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Title: Lady Al-Qaida", l'


1

Lady Al-Qaida", l'égérie des djihadistes La
scientifique pakistanaise Aafia Siddiqui,
condamnée à 86 ans de prison pour tentative de
meurtre, est devenue l'égérie des terroristes.
Ils réclament sa libération et décapitent en son
nom. (Le Nouvel observateur-Sara
Daniel-12-10-2014)
Lisez ces pages comme un roman ou le scénario
dun film..
Par Nanou et Stan Progression manuelle
2
Elle mesure moins de 1,50 mètre. Mais ce petit
bout de femme a aujourd'hui l'infamant privilège
d'être l'héroïne des coupeurs de têtes de l'Etat
islamique. Les chefs de l'organisation terroriste
assurent en tout cas que les otages auraient eu
la vie sauve s'ils avaient pu obtenir la
libération d'Aafia Siddiqui. Cette mère de
famille pakistanaise, brillante docteure en
neurosciences qui a étudié au prestigieux
Massachusetts Institute of Technology (MIT) de
Boston, purge aujourd'hui une peine de
quatre-vingt-six ans dans une prison de haute
sécurité du Texas après avoir été arrêtée en
Afghanistan en 2008. Inconnue en France, elle est
depuis de longues années la hantise des
Américains. "Armée et dangereuse", c'est ainsi
que l'avait qualifiée le procureur général des
Etats-Unis John Ashcroft en 2004 avant de la
placer dans la liste des sept fugitifs les plus
recherchés d'Al-Qaida. "La Mata Hari du djihad",
"la femme la plus recherchée au monde", "Lady
Al-Qaida" les services secrets du monde entier
l'ont affublée de surnoms de romans d'espionnage.
Les fondamentalistes islamiques et les
adversaires des méthodes expéditives de
l'Amérique après le 11 septembre 2001 en ont fait
une victime de la guerre des Etats-Unis contre le
terrorisme. Qui se cache derrière cette frêle
jeune femme, de moins de 45 kilos, aux grands
yeux noirs exaltés qui mangent son visage doux et
souriant ?
3
Sinistre message C'était le 12 août dernier. Les
parents de James Foley, le journaliste américain
otage en Syrie, ont reçu ce jour-là un terrible
courriel qui venait de ceux qui allaient exécuter
leur fils quelques jours plus tard. "Nous
n'arrêterons pas tant que nous n'aurons pas
étanché notre soif de votre sang", menaçait
l'Etat islamique. Dans ce sinistre message, les
bourreaux justifiaient l'assassinat qui allait
suivre "Nous avons offert d'échanger des
prisonniers musulmans que vous détenez comme
notre sœur, la docteure Aafia Siddiqui. Cependant
vous avez prouvé très rapidement que vous n'étiez
pas intéressés." Sa libération sera également
proposée par l'organisation terroriste contre
celle de Steven Sotloff puis de David Haines, les
deux otages décapités après James Foley.
Aujourd'hui encore, l'Etat islamique offre de
relâcher une Américaine de 26 ans, employée d'une
ONG, contre 6,6 millions de dollars et la remise
en liberté d'Aafia Siddiqui. Même Ayman
al-Zawahiri, l'actuel numéro un d'Al-Qaida, avait
essayé d'échanger en 2011 un mercenaire américain
détenu par l'organisation au Pakistan contre la
"Lady". Mais les Etats-Unis ont adopté une ligne
très claire ils ne donnent pas de rançon aux
preneurs d'otages, ne négocient pas, en principe,
avec les terroristes. Pourtant les bourreaux de
l'Etat islamique se trompent lorsqu'ils affirment
que les Américains n'ont jamais envisagé de
libérer l'égérie des coupeurs de têtes. Un
magazine américain a révélé que la Maison-Blanche
avait étudié cette possibilité avant de renoncer.
Nous avons connaissance d'au moins une entité
au sein du département de la Défense qui a
développé des scénarios possibles pour échanger
Siddiqui", a confié à "Foreign Policy" un
porte-parole du républicain Duncan Hunter, qui
siège au comité des forces armées de la Chambre
des Représentants.
./.
4
Fixation Pourquoi l'Etat islamique fait-il une
telle fixation sur cette docteure en
neurosciences ? Est-il possible, en dépit de cet
encombrant parrainage, qu'Aafia Siddiqui soit une
victime de la machine répressive mise en place
par les Etats-Unis au lendemain de l'attaque
contre les tours jumelles ? C'est ce que
prétendent les sites djihadistes, mais aussi des
avocats des droits de l'homme, des hommes
politiques pakistanais comme l'ex-joueur de
cricket Imran Khan et même des parlementaires
britanniques. Le gouvernement américain affirme,
lui, qu'elle est une terroriste comme l'oncle de
son second mari Khaled Cheikh Mohammed qui semble
avoir "lâché" son nom alors qu'il subissait une
énième séance de water-boarding, une torture par
simulation de noyade. Sa légende, qui n'a cessé
de grandir depuis son arrestation en 2008 en
Afghanistan et sa condamnation en 2010 par un
tribunal new-yorkais, illustre tristement
l'incompréhension teintée de haine, la méfiance
réciproque nourrie de fantasmes que ressentent le
monde musulman et les Etats-Unis depuis la guerre
contre la terreur inaugurée par George W.
Bush. Aafia Siddiqui est née en 1972 à Karachi,
dans cette mégalopole de 26 millions d'habitants
où les nuées de corbeaux et les nuages de
pollution obscurcissent le ciel, où les mendiants
viennent mourir sur les trottoirs. Mais, dans
cette ville monde où l'indigence extrême côtoie
la plus grande richesse, le père d'Aafia, un
chirurgien qui était revenu au pays prendre sa
retraite après avoir exercé en Zambie, avait
trouvé un havre, un petit bungalow qui croulait
sous les bougainvillées dans le quartier huppé de
Gulshan-e-Iqbal. Ses liens avec le général
Zia-ul-Haq, l'homme qui allait renverser le père
de Benazir Bhutto en 1977 avant de le faire
exécuter, lui avaient permis de s'installer dans
ce quartier réservé aux généraux de l'armée.
Karachi Guerre entre les principales
institutions, rumeurs de coup d'Etat, marasme
économique, insécurité... Le pays sur lequel la
communauté internationale a fondé son
intervention dans la région depuis dix ans est en
pleine déliquescence.
5
Haine viscérale pour l'impérialisme
anglo-saxon Dans la famille d'Aafia, qui avait
hérité de l'époque de la colonisation britannique
un mode de vie très victorien, les Siddiqui
étaient servis par des domestiques. La maisonnée,
pratiquante et conservatrice, suivait les
préceptes de la secte des deobandis, une école de
pensée musulmane sunnite présente en Asie du Sud
qui prône une lecture littérale des textes de
l'islam. Dès l'âge de 9 ans, poussée par sa mère,
qui était la plus religieuse de la famille, on
pouvait voir Aafia faire du porte-à-porte dans
son quartier pour distribuer des pamphlets qui
vantaient le djihad contre les Soviétiques en
Afghanistan. Fawzia Siddiqui
montre des photos de sa soeur Aafia et de ses
parents, jeunes, dans leur maison de Karachi.
(Rizwann Tabassum/AFP) Le bungalow résonnait des
mélopées des prières. Les romans et la musique y
étaient proscrits. Chez les Siddiqui, on
ressentait une haine viscérale pour
l'impérialisme anglo-saxon, mais on ne concevait
pas que les garçons soient éduqués ailleurs que
dans les meilleures universités américaines, une
contradiction très répandue parmi la bourgeoisie
pakistanaise.
6
En 1989, l'accession au pouvoir de Benazir
Bhutto, première femme à la tête d'un pays
musulman, conduit la mère d'Aafia à rêver aussi
d'un destin exceptionnel pour sa brillante fille.
Aafia part rejoindre son frère qui vient
d'achever ses études d'architecture à Houston au
Texas. Surdouée, charismatique, souriante A
l'université de Houston, la jeune surdouée se
plonge dans les études, ne sort quasiment pas de
chez elle en dehors des cours. Sa seule activité
extrascolaire est à l'Association des Etudiants
musulmans. Sur une vidéo filmée par cette
organisation en 1991, on voit la jeune Aafia,
drapée dans une tunique traditionnelle jaune,
faire un discours d'une vingtaine de minutes de
sa voix haut perchée au ton pourtant assuré, sur
les bienfaits de l'islam pour les femmes. La
jeune fille est charismatique, souriante la
salle est conquise. Ses notes exceptionnelles
lui font obtenir une bourse pour le MIT. Elle
accomplit d'excellentes études scientifiques et
suit aussi le cours de Noam Chomsky, critique
très virulent de la politique étrangère des
Etats-Unis. A Harvard, l'université voisine,
Samuel Huntington achève son article sur le "choc
des civilisations" entre l'Islam et l'Occident...
Après la première guerre du Golfe, Aafia se
radicalise. Elle se met à fréquenter la branche
bostonienne de l'Al-Kifah Refugee Center, dont
les autorités estiment aujourd'hui qu'il a
peut-être été la première cellule d'Al-Qaida
formée par Ben Laden aux Etats-Unis. Certains de
ses membres seront impliqués dans le premier
attentat du World Trade Center, à New York, en
1993, et dans la préparation des attentats contre
les ambassades américaines de Nairobi (Kenya) et
Dar es-Salaam (Tanzanie) en 1998. Ironie de
l'histoire, c'est dans un cours à l'époque
dispensé par la très conservatrice NRA (National
Rifle Association), lobby cher à Sarah Palin et à
l'extrême droite américaine qui milite pour le
droit de chaque Américain à détenir une arme, que
Siddiqui se serait initiée au maniement des armes
à feu...
7
Crises de paranoïa Bientôt, ses parents,
inquiets de la savoir célibataire dans un pays
étranger, décident de lui trouver un mari ce
sera un jeune anesthésiste de Karachi. Son
mariage, bien sûr, sera arrangé, comme celui de
sa mère avant elle. En 1995, elle épouse à
Chicago Amjad Khan, qu'elle connaît à peine.
L'alchimie n'opère pas entre les jeunes mariés,
qui auront pourtant trois enfants. Les attentats
du 11 septembre 2001 achèveront de séparer le
couple. Khan affirme être fatigué des crises de
paranoïa de sa femme, qui craint que
l'administration américaine ne lui enlève ses
enfants pour les convertir au christianisme et
supplie en vain son mari de repartir au Pakistan.
En mai 2002, le FBI interroge le mari d'Aafia à
propos d'un achat d'un montant de 10.000 dollars
fait sur internet un gilet pare-balles, des
lunettes de vision nocturne et un guide de
l'anarchiste. "Du matériel de camping", se
défendra Amjad. Quelques mois plus tard, le
couple retourne enfin au Pakistan et divorce. En
décembre 2002, Siddiqui fait un voyage éclair aux
Etats-Unis pendant lequel elle aurait ouvert une
boîte postale au nom de Majid Khan, un membre
d'Al-Qaida accusé d'avoir programmé de faire
sauter des stations-service dans la région de
Baltimore.
8
La femme "la plus recherchée au monde" Six mois
plus tard, elle aurait épousé Ammar al-Baluchi,
un neveu de Khaled Cheikh Mohammed, le
planificateur des attentats du 11-Septembre, ce
que nie la famille d'Aafia. En mars 2003, le FBI
lance un mandat d'arrêt international contre
elle. C'est alors que la jeune femme disparaît
avec ses trois enfants sans laisser de traces.
Elle restera introuvable pendant cinq ans,
période pendant laquelle elle deviendra la femme
"la plus recherchée au monde". Comment une mère
de famille flanquée de trois enfants a-t-elle
disparu des radars du contre-espionnage américain
pendant si longtemps ? A-t-elle été protégée par
les services secrets pakistanais, dont la
défiance vis-à-vis de leur supposé allié
américain est déjà à son comble à ce moment-là ?
Toujours est-il que la disparition d'Aafia
devient, juste après celle de Ben Laden et de ses
proches, l'autre cauchemar des chefs des services
de renseignement américains. Rolf
Mowatt-Larssen, l'ex-chef de l'unité des armes de
destruction massive à la CIA, a confié ses
inquiétudes de l'époque à Deborah Scroggins, qui
a consacré un livre, "Wanted Women", à Aafia
Siddiqui Aafia avait la capacité de planifier
le prochain 11-Septembre. La question était alors
de savoir s'"ils" l'état-major de Ben Laden,
NDLR allaient l'écouter." Le centre de
contre-terrorisme de la CIA est alors persuadé
que "maman Al-Qaida" est en contact avec Amir
Aziz, le chirurgien de Lahore soupçonné d'avoir
fourni de l'anthrax à l'organisation terroriste
de Ben Laden. Dans toutes nos enquêtes sur les
membres d'Al-Qaida, elle apparaissait. Elle était
sur toutes nos alertes", se souvient l'ancien
agent américain Mowatt-Larssen.
9
La liste "capture or kill" Aafia Siddiqui est
alors sur la liste de la CIA des "capture or
kill", qui autorise l'agence à arrêter ou tuer
ses ennemis sans sommation. Où est passée "Lady
Al- Qaida" pendant ces cinq années ? Chacun a sa
version des faits. Selon sa famille et ses amis,
Siddiqui aurait été secrètement incarcérée et
torturée à la prison de Bagram, au nord de
Kaboul... Une journaliste anglaise, Yvonne
Ridley, devenue militante des droits des
musulmans, l'a surnommée alors "la dame grise de
Bagram", une détenue qui "réveille les
prisonniers avec ses sanglots et ses cris
déchirants". Un ex-prisonnier raconte à la
chaîne Al-Arabiya qu'il a vu plusieurs fois la
jeune femme enchaînée emprunter le couloir qui
menait aux latrines de la prison et qu'elle
portait le numéro d'identification 650. Pourtant
l'armée américaine, le FBI et la CIA nient
catégoriquement avoir détenu la jeune femme...
L'ex-mari de Siddiqui, Amjad Khan, a une autre
théorie Aafia n'était pas en prison pendant
toutes ses années, mais elle a voyagé de Quetta à
Karachi pour éviter de se faire prendre par les
Américains. Siddiqui, quant à elle, aurait confié
à son oncle que les services secrets pakistanais
avaient essayé de la recruter pour infiltrer les
talibans...
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Ahmed Siddiqui pose avec une pancarte demandant
la libération de sa mère, en janvier 2010, dans
sa maison de Karachi. On ne sait pas ce que sont
devenus son frère et sa soeur.Fawzia Siddiqui
montre des photos de sa soeur Aafia et de ses
parents, jeunes, dans leur maison de Karachi.
(Rizwan Tabassum/AFP)
Cette disparition marque le début de la légende
de "Lady Al- Qaida", qui va s'enrichir de
détails, de témoignages passant des sites
internet fondamentalistes aux sites
conspirationnistes remettant en question
l'histoire du 11-Septembre. Au Pakistan, où les
attaques de drones s'intensifient en 2008, la
haine des Etats-Unis est le sentiment le mieux
partagé dans la population. Aafia devient une
sainte persécutée par l'ennemi.
11
Plans d'attaque à New York Mais le 17 juillet
2008, Aafia réapparaît brusquement en
Afghanistan. La neuroscientifique, désormais en
burqa, est arrêtée dans la boutique d'un marchand
du bazar de la ville de Ghazni, au sud-ouest de
Kaboul, avec son fils de 12 ans. Des plans de la
mosquée de Ghazni tombés de son sac éveillent les
soupçons du commerçant, qui appelle la police.
Sur elle, on trouvera des notes et des schémas
détaillant des plans d'attaque contre la statue
de la Liberté et d'autres lieux touristiques de
New York, la recette d'une bombe sale, des
informations sur le virus Ebola et 1 kilo de
cyanure de sodium dans des pots de crème Nivea.
Lorsque des soldats américains viennent
l'interroger, Siddiqui réussit à s'emparer du
fusil d'assaut de l'un d'entre eux et commence à
tirer en criant "Je vais vous tuer, fils de
p..." et "Mort à l'Amérique !  Au cours de la
fusillade qui suit, elle sera blessée de deux
balles dans le torse. En 2010, une cour fédérale
de Manhattan la condamne à quatre-vingt-six ans
de détention pour tentative de meurtre et
agression à l'encontre de soldats américains. Il
n'est fait aucune mention de sa participation à
des groupes terroristes. Ses avocats contestent
la version des faits donnée par l'armée
américaine (il n'y a pas d'empreinte sur le fusil
et les déclarations des témoins sont
contradictoires), et quatre parlementaires
britanniques écrivent à Obama pour demander sa
relaxe.
12
Manifestations de soutien Même l'organisation
des droits de l'homme anglaise Reprieve, qui se
bat pour les droits des prisonniers de
Guantánamo, travaille à un appel de la sentence.
Au Pakistan, des manifestations de soutien à
Aafia éclatent dans plusieurs villes. Iqbal
Haider, le secrétaire général de la Commission
des Droits de l'Homme du Pakistan, demande que
Siddiqui soit jugée par un tribunal
indépendant. Coupable ou innocente des faits
qui lui sont reprochés, Aafia Siddiqui, apparue
dans un tribunal de Manhattan recroquevillée sur
sa chaise roulante, pâle et blessée, maladive à
force de fragilité, est devenue la victime
emblématique des pratiques sombres des
Etats-Unis, comme les transferts secrets de
prisonniers ou la pratique de la torture.
L'Etat islamique ne s'y est pas trompé il
s'est approprié la cause de "Lady Al-Qaida" et ne
cesse de réclamer sa libération. S'il y
parvenait, il aurait enfin gagné "les cœurs et
les esprits" des combattants du djihad et
supplanté, non plus seulement militairement mais
aussi symboliquement, l'organisation de Ben
Laden.
Nanou et Stan le 20/10/2014
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