Title: Jurisprudence r
1DEPARTMENT OF JUSTICE CANADA
MINISTÈRE DE LA JUSTICE CANADA
- Jurisprudence récente sur les dispositions
linguistiques du Code criminel - Renée Soublière Direction des langues
officielles, Équipe du droitSecteur du droit
public - Ministère de la justice du Canada
- Congrès 2015 de lAJEFO
2Survol
- Thèmes
- Le principe de laccès égal dans le contexte dun
procès ou dune enquête préliminaire bilingue - Co-accusés choisissant différentes langues le
par. 530(6) - Habiletés linguistiques des jurés - procès
bilingues - Renonciation
- Obligations positives du juge
3 1. Le principe de laccès égal procès/enquête
préliminaire bilingue
- R.c. Munkonda, 2015 ONCA 309
- Deux principes régissent le déroulement dune
enquête préliminaire ou dun procès bilingue - 1. Laccusé conserve son droit à un accès égal
aux tribunaux dans sa langue et ce, malgré
limposition dune procédure bilingue - Les accusés, quils soient francophones ou
anglophones, ne perdent pas leurs droits
linguistiques mais, par nécessité, il doit être
tenu compte des droits linguistiques de chaque
accusé (par. 56) - 2. La cour et la poursuite doivent être bilingues
et ne doivent pas favoriser lune ou lautre des
langues officielles. - Le traitement inégal dun groupe linguistique
au cours du procès ou de lenquête préliminaire
bilingue, qui favorise un groupe et défavorise
lautre, ne respecte pas larticle 530 et risque
de soulever des craintes de partialité (par. 63)
4 1. Le principe de laccès égal procès/enquête
préliminaire bilingue
- Dans laffaire Munkonda, la Cour a conclu que les
circonstances suivantes constituaient des
violations des principes applicables - Les préavis dintention de présenter la preuve en
vertu des par. 189(5) et 540(8) du C.Cr.ont été
envoyés en anglais seulement - Les outils élaborés par la Couronne pour
faciliter la tâche aux procureures, aux témoins
et au juge étaient uniquement en anglais
(transcriptions de conversations ou textes
électroniques avec un index en anglais
seulement, y compris les transcriptions de
communications interceptées en français et en
langue étrangère) - Deux des trois procureurs de la poursuite étaient
unilingues anglaises et ont plaidé la
quasi-totalité du dossier en anglais. Lune
delles a eu recours à linterprétation
simultanée, car elle ne comprenait pas le
français - Le jugement sur une requête interlocutoire
plaidée en français a été rendu en anglais par le
juge (avec un sommaire en français) - Le juge ne sest pas assuré de la présence dun
sténographe bilingue
52. Co-accusés parlant des langues différentes
le par. 530(6)
- Ajout du paragraphe 530(6) en 2008 avec
ladoption du projet de loi C-13 (Loi modifiant
le Code criminel (procédure pénale, langue de
laccusé, détermination de la peine et autres
modifications) - Circonstances justifiant lutilisation des deux
langues officielles - 530 (6) Peut constituer une circonstance
justifiant une ordonnance portant quun accusé
subira son procès devant un juge de paix, un
juge de la cour provinciale, un juge seul ou un
juge et un jury qui parlent les deux langues
officielles du Canada le fait que des coaccusés
qui doivent être jugés conjointement ont chacun
le droit davoir un procès devant un juge de
paix, un juge de la cour provinciale, un juge
seul ou un juge et un jury qui parlent une des
langues officielles du Canada, mais que cette
langue nest pas la même pour tous les coaccusés - Cet ajout a résolu le conflit jurisprudentiel qui
existait entre la Cour dappel du Québec et la
Cour dappel de lOntario - En Ontario les tribunaux ont toujours favorisé
les procès conjoints pour des co-accusés optant
des langues officielles différentes - Au Québec les tribunaux avaient tendance à
ordonner des procès séparés (un en français et
lautre en anglais) - .
62. Co-accusés parlant des langues différentes
le par. 530(6)
R c. Gagnon, 2013 QCCA 1744 40 En résumé, le
principe applicable en cette matière veut que la
pertinence d'une ordonnance de procès bilingue
repose sur la discrétion du juge du procès dont
le pouvoir d'appréciation doit s'appuyer sur les
circonstances de l'affaire . () La discrétion
que possède le juge en ce domaine n'est
aucunement tributaire du consentement de
l'accusé. 41 Le paragraphe 536(6) C.cr.
prévoit, parmi les circonstances pouvant
justifier l'utilisation des deux langues
officielles, le cas d'un accusé devant être jugé
conjointement avec des coaccusés pour un crime
commun alors que sa langue maternelle n'est pas
celle des coaccusés. Il s'agit là de la situation
de W. Kyling. 43 W. Kyling a donc tort de
remettre en question le principe reconnu au nom
duquel tous ceux qui participent à une aventure
criminelle commune doivent, sauf exception, être
poursuivis de façon conjointe. En lespèce, tout
en étant respectueuse des droits linguistiques de
W. Kyling, lordonnance pour un procès bilingue
résultat de lapplication judicieuse de ce
principe.
73. Habiletés linguistiques des jurés procès
bilingue
- Qualités incontournables dun juré bilingue
- Il peut suivre sans difficulté la preuve
présentée, peu importe qu'elle soit en français
ou en anglais. - Il peut suivre le langage utilisé par les avocats
lors de leurs questions ou leurs objections et
comprendre sans difficulté les réponses des
témoins ainsi que les décisions du tribunal. - Il peut délibérer dans les deux langues,
s'exprimer dans la sienne et comprendre sans
difficulté la langue utilisée par les autres
membres du jury. - Il peut participer efficacement au verdict, grâce
à sa compréhension adéquate de la preuve, des
directives du juge et des délibérations des jurés - (R. c. Gagnon, 2013 QCCA 1744 au par. 64)
83.Habiletés linguistiques des jurés procès
bilingue
Lexigence que les procédures, la preuve et
les directives du juge au jury soient suivies
dans la langue originale du procès est absolue et
ne tolère aucune exception. À partir du moment
ou lemploi de lune des deux langues officielles
nest plus possible en raison du manque de
compréhension de lune delles par le juge ou le
jury, il y a alors atteinte au droit de laccusé
à subir son procès devant une cour de justice
institutionnellement bilingue . (R. c.
Gagnon, 2013 QCCA 1744 au par. 89)
94. Renonciation
- Le défaut par lavocat de la défense ou par la
partie elle-même de faire valoir en temps utile
les droits prévus à larticle 530.1 ne peut pas,
pour ce seul motif, entraîner la conclusion dune
renonciation implicite de la part de laccusé
(Clohosy c. R., 2013 QCCA 1742, au par. 61) - Lacquiescement dun accusé à procéder en anglais
ne peut raisonnablement être considéré comme une
renonciation à son droit à un procès dans la
langue officielle de son choix sil na pas été
informé de ses droits au moment de sa première
comparution (Latour c. H.M.T.Q. 2013 NWTSC 22) - Les difficultés linguistiques quéprouvent les
avocats ne sauraient constituer à elles seules
une justification valable dune renonciation
(Parsons c. R., 2014 QCCA 2206 au par. 32) - Avant daccepter une renonciation, le juge
devrait sassurer que laccusé comprend ses
droits et quil comprend les conséquences dune
renonciation (Parsons c. R. 2014, 2206 au par.
33)
10 5. Obligations positives du juge
- Obligation de veiller au respect de 530(3) Dans
Beaulac . la Cour suprême a souligné
limportance fondamentale de la connaissance par
laccusé de son droit .Cet extrait para. 37
de Beaulac souligne l'importance pour le
tribunal de sassurer qu'un accusé est clairement
au fait de ses droits en vertu de larticle 530.
C'est donc dire que linformation qui est fournie
à un accusé à cet égard doit être claire et sans
équivoque, compte tenu de lobjet de la
disposition et limportance fondamentale du droit
quelle protège (Latour c. H.M.T.Q., 2013 NWTSC
22 aux par. 13 et 14). - 530(3) Le juge de paix ou le juge de la cour
provinciale devant qui laccusé comparaît pour la
première fois veille à ce que laccusé soit avisé
de son droit de demander une ordonnance au titre
des paragraphes (1) ou (2) et des délais dans
lesquels il doit faire une telle demande
11 5. Obligations positives du juge
- ii. La langue des jugements Lal. 530.1h) crée
une obligation pour le tribunal de rendre
disponibles ses jugements dans la langue
officielle de laccusé. Il nest pas nécessaire
de présenter une demande officielle au tribunal
pour forcer le respect des droits que cette
disposition lui confère. (R. c. Clohosy, 2013
QCCA 1742 aux par. 78-82) -
- iii. Utilisation de linterprétation simultanée
au lieu de linterprétation consécutive
l'appelant n'était pas représenté par un avocat
pendant une bonne partie de son procès. Il serait
particulièrement injuste dans ces circonstances
de lui reprocher de ne pas s'être opposé en temps
utile à cette méthode interprétation
simultanée, alors qu'il revenait au juge de
garantir à l'accusé le respect intégral de ses
droits linguistiques garantis au par. 530.1g)
(Clohosy c. R., 2013 QCCA 1742 au par.60)
12 5. Obligations positives du juge
- iv. Traitement égal des deux langues dans le
contexte dune procédure bilingue Larticle
530 du Code criminel impose au procureur général
et aux tribunaux des obligations positives .
Dans le contexte dune enquête préliminaire
bilingue dans laquelle il y a des accusés
utilisant chacune des deux langues, cette
obligation est de sassurer que les deux langues
sont traitées de façon égale, cest-à-dire quil
ny a pas une langue principale et un
accommodement pour lautre langue. Cette égalité
doit être la norme et non lexception, et elle
doit être assurée sans engendrer et conflit (R.
c. Munkonda, 2015 ONCA 309 aux par. 61 et 62). - v. Sténographe bilingue linaction du
juge dans les circonstances constitue une
violation des droits linguistiques de lappelant.
Il découle dune ordonnance de procès ou
denquête préliminaire bilingue rendue en vertu
de lart. 530 que tout le personnel de la cour
qui joue un rôle dans le bon déroulement de
linstance doit être bilingue. (R. c. Munkonda,
2015 ONCA 309 au par. 103).
13 5. Obligations positives du juge
vi. Habiletés linguistiques des jurés Cela dit
avec beaucoup dégards, le juge a tout dabord
commis une erreur déterminante en conduisant une
enquête trop sommaire sur les capacités
linguistiques de certaines des candidats jurés et
en leur confiant le soin dévaluer eux-mêmes leur
niveau de compétence en ce domaine. À cette étape
du processus, cette question relevait de sa seule
discrétion. Lordonnance de procès bilingue
nécessitait la mise en place dune procédure de
vérification rigoureuse garantissant aux
appelants la sélection de jurés habiles à agir
dans un traitement égal des deux langues dans le
contexte dun tel procès procès bilingue (R. c.
Gagnon, 2013 QCCA 1744 au par. 73).
14 5. Obligations positives du juge
vii. Renonciation Dans les circonstances de
l'espèce, la juge aurait dû questionner le
pourquoi de la renonciation et vérifier auprès de
M. Parsons lui-même qu'il connaissait ses droits
et qu'il comprenait et acceptait librement les
conséquences de la renonciation annoncée. En
présence de réponses de M. Parsons incompatibles,
le cas échéant, avec un consentement libre et
éclairé de ce dernier, la juge aurait alors été
obligée de refuser la renonciation proposée
(Parsons c. R., 2014 QCCA 2206 au par. 33). Et,
de façon plus générale Quant aux juges
de première instance siégeant en matière
criminelle à travers le Canada, notamment ceux de
la Cour du Québec et de la Cour supérieure au
Québec, il est opportun qu'ils soient proactifs
dans la mise en œuvre de la protection des droits
linguistiques des accusés malgré un énoncé de
positions par les avocats qui comparaissent
devant eux par. 35