Title: SOCIOLOGIE DE LA DECISION 4 Rationalit et dcision
1SOCIOLOGIE DE LA DECISION (4)Rationalité et
décision
- Christian THUDEROZ
- Centre des Humanités
21. Une matrice des théories de la décision
31. Le modèle rationnel et ses limites(critique 1)
- Rationalité parfaite, ou bounded rationality
(rationalité limitée) ? - Le modèle de la rationalité omnisciente 3
prémisses essentielles - Informations
- Préférences
- Capacité synoptive
-
4a) Les informations ?
- Pour le modèle rationnel un décideur quelconque
dispose, pour décider, de toutes les informations
dont il a besoin et possède la capacité de les
traiter - Donc un univers de transparence et
domnipotence cognitive
5b) Des préférences ?
- Pour le modèle rationnel, ce décideur possède une
idée claire de ses préférences (ce quil veut
obtenir, lobjectif quil veut atteindre) - ces préférences sont données une fois pour
toutes, - sont stables (ne se modifient pas au fil des
heures), - sont cohérentes (elles se complètent les unes les
autres, ne se contredisent pas) - et hiérarchisées (il est capable de définir des
priorités)
6c) Une capacité synoptive ?
- Pour le modèle rationnel, ce décideur est capable
de mettre en uvre un raisonnement synoptique - qui lui permet de procéder à un examen
comparatif, à la fois exhaustif et simultané de
toutes les solutions possibles, - avec leurs conséquences probables,
- et ainsi optimiser ses choix, cest-à-dire
sélectionner la meilleure solution en fonction de
ses préférences.
7Est-ce vrai et possible ?
- Critiques de ce modèle de rationalité pure et
parfaite par Herbert Simon et James
March (Organizations, 1958. Trad. française, Les
organisations, 1991) une rationalité
limitée ... - Pour eux
8Critiques du modèle de rationalité pure et
parfaite (1)
- Tout choix se fait sous contrainte (de temps,
notamment) - Linformation dun décideur est toujours
incomplète - Et la connaissance des conséquences des
différentes possibilités daction et leurs
valeurs respectives dans le futur est toujours
fragmentaire - Donc un petit nombre possible de solutions est
réellement examiné
9Critiques du modèle de rationalité pure et
parfaite(2)
- Le décideur met en uvre un raisonnement non
synoptique mais séquentiel il examine les
options offertes et sarrête à la première qui
correspond à son idée. - Cette solution nest la meilleure ni dans
labsolu (optimisation), ni par rapport aux
critères de satisfaction (maximisation) il
aurait peut-être fait un meilleure choix sil
avait continué de chercher... - Il sarrête à la première solution
satisfaisante. - Moralité ?
10Au lieu de critiquer les décideurs
- de ne pas se comporter comme le veut le modèle
classique et les amener à sy conformer
davantage, il faut étudier et comprendre leur
comportement comme une adaptation active et
raisonnable à un ensemble de contraintes et
dopportunités perçues dans leur contexte
daction. - Il faut donc suivre chaque décideur dans sa
situation et son action pour reconstruire la
logique de sa prise de décision , comprendre
comment les options se présentaient à lui et
retrouver les bonnes raisons derrière des
décisions apparemment irrationnelles ...
11Critique (2) de la rationalité le garbage can
model
- Fin des années 60, deux Etats-uniens (M Cohen et
J March) et un norvégien (J. Olsen) mènent des
enquêtes dans les universités nord-américaines - (articles parus dans J March, Decisions and
Organizations, 1988, - traduction, Décisions et organisations, Dunod,
1991). - 2 notions les anarchies organisées et le
modèle de la poubelle )
12Notion 1 Les anarchies organisées
- Ce sont des organisations
- 1. Sans objectifs cohérents et partagés
- 2. Où le processus de production une
technologie complexe, peu matérialisable (par ex.
des apprentissages et des processus
dacquisition de connaissances - 3. Et dont les membres participent de façon
intermittente et plus ou moins active et
collaborative aux prises de décision
13Notion 2 Le modèle de la poubelle
- Un modèle théorique qui décrit le style de
décision propre aux anarchies organisées - Des choix et des solutions à la recherche
de problèmes - Des questions à la recherche de réponses
- Des décideurs à la recherche de décisions à
prendre
14Des décisions aberrantes ?
- Non des décisions !
- Exemple 1 (de J March)
- Un service détudes, dans une entreprise, na pas
dépensé son budget en fin dannée. Si elle ne le
fait pas son budget sera réduit lan prochain.
Le service imagine donc le lancement dune
campagne de communication pour améliorer
lambiance du service . Intéressé par la
décision et le problème, la direction de
lentreprise le juge prioritaire et supprime,
pour létendre à toute lentreprise et parce que
son coût est important, de nombreux projets
proposés initialement par les différents services
15Soit des décisions
- qui rencontrent des problèmes , un peu comme
dans une poubelle la bouteille de lait voisine
avec les notes du cours de sociologie, le stylo
avec le papier gras - donc, des décisions
- - par inattention
- - par déplacement des problèmes
- - par(fois) mini-résolution des problèmes
16Le modèle de la poubelle exemple 2
- Des enseignants dune célèbre école dingénieurs
lyonnaise souhaitent réaliser un petit Guide de
préparation des élèves-ingénieurs aux stages
industriels. Ils obtiennent le financement, par
deux agences étatique de conseil aux entreprises,
dun groupe de travail pour réfléchir au produit
et lélaborer
17Dans ce groupe, certains sont chargés de mission
dans ces agences
- et ils souhaitent voir leur travail reconnu et
valorisé dans leurs institutions, et que
celles-ci ne regrettent pas leur investissement
(car ce travail est aux limites de leur
mission). - Deux ans plus tard, un Manuel de 158 pages,
écrites serrées, voit le jour Trop volumineux,
il ne peut être diffusé aux élèves-ingénieurs.
Par contre, il intéresse diablement les
enseignants
18Ainsi
- Un problème (un Manuel pour les enseignants)
a rencontré une décision (écrire un petit
Guide), sans que celle-ci natteigne sa cible (il
ny a toujours pas de petit Guide) et sans que
le problème des enseignants nait fait
lobjet dune décision - une rencontre aléatoire de problèmes et de
solutions
19Les apports du modèle de la poubelle..
- 1. Ne pas surestimer la rationalité des
décideurs, ne pas surévaluer leur capacité à
maîtriser les processus dans lesquels ils
agissent - 2. Inciter les décideurs à rester modestes, et ne
pas les former (uniquement) aux modèles
managériaux classiques - 3. les inciter à prendre en compte les aléas,
intégrer les évènements perturbateurs - 4. Dissocier les intentions des actions on peut
trouver un problème puisquon détient une
solution
20LORSQUE LE RATIONNEL DERAISONE
- Un comportement rationnel ? un comportement
raisonnable - Si le feu se déclare dans un endroit public
risque de cohue, de panique, dindividus courant
en tous sens. Et cela cause plus de victimes que
le feu lui-même... - Il est donc préférable de suivre le mouvement et
de ne pas rester en arrière, au risque de se
faire piétiner, ou de périr carbonisé... - Il est donc rationnel (soit courir, comme les
autres) de ne pas être raisonnable (garder son
calme et quitter les lieux sans paniquer) car la
panique de quelques uns rend obligé un
comportement non raisonnable...
21Autre illustration de cette rationalité non
raisonnable
- Un groupe de randonneurs se perd les uns
veulent partir à droite, les autres à gauche. La
nuit tombe. Même si une minorité sait
pertinemment que le chemin le plus rapide est
celui de droite, il vaut mieux ne pas se séparer
et adopter la même attitude que la majorité. Il
est donc rationnel de ne pas être raisonnable...
22La question de la limitation volontaire de sa
rationalité
- Il est parfois rationnel de limiter
volontairement sa rationalité ou de réduire sa
liberté et ses marges de manuvres (de se mettre
sous contraintes, donc) pour mieux être rationnel
et affirmer sa liberté... - Ex. Ulysse et les sirènes. Sattacher au mât du
bateau (se priver de liberté) est rationnel
Ulysse entend les sirènes mais ne peut les
rejoindre et se noyer, comme ses compagnons...
23Autres exemples de limitation volontaire de sa
propre rationalité
- Ex Signer un accord dentreprise peu favorable
pour les salariés (ce qui est non rationnel du
point de vue de loptimalité de la décision
syndicale) pour participer au Comité de suivi de
laccord et disposer ainsi des informations sur
la marche de lentreprise. Il est donc rationnel
de ne pas être rationnel - Ex. ne pas calculer son intérêt à chaque
instant et laisser faire son instinct moral. Sur
le long terme, cette attitude est rationnelle... - Ex. ne pas consommer immédiatement son
treizième mois, mais épargner et le consommer
plus tard, si besoin