Title: TESTS GENETIQUES ET ASSURANCES
1TESTS GENETIQUES ET ASSURANCES aspects
éthiques, juridiques et sociaux.Christian BYK,
magistrat, Secrétaire général, Association
internationale droit, éthique et science,Ancien
conseiller pour la bioéthique du Secrétaire
général du Conseil de lEurope.
2INTRODUCTION
- Poser la question des tests génétiques au regard
des assurances, cest évoquer le mariage de
leau et du feu - Si la rencontre entre les deux techniques parait
si sulfureuse, cest que la première a la vertu
de prévoir lavenir quand la seconde vit de
lincertitude - La crainte est dautant plus grande que les
risques soumis à ce mariage concernent la
maladie, linvalidité, la dépendance et le décès.
3INTRODUCTION
- Pour savoir
- Jusquà quel point des fondements éthiques et
juridiques de notre organisation sociale peuvent
se trouver affectés par cette synergie
diabolique. - Il convient de nous interroger sur
- Ce que nous attendons de lassurance par rapport
aux risques évoqués.
4LASSURANCE et les RISQUES en SANTE ou le MARIAGE
de lEAU et du FEU ?
- La sociologie des risques concernées
- Philosophie de lassurance et mécanisme de
transfert des risques évolution ou
déstabilisation ?
5 La spécificité des risques liés à la santé
- La maladie, linvalidité, la dépendance et le
décès constituent le cœur de la protection
sociale fondée sur les principes dégalité
daccès aux soins, de qualité et de solidarité. - Les risques liés à la santé subissent le poids
des évolutions (vieillissement de la population ,
transformation des pratiques ) - le rôle de la médecine ne se limite plus à
traiter un patient elle permet aujourdhui de
déplacer les frontières de la vie. - Peut-on alors considérer que cette évolution
naffecte pas la raison dêtre de la couverture
des risques santé ?
6 La pesée des risques au regard de leur
individualisation
- Protéger lassuré (le travailleur) contre les
risques maladie, invalidité, dépendance et décès,
cela visait initialement à garantir que lui et sa
famille ne souffriraient pas dun manque de
ressources du fait de son éviction du marché du
travail. Dans ce contexte, le travailleur était
au centre de la protection. - Les transformations du marché du travail ont
conduit à sinterroger sur une individualisation
du droit à la protection sociale. - Si le modèle français a choisi détendre, au nom
du principe dégalité, les droits dérivés aux
nouvelles formes de cohabitation,
lindividualisation des droits en matière de
protection sociale semblait plutôt être un
objectif européen.
7La pesée des risques au regard de leur
individualisation
- Mais cet objectif sest heurté à la complexité et
à la diversité des systèmes nationaux existant. - Une autre forme dindividualisation est apparue
et vise à faire reposer la maîtrise du risque
santé sur une meilleure connaissance et gestion
des risques individuels - Le développement de lusage des tests génétiques
permettrait alors un suivi personnalisé pouvant
savérer bénéfique pour la santé de lindividu
et la gestion du système . - Ces nouvelles pratiques, qui isoleraient les
individus les plus coûteux , seraient-elles
susceptibles d affecter le principe de
solidarité ?
8 PHILOSOPHIE de lASSURANCE etMECANISMES de
TRANSFERT des RISQUES
- Assurances sociales versus assurance privée
- Qui des assurances sociales ou de lassurance
privée va subir le plus fortement cette emprise
de lindividualisation?
9 Assurances sociales versus assurance privée
les limites de la solidarité
- En théorie, la réponse ne sera pas la même
suivant que les risques sont soumis à un régime
de couverture obligatoire ou non. Alors que le
premier est exclusivement construit sur la
solidarité , le second suppose une sélection
des risques. - En réalité, deux raisons mettent en lumière une
possible déstabilisation des régimes de
protection sociale.
10 Assurances sociales versus assurance privée
les limites de la solidarité
- La première tient au coût des tests génétiques.
Ainsi, en France, face au constat de précarité de
leur financement , la loi du 9 août 2004,
relative à la politique de santé publique, a fait
des maladies rares, à 80 dorigine génétique,
une priorité. Mais cet objectif restera
inévitablement ciblé. - La seconde raison tient à lautonomie laissée aux
assurés dans les stratégies de santé et postule
que la totalité du coût de la dépendance ne
saurait reposer uniquement sur la solidarité
nationale
11Assurances sociales versus assurance privée les
limites de la solidarité
- Les personnes concernées seraient incitées à
connaître leurs risques et à prendre des
dispositions pour les garantir. - Quelles seraient alors la part de lépargne
personnelle et celle de lassurance privée ? - Cette participation personnelle prend en compte
la relation entre vieillissement et dépendance
et celle entre espérance de vie et catégories
socioprofessionnelles .
12Assurances sociales versus assurance privée les
limites de la solidarité
- Le risque détablissement dun profil individuel
de santé est moins dans lexclusion de laccès
aux soins que dans une obligation de soins au nom
dune plus grande efficience du système de
santé. - Il peut aussi être dans une meilleure distinction
entre les vrais risques, graves, décelés par la
génétique, et d autres ,aux origines douteuses,
dont le traitement serait motivé par le désir ou
le comportement du patient -consommateur . - Dans cette logique, on doit se demander si tous
les risques valent la peine dêtre assurés et de
quelle manière ?
13Individualisation versus mutualisation changer
les techniques de gestion pour mieux assurer ?
- La couverture des risques santé par des
régimes complémentaires aux assurances
sociales - Lassurance privée repose, par essence, sur une
connaissance et une sélection des risques. - Les tests génétiques ne bouleversent donc pas, a
priori, léconomie du contrat dassurances. Ils
apportent, cependant, une nouvelle méthode de
connaissance des risques.
14Individualisation versus mutualisation changer
les techniques de gestion pour mieux assurer ?
- Jusquaux années 1980, les assureurs se
référaient essentiellement à des éléments
objectifs généraux (tables de mortalité, enquête
de cohortes). - Dans la réalité, pour la quasi-totalité des
risques, leur sélection était limitée pour des
raisons de facilité et de coût et se faisait par
une mutualisation. - Lapparition de deux phénomènes, lun économique
et lautre social, va changer la donne de cette
approche classique.
15Individualisation versus mutualisation changer
les techniques de gestion pour mieux assurer ?
- Lévènement économique réside dans lextension au
domaine des assurances du modèle libéral . Les
assureurs vont faire prévaloir la nécessité de
classer les risques par familles , les risques
plus coûteux donnant lieu à des surprimes. - Dès lors que laccroissement des dépenses de
santé est lié à des comportements
volontairement à risque, nest-il pas plus juste
de faire payer à lassuré le prix de son risque
personnel ? - Lassurabilité des risques serait même accrue par
ce système dans la mesure où il réintègre ,par la
création de produits dassurances ciblés les
comportements à risque exclus de la garantie dans
le cadre de la technique de mutualisation.
16Individualisation versus mutualisation changer
les techniques de gestion pour mieux assurer ?
- Laspect sociopolitique le débat public sur le
danger dexclusion sociale ,apparu avec le sida,
a mis en avant la nécessité de solutions
concrètes pour permettre une couverture
équitable des risques. - Conclusion Lévolution de la perception
sociale du risque et de sa prise en charge
change-t-elle, cependant, radicalement avec
laccroissement de lindividualisation des
risques lié à lemploi des tests génétiques ?
17LES TESTS GENETIQUES FACTEUR dEXCLUSION ou de
MEILLEURE ASSURABILITE ?
- Linformation sur le risque est-il loyal
dutiliser des tests génétiques à des fins
dassurances en santé ? - Existe-t-il un droit à lassurance ?
18LES TESTS GENETIQUES FACTEUR dEXCLUSION ou de
MEILLEURE ASSURABILITE ?
- Dans quelle mesure les tests génétiques, qui
apportent une information sur les risques mais
aussi les prédispositions, contribuent-ils à
fournir une information loyale ? - Faut-il délaisser le rôle central de
linformation dans la relation assureur assuré
pour faire prévaloir, au nom dune égalité
absolue, un droit à lassurance ?
19EST-IL LOYAL dUTILISER des TESTS GENETIQUES à
des FINS dASSURANCES en SANTE ?
- . La loyauté implique que lassuré fournisse des
informations sans rien omettre ou retrancher qui
puisse fausser lopinion que lassureur pourra se
faire du risque. - Loutil particulier que constituent les tests
génétiques ne risque-t-il pas de porter atteinte
à des valeurs sociales prééminentes la
protection de la vie privée, la prohibition de la
discrimination- ? - Réglementé par des dispositions dordre public
protectrices de lassuré, le contrat dassurances
ne justifie-t-il pas alors un encadrement encore
plus rigoureux dans un domaine aussi sensible que
la santé ?
20La discrimination liée aux tests génétiques
est-elle une réalité?
- Au regard du mécanisme de catégorisation des
risques, les tests génétiques se distinguent en
permettant daffiner lanalyse du risque jusquà
lindividualisation. - L exclusion de certains risques, que le droit ne
considère pas comme une discrimination, parce que
la certitude de loccurrence dun risque met à
néant la logique assurantielle, doit-elle alors
être compensée par des mesures protectrices de
lassuré et lesquelles ?
21La discrimination liée aux tests génétiques
est-elle une réalité?
- Une première mesure consiste à nautoriser la
transmission dinformations dordre génétique que
si celles-ci ont une incidence réelle et
mesurable sur la gestion du risque. - Une seconde mesure vise à lui interdire de
solliciter la réalisation de tests génétiques
sans pour autant lempêcher de demander à
lassuré les informations en sa possession mais
établies à dautres fins. - Peut-on aller au-delà et laisser à lassuré le
soin de ne pas livrer des informations quil
connaît, voire mentir sur celles-ci parce quil
sagit de données dordre génétique?
22 le droit de se taire, de mentir, peut-il être
reconnu ?
-
- Les données génétiques humaines ne devraient
pas être communiqués ni rendus accessibles à des
tiers, en particulier des employeurs, des
compagnies d'assurance . - ( Déclaration internationale sur la protection
des données génétiques, 2003). - Ce texte nayant pas valeur juridique
contraignante et étant démenti par de nombreux
droits internes, il convient de poser la question
dune manière moins absolue. - Cest ce que fait la Convention d Oviedo, dont
lart.12 interdit de réaliser des tests
génétiques à des fins autres que médicales mais
non léventuelle communication du résultat à des
tiers.
23le droit de se taire, de mentir, peut-il être
reconnu ?
- Lexercice du droit de ne pas savoir (art 10.2 de
la Convention) sopposerait-il alors à ce que
lassureur reproche à lassuré de ne pas lui
avoir communiqué une information utile à
lévaluation du risque ? - La réponse doit être affirmative dans la mesure
où la personne nayant pas connaissance de
linformation utile à lassureur, il ny a pas
dasymétrie dans linformation.
24EXISTE-T-IL un DROIT à lASSURANCE?
- Quelle est la place de lassurance santé entre
logique dintégration sociale et logique
defficience du système pour le plus grand
nombre ?
25 lassurance santé et le contrat social
-
- En contribuant à une meilleure information sur le
risque, les tests génétiques ne sapent-ils pas
lidée même dassurances ? - Pourquoi les individus qualifiés de bons
risques génétiques accepteraient-ils
queux-mêmes et leur descendance soient condamnés
à payer pour les mauvais risques ? - La solidarité, qui est la clé de voûte du système
de protection sociale de lEtat providence, ne
risque-t-elle pas dy succomber ?
26lassurance santé et le contrat social
- Lassurance privée pourrait-elle compenser ce
déficit ? - Certains économistes suggèrent lidée dune
assurance collective semblable à celle qui couvre
les catastrophes naturelles. - Elle naurait pas besoin de faire appel à la
solidarité sauf à démontrer quil existerait une
forte dépendance entre risques génétiques et
caractéristiques socio-économiques. - Dans ce schéma, le droit à lassurance
rejoindrait lobligation de sassurer.
27lassurance santé et le contrat social
- Une autre démarche viserait à renforcer la
dimension de solidarité du contrat social . - lart.3 de la Convention dOviedo sur laccès
équitable aux soins et lart.14 de la Déclaration
universelle sur la bioéthique, relatif à la
solidarité sociale et à la santé, justifient
dimposer lidée que les risques génétiques en
santé soient uniquement couverts dans le cadre
dun système de protection sociale et non dans le
cadre de lassurance privée. - Cest un choix qui relève dun postulat éthique
et politique. - Il ne saurait cependant être sans limite.
28les nouvelles limites du droit à lassurance
en matière de santé
- Limites économiques en quoi les tests
génétiques peuvent-ils être utiles ? - La réalisation de tests génétiques peut savérer
financièrement disproportionnée. - Sans tests génétiques, il y aura ignorance
symétrique et lassurance sera uniforme alors
quavec les tests génétiques, la prime des
mauvais risques peut être prohibitive, voire être
égale au coût du traitement si le test révèle que
la maladie est certaine.
29les nouvelles limites du droit à lassurance
en matière de santé
- Limites fondées sur la responsabilisation du
citoyen consommateur -
- Le dépistage des maladies génétiques peut être
envisagé lorsque existe un traitement préventif.
La démarche doit restée prudente car Il y a un
risque de glisser du dépistage à la
stigmatisation. - Peut-on attendre plus deffet dun changement des
comportements individuels (modes alimentaires,
habitudes addictives ou comportementales) ? - Oui si lon se donne les moyens de sensibiliser
les individus mais aussi de sanctionner (par
linterdiction de la publicité ou des taxes
santé) les produits et ceux qui les
commercialisent sans souci préventif de la santé
du consommateur.
30CONCLUSION GENERALE
- Comment lassurance dans le domaine des risques
liés à la santé peut-elle restée un enjeu
collectif dans un système qui favorise une plus
grande prise en compte des situations
individuelles ? - Les tests génétiques doivent-ils faire lobjet
dune appréhension particulière dans le domaine
de lassurance santé et à quelles fins ? - Convient-il de maintenir le principe de
solidarité sociale ou faut-il ouvrir les risques
liés à la santé à un régime dautonomie
contrôlée ? - Comment conjuguer efficacité du système et
équité ?
31CONCLUSION GENERALE
- Les tests génétiques sont une bonne chose si le
ciment social est suffisamment solide, mais ils
sont à déplorer si la société est de plus en plus
réticente à la solidarité . - jai la conviction que lavenir de lEurope
repose sur la volonté de poursuivre dans la voie
de la solidarité - Pierre Pestiau, Pour ou contre les tests
génétiques ? Un point de vue déconomiste.