Title: Risques accidentels li
1Risques accidentels liés aux stupéfiants Nos
connaissances et leurs limites
- Claude GOT
- Colloque de lITA
- 15 novembre 2002
2Des domaines distincts mais interdépendants
3Nécessité de prendre en compte de multiples
facteurs
4Nécessité dune approche multidisciplinaire
5Une situation confuse
- Expertise collective de lINSERM sur le cannabis
(2001) faute détudes épidémiologiques
fiables, il est aujourdhui encore impossible
daffirmer lexistence dun lien causal, au sens
dune corrélation statistique solidement établie,
entre lusage du cannabis et les accidents - Communiqué (2002) cannabis et conduite
automobile le point de vue de 10 experts
judiciaires en toxicologie. Dire que le lien
entre accidents de la route et consommation de
cannabis nest pas établi est une contre vérité.
De nombreuses études à létranger (Allemagne,
Pays scandinaves, Australie, Etats-Unis) ont
démontré ce lien depuis 10 ans.
6Préface de Circulation routière et drogues
Conseil de lEurope - 2000
- On connaît toujours insuffisamment la dimension
réelle du phénomène de la drogue au volant, tout
comme on manque déléments importants pour
déterminer les effets de la consommation des
substances en question sur la capacité de
conduire. De grandes incertitudes existent aussi
en ce qui concerne les mesures de prévention Ã
prendre. Il est donc urgent délargir et
dapprofondir les recherches dans ces domaines.
7Problèmes méthodologiques
- Recherche des produits
- Qualitative (tests de dépistage notion de
sensibilité et de spécificité) - Quantitative (dosage notion de précision)
- Recherche de la prévalence de lusage
- Chez au moins un impliqué dans laccident
- Chez les impliqués dans laccident
- Chez les impliqués responsables
- Chez les impliqués blessés ou tués
- Recherche du niveau de risque
- Risque relatif
- Fraction attribuable
8Quelles références pour la prévalence ?
- Les valeurs suivantes sont cohérentes entre elles
- Lalcoolémie à un taux illégal est observée dans
42 des accidents mortels, - Lalcoolémie à un taux illégal est observée chez
24,5 des impliqués dans les accidents mortels, - Lalcoolémie à un taux illégal est observée chez
36 des impliqués considérés comme responsables
dun accident mortel, - Lalcoolémie à un taux illégal est observée chez
29 des tués dans un accident mortel.
9Quelle est la signification dune prévalence ?
- Prise isolément aucune autre signification que
la proportion de cas où la présence dun produit
a été identifiée dans des conditions données. - Exemple
- 1990 Schermann et coll. 2938 conducteurs
accidentés dont 6,6 avaient un composant du
cannabis dans le sang. - 2002 Pépin et coll. indiquent une proportion de
19,6 (THC ou THC-COOH) parmi 3751conducteurs.
10Peut-on comparer ces deux séries ?
- Différences entre les méthodes disponibles il y a
10 ans et les méthodes actuelles, - Différences entre les types daccidents, la
première étude concerne des accidents corporels
non mortels, la seconde des accidents mortels, - Evolution de la consommation de cannabis
- Erreurs méthodologiques la prévalence indiquée
dans la seconde étude ne correspond pas à la
réalité observée sur le terrain.
11Comment calculer une prévalence dans la procédure
dapplication de la loi de 1999 ?P (n1 n2 /
N) x 100
12Assemblée Nationale8/10/2002 M. Perben
- Il convient maintenant d'agir, d'autant que
plusieurs experts judiciaires déclarent en se
fondant sur des études menées tant en France qu'Ã
l'étranger que le lien entre accidents de la
route et consommation de cannabis, est clairement
établi. En effet, selon ces études, la fréquence
des accidents est multipliée par 2,5 pour les
conducteurs de moins de 27 ans ayant consommé du
cannabis. Les statistiques établies sur plus de
2 000 cas de conducteurs impliqués dans un
accident mortel corroborent ces résultats.
13Evaluer le risque
- Etudes évaluant un risque relatif vrai
- RR fréquence dans le groupe exposé/fréquence
dans le groupe non exposé - Impossibilité pratique de concevoir une étude
tentant dévaluer prospectivement le risque lié Ã
lusage des stupéfiants dans une cohorte composée
de consommateurs et de non consommateurs, - Etudes évaluant un risque relatif approché (odds
ratio ou rapport de cote) - OR est obtenu en comparant un groupe accidenté et
un groupe témoin.
14Exemple de calcul dun risque relatif approché
(OR)
- conducteurs interceptés dans des conditions
représentatives de la circulation (jours de la
semaine, heures, types de voies) et acceptant de
souffler dans un éthylomètre 34 gt 0,8 g/l 966
lt 0,8 g/l) - Conducteurs responsables dun accident mortel et
dont lalcoolémie est connue par la prise de sang
488 gt 0,8 g/l et 512 lt 0,8 g/l) - OR 966 x 488 / 34 x 512 27,08
15Lintérêt dune relation concentration/effet ou
dose/effet pour établir une relation causale
- Un R.R. ou un O.R. significativement différent
produit par la comparaison de deux groupes, peut
traduire un biais lié aux conditions
dobservation ou aux caractéristiques du groupe
témoin dans le cas dun O.R. - Ce risque est pratiquement nul si plusieurs R.R.
ou O.R. sont établis en établissant des classes
avec une variable quantitative et sil existe un
accroissement du risque en fonction de la
variable quantifiée.
16Risque relatif approché en fonction de
lalcoolémie(multiplication du risque dêtre
responsable dun accident mortel)Totalité des
accidents de 1977 avec éthylotests impossibles
x1 x2,5 x8,6 x46,2 x141
17Notion de fraction attribuable à une
étiologieexemple des alcoolémies entre 0,50 et
0,80 g/l dans une série daccidents mortels avec
prise de sang chez le responsable présumé (cas où
léthylotest était impossible)
2006 prises de sang
1013 gt 0,8 g/l
975 accidents attribués à lalcoolémie gt 0,8g/l
si le risque relatif est de 27 FE RR 1/RR
18Assemblée Nationale8/10/2002 M. Dell Agnola
- Environ un quart des accidents mortels est dû Ã
une consommation de psychotropes illicites.
Confrontés à cette réalité préoccupante, nombre
de nos voisins européens ont adopté des
législations qui font de la conduite sous
l'influence de stupéfiants une infraction
spécifique. Le Royaume-Uni a même été jusqu'Ã
faire de l'homicide par imprudence commis par un
conducteur sous l'emprise de stupéfiants une
infraction spécifique punie d'une peine
d'emprisonnement de dix ans
19Les approches indirectes du rôle des stupéfiants
dans laccidentalité
- Elles tentent dapprécier le poids dun facteur
de risque ou dun ensemble de facteurs de risques
en comparant des sources très différentes. - Exemple évolution de laccidentalité, notamment
par classes dâge. - Limites
- des facteurs de risque peuvent évoluer en sens
contraire et compenser leurs effets, - Des risques réels mais faibles peuvent être
inapparents avec des indicateurs globaux.
20Assemblée Nationale8/10/2002 M. Delnatte
- L'exemple de la Sarre est éclairant les
dépistages fréquents de drogue mis en place en
2000 ont réduit de 68 le nombre des décès par
accident de la route, contre 3Â dans le reste de
l'Allemagne.
21Assemblée Nationale8/10/2002 M. DellAgnola
- Reste que les dispositifs adoptés par nos
voisins ont montré leur efficacité. Ainsi, dans
la Sarre, en Allemagne, le dépistage de
stupéfiants avant restitution du permis de
conduire a réduit de 66 le nombre de décès chez
les moins de 25 ans !
22Evolution de la consommation de cannabis
23Évolution des interpellations
24La consommation de cannabis est très liée à lâge
( de consommateurs au moins dix fois dans
lannée)
25Évolution de la mortalité routière
Limite de vitesse Ceinture obligatoire
26Evolution de la mortalité des 15/24 ans au cours
des 10 dernières années (15 de la population en
1990 et 13 en 2001)
27Quelles études avec groupe témoin sont
utilisables aujourdhui ?
- Les études avec un groupe témoin externe au
groupe des accidentés - Ex. étude de Mura et coll.
- Les études avec un groupe témoin interne au
groupe des accidentés, fondées sur lanalyse de
la responsabilité - Ex. étude de Schermann et coll.
- Les études mixtes avec les deux types de groupes
témoins - Ex. étude Québecois de Dussault et coll.
28Létude de P.Mura et coll.
- Il est difficile de la commenter car elle est
encore incomplètement publiée, notamment nous ne
savons pas - Si une relation dose effet a été établie pour
différents niveaux dalcoolisation, ce qui
contribuerait à valider le groupe témoin, - Si des études ont été faites pour comparer
lexposition au risque dans les deux groupes. Le
cannabis étant souvent consommé à lextérieur du
domicile par les jeunes, la prévalence de la
consommation peut être liée à lexposition au
risque daccident.
29Létude de Schermann et coll.2938 conducteurs
provenant de 14 centres hospitaliers
- Analyse de la responsabilité des conducteurs
suivant les situations de consommation - Tous les conducteurs 62 de responsables
- Cannabis seul 58 de responsables
- Cannabis et alcool gt 0,8 g/l 84 de
responsables - négatifs pour le cannabis et alcool gt 0,5 g/l
87 de responsables - Cannabis benzodiazépines avec alcool gt 0,8
g/l 100 de responsables
30Etude de Dussault et coll. (Québec 2002)
- Etude cas témoins externes à laccident et étude
de la responsabilité - Le groupe témoin était constitué de 5931
conducteurs dans les conditions dexposition au
risque des accidentés. Échantillon dhaleine,
puis durine et de salive, - Comparaison avec lanalyse de responsabilité
31Résultats de létude Québecoise(provisoires sur
482 cas)
Drogue Cas-témoins Responsabilité
Cannabis seul 2,2 (1,5-3,4) 1,2 (0,4-3,9)
Cocaïne seule 4,9 (1,4-17,4) infini
Benzodiazépines 2,5 (1,4-4,3) 3,6 (0,5-28,2)
Opiacés 2,1(0,8-5,3) Infini
Amphétamines 12,8 (3-54 infini
Alcool gt 0,8 g/l 39,2 (25,5-60,1) 8,1 (1,9-34,8)
32Commentaires sur le cannabis de létude québecoise
- le rôle du cannabis dans les accidents de la
route est souvent controversé et fait lobjet
dun nombre croissant de recherches. Lanalyse
cas-témoins effectuée au cours de la présente
étude laisse supposer que la consommation de
cannabis implique un risque deux fois plus élevé
daccident mortel (rapport de cote de 2,2).
Toutefois, pour le cannabis, lanalyse de
responsabilité nest pas concluante, tel quon
la souligné dans dautres études ayant fait
appel à cette méthodologie
33Odds ratio relatifs au cannabis dans lexpertise
collective de lINSERM
- Sur les sept études rapportées sur le tableau
8.VIII, quatre portent sur des conducteurs tués
et trois sur des conducteurs blessés. Concernant
les conducteurs tués, trois des ratios de
responsabilité (0,5 0,7 et 0,6) sont inférieurs Ã
1, le quatrième étant égal à 1. Concernant les
conducteurs blessés, deux des odds ratio se
situent autour de 1, le troisième étant égal Ã
2,1 (avec un intervalle de confiance de
0,7-6,6)
34Les règles pour interprèter le risque routier lié
à un produit psycho-actif
- Ne jamais se contenter de preuves expérimentales,
les modifications objectives observées peuvent
être compensées par des comportements adaptés, - Une excitation et une désinhibition peuvent être
plus dangereuses que laction inverse, - Les seules preuves indiscutables proviennent
détudes cas-témoins dans lesquelles les
conditions de consommation (au domicile, hors
domicile) et les conditions dexposition au
risque routier sont identiques.
35Quelles décisions pour la France ?
- Chronologie
- 1994 livre blanc sur la sécurité routière et
les drogues le groupe de travail propose de
rechercher les drogues dans les accidents pour
fonder lévolution de la législation, - 18.6.1999 loi instaurant la recherche dans les
accidents immédiatement mortels, - 1.10.2001 mise en œuvre de la loi avec une étude
épidémiologique pilotée par lOFDT, - 15.11.2001 modification légale rendant possible
la recherche dans les accidents corporels (sans
obligation), - 8.10.2002 proposition de loi adoptée en
première lecture rendant obligatoire la recherche
dans tous les accidents corporels, créant un
délit en cas de consommation de stupéfiants, et
permettant les dépistages préventifs en dehors de
tout accident ou de toute infraction.
36Le risque dincohérence dun système de sanction
- Parents nattachant pas leur enfant dans un
véhicule surrisque dêtre tué se situant entre
2 et 3 sanctionné par une contravention - Constructeur mettant en circulation un véhicule
capable datteindre 200 ou 250 km/h surrisque
de dommages corporels chez des tiers extérieurs
proche de 18 dans les résultats statistiques des
assureurs à une époque où il existait encore des
véhicules lents (classes 2 à 4 des tarifs
dassurances en 1984) pas de sanction, alors
que le code de la route (article L.311-1)
prescrit de construire des véhicules  de façon Ã
assurer la sécurité de tous les usagers de la
route. - Conduite après avoir consommé du cannabis délit
passible de deux ans de prison alors que le
surrisque est évalué entre un surrisque nul et un
surrisque 2,5 dans les études disponibles.
37Risque relatif de provoquer un dommage corporel
chez des tiersSource statistique des
assurances 1984
38Les choix législatifs possibles
- Objectif de risque zéro en présence dun
risque plausible on interdit et on sanctionne sur
des critères qualitatifs sans attendre que toutes
les preuves soient obtenues et le consensus
général, - Sanctions sur des arguments épidémiologiques,
- Sanctions en présence de troubles du comportement
impairment approach .
39Le choix du risque zéro pour les stupéfiants
- Avantages
- Inutile dapporter la preuve du risque accru, la
présomption suffit, - Simplicité (la différence de risques liées aux
produits et aux doses nest pas prise en compte)
- Inconvénients
- Incohérence avec lacceptation de surrisques
prouvés, - Ne prend pas en compte le problème des
médicaments psycho-actifs
40Le choix de laltération de la capacité de
conduire ( impairment approach )
- Avantages
- Approche sélective évitant de nombreuses
recherches inutiles, - Coût plus réduit en personnel et en matériel
permettant un usage plus pertinent des moyens
alloués à la sécurité routière
- Inconvénients
- Sensibilité faible de la méthode. Le risque peut
exister en labsence de signes - Nécessité dune formation spécifique des
personnels
41Le choix dun niveau de risque fondé sur
lépidémiologie
- Avantages
- Objectivité génératrice déquité,
- Possibilité de fixer de façon cohérente les
sanctions, en fonction des niveaux de risques que
lusager fait courir à des tiers, - Permet de fixer le niveau de risque à une valeur
plus basse quavec une méthode évaluant
laltération de la conduite
- Inconvénients
- Difficulté de préciser le niveau de surrisque en
fonction des produits et de leurs modes de
consommation - Coût élevé de la recherche systématique si elle
est faite en milieu médical (en personnel de
police et de gendarmerie)
42Les problèmes posés par la proposition de loi en
cours de discussion
- Un problème de cohérence dans la prise en compte
du risque routier. La sanction spécifique prévue
nest pas équivalente avec celle appliquée en cas
de conduite sous linfluence de lalcool
(contravention entre 0,50 et 0,80 g/l, ce qui
correspond à un surrisque compris entre 2 et 4), - Un problème majeur dapplication avec les
techniques de dépistage actuellement utilisées en
France (coût en personnel).
43La recherche médicalisée de stupéfiants double
les effectifs en intervention sur un accident
- Une équipe fait le travail habituel
- Sécurisation,
- Déplacement des véhicules, appel aux garagistes,
- Surveillance de la remise en état des lieux,
- Recueil des données pour lenquête
- Une seconde équipe
- emmène tous les impliqués indemnes en milieu
médical, le plus souvent à lhôpital, - il faut également suivre les blessés qui peuvent
être hospitalisés à des endroits différents, - Attente (elle est importante du fait de la
surcharge des services durgence), pratique des
tests, éventuellement des prises de sang
44Conclusions
- Il faut regarder au delà de nos frontières, aucun
pays ne sest doté dune loi analogue à celle qui
est en discussion devant le Parlement, - Si lon veut utiliser au mieux le travail des
policiers et des gendarmes, il faut utiliser les
tests recherchant la présence de stupéfiants dans
la sueur et dans la salive, même au prix dune
sensibilité plus faible, - Il faut conserver une cohérence entre les niveaux
de risque documentés et les sanctions.