Title: Pourquoi assistons-nous
1Pourquoi assistons-nous à la multiplication
des scandales financiers dans le monde des
affaires?Le cas Worldcom
2Grille danalyse appliquée au cas Worldcom1
(séance 13)
ACTEURS Ebbers et Sullivan Firmes comptables Administrateurs de Worldcom Banques et analystes financiers Agences de notation
1 Grille danalyse réalisée par Gilles Cazabon
à partir des notes pédagogiques élaborées par
Yves-Marie Abraham, professeur adjoint, HEC
Montréal, Service de lenseignement du
management, 2005.
3 ACTEURS Ebbers et Sullivan Firmes comptables Administrateurs de Worldcom Banques et analystes financiers Agences de notation
BUTS Satisfaire les exigences des actionnaires de lentreprise Ebbers préserver son poste et son haut niveau de revenu Sullivan répondre aux demandes de Ebbers et préserver son poste Ce sont elles qui auraient dû être les premières à tirer la sonnette dalarme Instance représentant les actionnaires contrôler le travail des dirigeants salariés (en particulier du PDG) Faire acheter des actions (ou autres actifs financiers) à ceux qui ne savent pas quoi faire de leur argent Conseiller leurs clients Vendre, aux banques par exemple, des analyses économiques et financières.
4 ACTEURS Ebbers et Sullivan Firmes comptables Administrateurs de Worldcom Banques et analystes financiers Agences de notation
Ressources laccès direct aux états financiers linformation sur la situation de lentreprise manque de ressources elles sont payées par ceux quelles sont censées contrôler la ressource utilisée par ces adminis-trateurs pour sassurer la collaboration des dirigeants salariés est le système des stock options (options dachat à bas prix sur les actions de lentreprise). Manque dindépendance par rapport aux sociétés dont elles vendent les titres financiers Leurs évaluations dépendent étroitement du travail des firmes comptables. Ces analyses portent aussi bien sur des pays que sur de très grosses entreprises. Les cotes (données en lettres AAA, AA, A,), ont un impact décisif sur la valeur des titres financiers émis par les pays ou les entreprises évalués par ces agences. Quasi monopole dans lactivité de notation (2 boîtes seulement, et américaines toutes deux Standard Poors et Moodys).
5 ACTEURS Ebbers et Sullivan Firmes comptables Administrateurs de Worldcom Banques et analystes financiers Agences de notation
Stratégies La falsification des états financiers Le raisonnement de ceux qui ont mis en place le système des stock options était que les dirigeants avaient ainsi tout intérêt à simpliquer pleinement dans lentreprise. Dans la cas de Worldcom, Ebbers na pas raisonné de cette manière il lui a semblé plus simple de trafiquer les chiffres présentés aux analystes financiers analystes dont les rapports (trimestriels) et les évaluations influent directement sur le prix des actions. Stratégie de collaboration (tacite) avec les autres acteurs, pour atteindre ses buts officieux (rémunération, rendement, ventes), au mépris de ses buts officiels (contrôle, information,). Elles nont pas forcément intérêt à être trop rigoureuses. Stratégie de collaboration (tacite) avec Ebbers, pour atteindre leurs buts officieux (rémunération, rendement, ventes), au mépris de leurs buts officiels (contrôle, information,). Faire dépendre le revenu des dirigeants salariés de la valeur des actions de la boîte, en Bourse. Stratégie de collaboration (tacite) avec Ebbers, pour atteindre leurs buts officieux (rémunération, rendement, ventes), au mépris de leurs buts officiels (contrôle, information,). Dissimuler à leurs clients létat réel des finances de Worldcom Empressement de certaines de ces banques impliquées dans laffaire, afin de dédommager leurs clients (bel aveu de culpabilité !) Stratégie de collaboration (tacite) avec Ebbers, pour atteindre leurs buts officieux (rémunération, rendement, ventes), au mépris de leurs buts officiels (contrôle, information,). Stratégie de collaboration (tacite) avec Ebbers, pour atteindre leurs buts officieux (rémunération, rendement, ventes), au mépris de leurs buts officiels (contrôle, information,).
6 ACTEURS Ebbers et Sullivan Firmes comptables Administrateurs de Worldcom Banques et analystes financiers Agences de notation
ENJEUX Perdre leur poste Perdre leur crédibilité Encourir de lourdes peines de prison (25 ans pour Ebbers) La branche américaine dAndersen, première firme comptable au monde (il y en avait 5 grandes à lépoque) a fermé ses portes. Crédibilité du CA Pertes financières pour les petits actionnaires Crédibilité Si dautres concurrents arrivent sur ce marché de lévaluation des risques, on peut espérer plus de rigueur, mais on peut aussi sattendre à dautres effets pervers
7- Analyse du cas Worldcom 1
- Laffaire Worldcom montre que lon est face à
un système daction structurellement pourri .
Ce sont les régulations autonomes à lœuvre parmi
les acteurs impliqués qui sont la cause de cette
faillite régulation autonomes permises sans
doute par les régulations de contrôle existant à
lépoque. Dans ce système daction, les acteurs
chargés de contrôler la situation économique des
entreprises nont en fait pas vraiment intérêt à
le faire de manière rigoureuse et nen ont pas
non plus toujours les moyens (ressources). Dit
autrement, si aucune modification de ces
régulations nintervient, dautres affaires du
même type devraient se produire. Ce sont les
règles du jeu dans lequel sont impliqués les
acteurs évoqués plus haut qui posent problème,
pas dabord la personnalité des dirigeants en
cause. Mettre en prison les PDG dEnron ou de
Worldcom, entre autres, ne va pas régler le
problème. - Plus globalement (contexte), on peut mettre ici
en cause la financiarisation de léconomie, qui
aboutit à ce que les responsables dentreprises
(sous la pression des différents acteurs évoqués
ici, mais aussi des petits actionnaires)
deviennent totalement obsédés par la valeur de
laction de leur entreprise, et finissent par
recourir à des expédients illégaux pour soutenir
cette valeur, au mépris de la santé économique de
leur entreprise et de stratégies de développement
à long terme (les entreprises cotées à la bourse
américaine doivent rendre des comptes chaque
trimestre tout écart entre les promesses du
trimestre précédent et les résultats du trimestre
qui sachève, donne lieu à des variations parfois
considérables du cours de la bourse). - Il est clair que ce scandale nest pas bon pour
limage du capitalisme libéral, et notamment pour
le système boursier - enjeu symbolique. Ce qui se
joue ici cest notamment la participation du
peuple américain à ce système. Une faillite comme
celle-là nest pas faite pour leur inspirer
confiance et les inciter à placer leurs économies
à la Bourse. La loi Sarbanes-Oxley vise dabord à
rassurer ce peuple. Même chose pour les peines
infligées aux fraudeurs. Mais, cette affaire
vient aussi flétrir limage dacteurs tels que
les firmes comptables ou les banques daffaire.
Cest leur crédibilité qui se joue ici, donc une
part de leurs revenus. - Lautre enjeu majeur ici est celui du contrôle
- - des activités des dirigeants de grandes
entreprises, par les actionnaires - - des pratiques des acteurs chargés de
contrôler et surveiller les activités des
dirigeants de grandes entreprises contrôle
dont est responsable en dernier ressort lÉtat. - Autrement dit, on a affaire ici à des enjeux
politiques cruciaux. En ce qui concerne le
contrôle des dirigeants par les actionnaires, on
pensait avoir trouvé le remède miracle en mettant
en place le système des options dachat daction,
conçu comme une manière de sassurer de la
collaboration pleine et entière de ces
dirigeants. On voit ici toutes les limites de
cette stratégie. 2 - 1 Analyse préparée par Gilles Cazabon (HEC
Montréal, hiver 2006). - 2 Yves-Marie Abraham, La faillite de
Worldcom , HEC Montréal, Service de
lenseignement du management, 2005, page 7.
8- Les visages de lentreprise
-
- Quant aux visages de lentreprise, au sens où en
parle Jean-François Chanlat1, on doit relever
le fait que Worldcom correspond parfaitement à
lentreprise comme instrument de domination et à
lentreprise comme source dexclusion et
dinégalités. Chanlat souligne dailleurs que la
concentration économique et financière à
laquelle on assiste aujourdhui témoigne de
linfluence particulière quont, de nos jours,
les grandes entreprises privées sur les décisions
qui concernent le monde entier 2. Ce passage
sapplique sans aucun doute à Worldcom. De plus,
lauteur ajoute que, en raison de la nouvelle
situation économique qui privilégie
linformation, la connaissance, louverture des
marchés, la déréglementation, le retrait de
lÉtat, la compétitivité, la productivité et le
rendement financier, les modes de gestion des
entreprises ont beaucoup changé. 3 Comme
nous lavons vu dans la grille danalyse, la
ressource utilisée par les administrateurs pour
sassurer la collaboration des dirigeants
salariés est le système des stock options
(options dachat à bas prix sur les actions de
lentreprise), ce qui est relativement nouveau,
du moins dans lapplication même de cette
méthode de rémunération . Mais rappelons avec
Yves-Marie Abraham que le système daction est
structurellement pourri . Il faut entendre par
là que les règles de fonctionnement de ce système
sont contournées allègrement par les acteurs
présentés plus haut (régulations autonomes). Par
ailleurs, dans le dossier de presse portant sur
Worldcom, dautres acteurs importants
napparaissent presque pas lÉtat
américain, lÉtat de New York, la SEC (Security
and Exchange Commission organisme de régulation
des marchés financiers aux USA). Si lon peut
parler ici dune régulation de contrôle, cest à
ces acteurs collectifs quil revient de la mettre
en place et de la faire respecter. 4 Sauf que,
en même temps, cette régulation de contrôle, qui
passe entre autres par la loi Sarbanes-Oxley,
implique une surveillance accrue quil faudra
appliquer. Toutefois, des lois plus sévères, on
le sait, ne sont pas garantes des résultats. Il
faut aussi du personnel qualifié et il faut
donner à ce personnel les moyens nécessaires afin
dappliquer ces règles. Cest à ce prix que les
actionnaires (surtout les petits) et le peuple
américain seront rassurés, si tant est quils
puissent lêtre vraiment. - 1 Jean-François Chanlat, La logique de
lentreprise et la logique de la société deux
logiques inconciliables? , dans Dupuis,
Jean-Pierre et André Kuzminski, sous la
direction de, Sociologie de léconomie, du
travail et de lentreprise, Gaëtan Morin
éditeur, 1998, pages 395 à 420. - 2 Ibid., page 407.
- 3 Ibid., page 414.
- 4 Yves-Marie Abraham, op.cit., page 7.
- 5 Jean-François Chanlat, op.cit., page 395.
- 6 Jean-François Chanlat, La logique de
lentreprise et la logique de la société deux
logiques inconciliables? , op.cit. - 7 Yves-Marie Abraham, op.cit., page 10.
9- En conclusion, nous dirons que le pouvoir des
grands gestionnaires repose non seulement sur des
ressources économiques (dont le système de
rémunération) et symboliques (leur rareté et leur
expertise) mais aussi politiques (leur pouvoir en
est également un dinfluence). Ces grands
actionnaires représentent lentreprise quils
dirigent, mais aussi Lentreprise au sens
large et capitaliste du terme, cest-à-dire en
tant quarchétype du système capitaliste. En
effet, lentreprise est devenue un acteur clé
des sociétés contemporaines. Dans un univers
social qui met laccent sur la croissance, le
marché, les échanges, le profit, la productivité
et le rendement, lentreprise est bel et bien
devenue une affaire de société. les
entreprises, quelles soient petites, moyennes ou
grandes, participent à la construction de nos
sociétés et leurs activités, leur logique de
fonctionnement, leurs pratiques de gestion, leurs
stratégies et leurs valeurs sont au cœur de la
dynamique sociale daujourdhui.5 -
- En ce sens, il serait bien entendu souhaitable
que les vertus de lentreprise, toujours au sens
où lentend Chanlat6, soient mises de lavant.
Plutôt que dêtre ceux qui mettent en place des
instruments de domination et dexclusion, les
grands gestionnaires ont la responsabilité de
créer de la richesse, de favoriser lintégration
et lappartenance sociale puisquils sont des
producteurs de culture (la culture étant, entre
autres, lamalgame de manière de penser et de
vivre, le partage de valeurs et de normes,
lintégration de croyances qui font que, par
exemple, on défend ou on conteste le
néo-libéralisme). Mais comme le présent système
daction laisse place à des débordements, il
semble essentiel de mettre en place de nouvelles
régulations de contrôle. La faillite de
Worldcom peut ainsi être envisagée comme une
manifestation des limites intrinsèques du
modèle libéral . Dès lors, on peut se demander
quels sont les atouts des modèles de
capitalisme coopératif et étatique en
matière déthique des affaires. 7