Title:
1 DÉRIVES DU CAPITALISME FINANCIER
- Michel Aglietta et Antoine RebériouxAlbin
Michel, 2004
2DERIVES DU CAPITALISME FINANCIER
- Dérives déséquilibres durables, en ce que le
système qui les produit est capable de surmonter
les crises mais ne peut produire les ajustements
nécessaires à la résorption de ces déséquilibres. - Hypothèse Fragilité financière propre au
capitalisme contemporain se manifeste sous la
forme de telles dérives, à la fois - Dans la gouvernance dentreprise cf. scandales
financiers - Dans lévaluation des actifs financiers cf.
bulles spéculatives
3DERIVES DU CAPITALISME FINANCIER
- 1. La valeur actionnariale comme pilier de la
gouvernance - 2. Bulles financières et interdépendance des
marchés boursiers et des marchés de crédit - 3. La déflation financière
4MISE EN CAUSE DE LA VALEUR ACTIONNARIALE
- La valeur actionnariale constitue à la fois
- Une théorie de lentreprise, constituée dans la
première moitié du XXe siècle - Une norme de gestion et de rentabilité, instaurée
dans les années 1990
- Valeur actionnariale théorie (représentation)
de lentreprise - ? service exclusif de lintérêt des
actionnaires, quelque soit le degré de liquidité
des marchés boursiers.
5MISE EN CAUSE DE LA VALEUR ACTIONNARIALE
- 2 piliers de cette doctrine
- Actionnaires propriétaires de lentreprise.
Idée défendue par lordre juridique US et par la
Law and economics (théorie contractuelle de la
firme) - Dépossession de leur prérogative naturelle (le
contrôle) par les managers cf. Berle et Means
1932
Gouvernance dentreprise Focalisation sur le
contrôle des dirigeants
6MISE EN CAUSE DE LA VALEUR ACTIONNARIALE
- Contrôle réalisé de concert par
- Discipline de marché cf. prises de contrôle
hostiles - Gatekeepers auditeurs externes, analystes
financiers et agences de notation - Administrateurs indépendants, cest-à-dire
extérieurs
Valeur actionnariale ? Extériorisation du contrôle
7MISE EN CAUSE DE LA VALEUR ACTIONNARIALE
- Valeur actionnariale norme de gestion ou de
rentabilité. Cf. EVA et MVA. - MEDAF permet de déterminer
- (i) rentabilité déquilibre des fonds propres
? i ß (? m i) - (ii) coût du capital Cmpc ?.FP/K r .D/K ?
(? r).D/K - Avec i le taux dintérêt sans risque, ? m la
rentabilité du portefeuille de marché, ß le
risque de lentreprise, r le coût moyen des
dettes, FP la valeur comptable des fonds propres,
D la valeur comptable des dettes et K FPD la
valeur comptable de lactif économique. - Expression (ii) permet de faire apparaître le
levier financier.
8MISE EN CAUSE DE LA VALEUR ACTIONNARIALE
- EVA R ?.FP
- (ROE ?).FP
- (ROA Cmpc).K,
- avec R le résultat net, ROE R/FP et ROA
(RrD)/K - et
9MISE EN CAUSE DE LA VALEUR ACTIONNARIALE
- Rendement déquilibre du marché devient un
rendement minimal fixation ex ante dune norme
de rentabilité financière. Concurrence entre
fonds dinvestissement se reporte ainsi sur les
entreprises. - Logique de déséquilibre, instaurée en objectif
permanent. Deux effets - Sur le comportement des firmes
- Sur la valorisation des actifs boursiers
10MISE EN CAUSE DE LA VALEUR ACTIONNARIALE
- Effets sur le comportement des firmes
- Levier dendettement permet de réduire le Cmpc
(si ? gtr) et donc daccroître lEVA et/ou la MVA - Stratégie de réduction de la base dactifs (asset
light) économie en capital, qui permet
daccroître ROE ou ROA. - Rachat dactions là encore, économie en capital
- Stock-options recherche de la maximisation du
cours boursier à court terme et extraction du
cash-flow
11MISE EN CAUSE DE LA VALEUR ACTIONNARIALE
- Impossibilité de mener ces stratégies de manière
durable ? manipulations financières -
- Exemple stratégie asset light menée par Enron
et rôle de la déconsolidation (SPV)
12MISE EN CAUSE DE LA VALEUR ACTIONNARIALE
- Conclusion sur leffet de la valeur actionnariale
sur le comportement des firmes - Exigence financière forte, de nature
fondamentalement déséquilibrante - Extériorisation du contrôle, soit vacuité du
contrôle
Facilite les détournements de valeur des
dirigeants. Traits communs à lensemble des
scandales financiers (Enron, Qwest, WorldCom,
etc.)
13MISE EN CAUSE DE LA VALEUR ACTIONNARIALE
- Effets sur les marchés boursiers
- Application du modèle EVA/MVA favorise
appréciation spéculative des marchés boursiers - la MVA incite à la croissance externe pour
profiter du goodwill et à maximiser l effet de
levier en sous-estimant le risque de défaut des
entreprises. - Distorsion du prix des titres, par rapport à leur
valeur fondamentale.
14DE LA VALEUR ACTIONNARIALE À LA SPÉCULATION
BOURSIÈRE
- Au niveau agrégé, le marché boursier est
influencé par plusieurs sources dincertitude - Les profits futurs et leur volatilité
incertitude nourrie par la doctrine de la valeur
actionnariale - La politique monétaire future incertitude sur
les taux dintérêt futurs dépend de la confiance
dans l autorité monétaire - Lattitude des investisseurs à légard du risque
incertitude endogène reflétée dans prime de
risque
15DE LA VALEUR ACTIONNARIALE À LA SPÉCULATION
BOURSIÈRE
Léquation darbitrage sécrit
16DE LA VALEUR ACTIONNARIALE À LA SPÉCULATION
BOURSIÈRE
- À inflation basse et stable, le PER est en régime
réel - facteurs structurels influençant la croissance
des profits - changements dattitude à légard de ces facteurs
qui modifient la prime de risque action - À inflation variable, le PER est en régime
monétaire - impact des variations du taux long nominal
(inertie des anticipations des changements de
rythme de linflation) - possibilité dune corrélation entre les
variations du taux long nominal et de la prime de
risque action
17DE LA VALEUR ACTIONNARIALE À LA SPÉCULATION
BOURSIÈRE
- 4. Pluralité des sources dincertitude et
indétermination de la valeur fondamentale - Les investisseurs sont nécessairement
hétérogènes dans leur interprétation des facteurs
de risque sur les marchés boursiers - ?? Le prix est une prophétie auto-réalisatrice
du marché résultant dun processus de convergence
des anticipations de chacun sur les anticipations
des autres (Morris, Shin, Danielsson) - ?? La croissance collective peut être une
dynamique de bulle spéculative si tous les
investisseurs se coordonnent sur la même
interprétation optimiste de hausse des prix. Elle
peut être versatile si lobservation imparfaite
des facteurs de variation des cours rend le
marché illiquide (Gennotte et Leland)
18DE LA VALEUR ACTIONNARIALE À LA SPÉCULATION
BOURSIÈRE
19DE LA VALEUR ACTIONNARIALE À LA SPÉCULATION
BOURSIÈRE
- Information imparfaite et interaction dopinions
hétérogènes
20LE RENFORCEMENT DES DÉRIVES ENTRE LE CRÉDIT ET
LES MARCHÉS DACTIFS
- 1. Une bulle boursière entraîne la
sous-évaluation du risque de crédit - La probabilité de défaut est une fonction
décroissante non linéaire de la distance au
défaut ( valeur de marché des actifs valeur de
bilan des dettes à rembourser) (Merton). - La valeur des actions est une option dachat sur
les actifs des entreprises ?? La valeur des
actifs est le sous-jacent de la valeur doption
mesurée par le cours boursier (fair value) - La dette risquée de lentreprise est la
combinaison dune obligation sans risque et de la
vente dune option de vente sur les actifs dont
le prix dexercice est égal à la valeur de bilan
de la dette ?? La distance au défaut est
surévaluée si le marché boursier incorpore une
bulle spéculative - La probabilité intrinsèque de défaut (?) est
indépendante des marchés boursiers. Elle est
déterminée par les contraintes du service de la
dette relativement aux cash-flows réalisés
(Minsky)
21LE RENFORCEMENT DES DÉRIVES ENTRE LE CRÉDIT ET
LES MARCHÉS DACTIFS
- Si la valeur fondamentale est inconnue et que la
bourse est emportée par une vague spéculative
aiguillonnée par la quête de la MVA, un cercle
vicieux se forme - Distance au défaut surévaluée Probabilité de
défaut sous-évaluée - Prix des actions en hausse Levier augmenté
- Plus la bulle gonfle, plus loption de vente
incorporée dans la dette devient
hors-de-la-monnaie jusquà être presque sans
valeur ?? la probabilité de défaut est tenue pour
négligeable par les investisseurs (euphorie).
22LE RENFORCEMENT DES DÉRIVES ENTRE LE CRÉDIT ET
LES MARCHÉS DACTIFS
- Dans la phase deuphorie
- Dette/Profits ?
- Dette/Valeur de marché des fonds propres ?
- Dans cet environnement instable, on peut montrer
que le rendement en excès du MEDAF espéré par les
actionnaires est une fonction croissante - du taux de croissance de la bulle
- de lécart entre la probabilité intrinsèque de
défaut et la probabilité issue de la valeur de
marché des actifs - du levier dendettement mesuré en valeur de bilan
23LEFFONDREMENT BOURSIER ET LA DÉFLATION FINANCIÈRE
- Une bulle seffondre nécessairement. Elle
déclenche un cercle vicieux à rebours parce que
la probabilité de défaut évaluée par le marché
sélève précipitamment avec la baisse du cours
des actions. - Lévolution du levier mesuré en valeur de marché
est cruciale parce quelle influence directement
lévaluation de la solvabilité dans les spreads
de crédit. - La variation du levier (D (V) / V) dépend de deux
forces opposées - ? Leffondrement de V avec le marché boursier
- ? La baisse de D avec laugmentation perçue de
la probabilité de défaut. - À laide dun modèle dévaluation des dettes à
seuil de défaut endogène Leland, 1994, on peut
montrer que le levier nest pas une fonction
monotone de la baisse boursière.
24CHUTE DU PRIX DES ACTIFS ET RETOURNEMENT DU
LEVIER
- Lorsque les cours boursiers piquent du nez à
partir du sommet de la bulle, la probabilité de
défaut évaluée à partir des valeurs de marché
augmente et se répercute dans les spreads de
crédit. Les bilans deviennent de plus en plus
fragiles. - La dégringolade des cours atteint un seuil à
partir duquel le levier commence à diminuer.
Cest le début de la déflation financière des
bilans.
25LA DÉFLATION DES BILANS ET LA DÉRIVE VERS LE
MARASME MACROÉCONOMIQUE
- 1. Que font les firmes dans létau de la
fragilité financière et des exigences des
actionnaires ? - Elles augmentent le ratio de distribution des
dividendes pour maintenir le rendement total des
actions malgré les pertes en capital - Elles se livrent à une attaque féroce contre les
coûts salariaux - Croissance du salaire réel lt lt Croissance de la
productivité - En sorte que les risques financiers sont
transférés des actionnaires sur les salariés - Elles réduisent sévèrement linvestissement de
capacité, investissent parcimonieusement en
rationalisation des coûts et reconstituent le
cash-flow
Conséquence la demande effective issue des
revenus réels produits dans le secteur privé peut
être insuffisante pour éviter la dérive vers la
déflation monétaire
26LA DÉFLATION DE LA DETTE ET LA DÉPENSE NOMINALE
- D Dette nominale du secteur privé
- R Revenu nominal du secteur privé hors intérêt
- i Taux dintérêt effectif sur la dette, y.c.
prime de risque due - à la détérioration de la qualité du crédit
- RiD Revenu privé total
- C ? (R iD) Dépense du secteur privé
- Accumulation de la dette brute service de
la - dette endettement nouveau
- Contrainte de solvabilité avec limite
supérieure du ratio dette/revenu
Sous la contrainte de solvabilité, la dette ne
peut pas augmenter plus vite que le revenu réel
27LA DÉFLATION DE LA DETTE ET LA DÉPENSE NOMINALE
Contrainte budgétaire du secteur privé
Taux de croissance de la dépense privée
En incorporant la contrainte de solvabilité
Dès lors que glti, la dépense globale croît moins
vite que le revenu parce que lépargne doit
augmenter pour respecter la contrainte de bilan.
Le glissement vers la déflation ne peut être
contrecarré que par une politique économique qui
suscite des dépenses compensatrices
Baisser agressivement le taux dintérêt
monétaire Créer un déficit public énorme
28DUNE DÉRIVE À LAUTRE
- Tant que les règles du gouvernement dentreprise
sont biaisées, il ne peut pas y avoir de
croissance régulière avec une structure
financière saine. - La banque centrale des États-Unis a effacé la
fragilité financière des sociétés privées en
incitant les ménages à diminuer leur épargne
jusquà un niveau insolite. - Le gouvernement des États-Unis a mis la dette de
la nation sur un profil insoutenable. - Il sensuit que le dollar est devenu le maillon
faible dune structure dendettement dont le
risque est massivement sous-évalué.