la petite bourgeoisie.
3- Mais P. Trudgill (1974) quant à lui observe des
manifestations dinsécurité linguistique chez des
locuteurs féminins de Norwich (GB) aspiration à
sapproprier les formes légitimes quelles
nutilisent cependant pas de manières
systématiques.
- Bourdieu (1982) commente en expliquant que si
les femmes sont plus promptes que les hommes à
adopter la langue légitime, cest que leur statut
social les rend davantage dociles à légard des
usages dominants.
4Linsécurité linguistique est donc la
manifestation dune quête de légitimité
linguistique, vécue par un groupe social dominé,
qui a une perception aiguisée tout à la fois des
formes linguistiques qui attestent sa
minorisation et des formes linguistiques à
acquérir pour progresser dans la hiérarchie
sociale. (Francard, article Insécurité
linguistique , in Moreau, 1997, pp. 171-172),
Louis-Jean Calvet On parle de sécurité
linguistique lorsque, pour des raisons sociales
variées, les locuteurs ne se sentent pas mis en
question dans leur façon de parler, lorsquils
considèrent leur norme comme la norme. A
linverse, il y a insécurité linguistique lorsque
les locuteurs considèrent leur façon de parler
comme peu valorisante et ont en tête un autre
modèle, plus prestigieux, mais quils ne
pratiquent pas. (La sociolinguistique, QSJ, p.
50).
5Linsécurité linguistique en diglossie
- Rappel de quelques données concernant la
diglossie. - Pas un modèle unique différentes diglossies,
mais toujours en référence (plus ou moins
symbolique) à une langue haute , une langue
basse , la première étant chargée des fonctions
considérées comme nobles, la deuxième des
fonctions dévalorisées.
6On peut essayer de décrire ces situations de
diglossie (de fait, diverses), qui varient selon
les pays, et surtout selon les groupes sociaux,
au moyen des schémas suivants
B
H
français
créole
Diglossie stricte
7B
H
français
créole
Bilinguisme idéal
B
H
français
créole
Un exemple de diglossie réelle
8Pourquoi la diglossie favorise linsécurité
linguistique ? Cf. Thèse de Bretegnier, Aude
Sécurité et insécurité linguistique. Approches
sociolinguistique et pragmatique d'une situation
de contacts de langue la Réunion, 2 volumes
(version revue et corrigée), thèse de doctorat,
Réunion, France, Saint-Denis, Aix-en-Provence,
polycopié, Université de la Réunion/Université de
Provence, 1999, 737 p.,
Louvrage de N. Gueunier, Genouvrier et Khomsi,
1978, Les Français devant la norme le premier à
exploiter le concept dinsécurité linguistique
dans le domaine francophone.
9?Etude de 4 milieux urbains Tours, Lille,
Limoges et Saint-Denis-de-la-Réunion. Cette
recherche originale (démarche proche de celle de
Labov) met en évidence lhypothèse dune relation
privilégiée entre insécurité linguistique et
situation de diglossie linsécurité
linguistique est dautant plus manifeste que le
parler régional est vivace, les interférences de
celui-ci étant réputées abâtardir le français.
Létude de M. Francard, 1989, dune situation de
diglossie franco-walonne montre que linsécurité
linguistique va de pair avec le taux de
scolarisation des informateurs.
10 linstitution scolaire dans le monde
francophone, accroîtrait linsécurité
linguistique en développant à la fois la
perception des variétés linguistique régionales
et leur dépréciation au profit dun modèle
mythique et inaccessible (le bon français,
souvent assimilé au français de Paris ). (M.
Francard, art. cit. in Moreau, 1997)
On est dans le domaine des représentations
constructions mentales investies des présupposés,
de la subjectivité, des stratégies de tout un
corps social.
11Indices de linsécurité linguistique
- Dépréciation des usages linguistiques de sa
communauté - Souci de correction linguistique
- Perception erronée de son propre discours
? Mettre en œuvre des méthodes pour piéger
linformateur et quil se trahisse, car cest
souvent difficile à mettre en évidence le
résultat définitif de linsécurité linguistique
étant le silence !
12- Létude des représentations des locuteurs peut se
faire indépendamment de leurs pratiques
effectives. - De façon directe discours épilinguistique
explicite (Ex. Y a-t-il des endroits où lon
parle mieux que chez vous ? ) - De façon indirecte, avec consignes dévaluation
(on demande dévaluer lintelligence,
léducation, lhonnêteté de locuteurs sexprimant
en des langues ou des lectes différents) le
linguiste ainsi peut dégager quelles valeurs,
positives ou négatives sont associées aux usages
mis en présence.
De nombreuses questions compliquent
linterprétation et rendent complexe lanalyse
Sil est instructif dinventorier les facettes
multiples de linsécurité linguistique à travers
le discours épilinguistique des locuteurs, il
faut reconnaître que ce terrain est plus mouvant
que celui des corrélations objectives établies
par Labov entre certains comportements
linguistiques et lauto-évaluation des locuteurs.
(Francard, art. cit).
13Que prendre en compte ?
- Faits dinteraction tels que changements de
registres, alternances codiques, etc.
- Interventions métalinguistiques du locuteur dans
son propre discours (auto-corrections,
explicitations, questionnements sur la norme,
etc.)
- Variations, dans des contextes situationnels
différents, de la productivité discursive dun
locuteur, de sa volubilité, de la complexité
syntaxique de ses énoncés, de sa richesse
lexicale, etc.
14Mais attention le linguiste ne doit pas
projeter son propre imaginaire linguistique dans
linterprétation des faits relevés question à
développer.
Ainsi linsécurité linguistique prend toute son
importance celle dun concept-clé dans létude
des représentations, dont lapport est essentiel
pour une théorie du changement linguistique et
pour la compréhension du fonctionnement social
des usages linguistiques. (Francard, 1997, p.
176)
15Quelques lectures significatives
- Francard, Michel Insécurité linguistique , in
M.L. Moreau, 1997 Sociolinguistique. Concepts de
base, Mardaga, pp. 170-176 - Francard, Michel, éd., Géron, Geneviève, Wilmet,
Régine, collab., 1993-1994 L'insécurité
linguistique dans les communautés francophones
périphériques, Actes du Colloque de
Louvain-la-Neuve, 10-12 novembre 1993, 2 volumes,
in Cahiers de l'Institut de Linguistique de
Louvain, vol. 19, 3-4, 1993 vol. 20, 1-2, 1994,
Belgique, Louvain-la-Neuve / Leuven, Institut de
Linguistique, Peeters - Bretegnier, Aude, et Ledegen, Gudrun, éds.
Sécurité / insécurité linguistique. Terrains et
approches diversifiés, proposition théoriques et
méthodologiques, France, Paris,
L'Harmattan/Université de la Réunion, Espaces
francophones, 2002, 346 p. - Castellotti, Véronique, et Robillard, Didier de,
éds. France, pays de contacts de langues. Tome
1, Cahiers de l'Institut de Linguistique de
Louvain, vol. 28, 3-4, 2002 plusieurs articles - Gueunier, Nicole, Genouvrier, Emile, Khomsi,
Abdelhamid Les Français devant la norme,
France, Paris, Champion, 1978, 200 p. - Singy, Pascal L'image du français en Suisse
romande. Une enquête sociolinguistique en Pays de
Vaud, France, Paris, L'Harmattan, 1996, 288 p.