Title:
1   La Suisse jugée réfugiés à la
frontière, droit dasile, image de la
Confédération Table ronde organisée par les
Archives dEtat tessinoises, Bellinzone, 1er mars
2007Bref exposé de Jean-Christian
Lambelet,professeur honoraire, Université de
Lausanne
2Plan de lexposé
1. Les faits2. Interprétation etjugement3.
Nouvelles données pour la frontière sud ?
31. LES FAITSUn fait central
limportance de la Suisse en EuropeQuestion que
jaimerais vous poser Quelle était à lépoque
la population de la Suisse en de celle des pays
voisins (Italie France  Reich Allemagne
Autriche) ?
4 Réponse environ3
!gt Donne une première idée de ce que le pays
pouvait faire et ne pas faire dans ce gigantesque
maelström qua été la Deuxième Guerre
mondiale.Venons-en à la politique suisse envers
les réfugiés pendant cette guerre.
5 Chiffres et statistiques- Réfugiés civils
 illégaux (sans militaires, réfugiés
clandestins, etc.) accueillis et enre-gistrés en
Suisse pendant la guerre 51100- Dont
21300 de religion ou dorigine juive( 42)
peut-être un peu plus- Personnes refoulées à la
frontière (? refou-lements) - 10000 selon
Ludwig (1957) - 25000 ou 30000 selon
Koller (1996)
6 Taux moyen (ou chance
moyenne) dadmission- Si Ludwig 84
51100/(5110010Â 000) gt Sur 10 candidats
civils  illégaux à lasile, entre
8 et 9 ont été admis- Si Koller 63
51100/(5110030000) 67
51100/(5110025000) gt environ 2 personnes
sur trois
7 Ludwig ou Koller
?Graves doutes au sujet des chiffres de Koller
1/ Aux données nominatives de Ludwig, Koller a
ajouté lexcédent des annonces  anonymesÂ
(souvent par téléphone) trouvées dans les
archives.2/ Or, dès août 1942 ( début de la
période cruciale), les garde-frontières et autres
ont reçu lordre - lordre ! - denregistrer les
noms de toutes les personnes refoulées.
83/ Aucun doute quil y a eu quelques
refoule-ments non enregistrés ( sauvages ).
Mais peut-on vraiment croire que lordre
denregis-trer tous les refoulements a été violé
aussi massivement ? Soit 15000 violations contre
10000 enregistrements ?4/ Des recherches
(Flückiger, Fivaz) dans les archives genevoises
encore complètes indi-quent un taux moyen
dadmission denviron 85, comme pour Ludwig !
(NB. Genève 40 des admissions pendant la
guerre).
95/ Examen détaillé des chiffres de
Koller sur 15000 refoulements anonymes et
supplémen-taires, un peu plus de 10000
concernent la période sept. 1943-mars 1944. (NB
un seul chiffre global pour octobre 43 Ã mars
44). Soit la période où cest la frontière sud
qui était  en première ligne , avec des
conditions très chaotiques, surtout vers le début
! La plupart des autres refoulements anonymes et
supplé-mentaires de Koller concernent aussi des
périodes  agitées 07/08.1944 (combats à la
frontière) 04.1945 (fin de la guerre)
106/ Mon hypothèse les refoulements
supplé-mentaires, anonymes et téléphoniques de
Kol-ler concernent probablement surtout des
mili-taires (vrais ou faux), des déserteurs, des
ré-fractaires à larmée de Salò, des habitants
plus ou moins affolés des régions frontalières,
etc.Cest-à -dire pas des réfugiés au sens où on
lentend dans les discussions sur la
question.Conclusion en rester au chiffre de
Ludwig gt 10000 refoulés
117/ Il nest même pas sûr que les 10000
re-foulés nominatifs de Ludwig représentent un
minimum absolu. Pourquoi ? Parce quil y a très
bien pu y avoir des  doubles compta-ges dans
le fichier des noms en raison de changements
didentité lors de tentatives dentrée multiples
(il y avait alors une petite industrie pour les
faux papiers).8/ Quid des candidats à lasile
de religion ou dorigine juive ? Selon les
recherches gene-voises, leur taux moyen
dadmission a été de plus de 90 - plus que la
moyenne générale!
122. Interprétation etjugementDes taux
dadmission denviron 85 en moyenne générale et
de 90 pour les réfu-giés de religion ou
dorigine juive sont quand même plus proches de
100 que de 0 !gt La Suisse aurait
certainement pu être beaucoup moins ouverte et
généreuse quelle la été dans la réalité des
faits.La vraie question est dès lors
aurait-elle pu et dû être encore plus ouverte et
généreuse ?
13A cette question hypothétique, il ny aura
bien entendu jamais de réponse assurée. Mon avis
est quil nest pas sûr du tout que la Suisse
aurait pu être encore plus ouverte et généreuse
gt voir plus loin.Auparavant, une autre
question comment se fait-il, dès lors, que
limage de la politique suisse envers les
réfugiés pendant la guerre soit généralement si
mauvaise dans le public ?
14A cet égard, il convient de faire une
dis-tinction absolument centrale, celle entre
- La pratique suisse envers les réfugiés,
la-quelle a été fort généreuse en réalité, comme
on vient de le voir - Le  discours officielÂ
(déclarations pu-bliques,  signaux envoyés par
les autori-tés), lequel discours a été
généralement dur et dissuasif, sauf vers la fin
de la guerre.Cest ce  discours qui est à la
base de la mauvaise image de la politique suisse
envers les réfugiés. Devait-il donc être aussi
dur ?
15Interprétation le discours officiel devait être
dur et dissuasif. Pourquoi ?Constat en
Europe, il y avait alors des millions de réfugiés
 potentiels prison-niers de guerre et
travailleurs esclaves en Allemagne (plusieurs
millions), résistants, travailleurs du STO en
France, etc., etc.Si la frontière suisse avait
été entièrement ouverte, il y aurait eu un afflux
de réfugiés absolument non maîtrisable pour un si
petit pays.Un exemple en France, 170000
étrangers indésirables (surtout des Espagnols
républi-
16cains) que Vichy  encourageait Ã
émigrer. Si frontière ouverte, aucun doute quils
auraient été  dumpés en Suisse.Les autorités
navaient donc pas dautre choix que denvoyer
des  signaux dissuasifs, sauf vers la fin de
la guerre.En même temps, la politique sur le
terrain a été floue gt consignes souvent vagues
et beaucoup de latitude laissée aux
exécutants.Résultat certains exécutants ont
été compré-hensifs, dautres ont été durs. Les
chiffres montrent que les premiers plus
nombreux.
17Cette  tension entre pratique sur le
terrain et discours officiel na pas résulté
dune politique concertée et voulue, mais sest
mise en place spontanément, par
tâtonnements.Toutefois, un indice que certains
en étaient conscients en août 1942, au moment
même de son discours sur la  barque pleine , le
Conseiller fédéral von Steiger dit au chef de
larrondissement territorial de Genève
dappliquer souplement la ligne officielle,
particulièrement envers les réfugiés juifs.
18La Suisse aurait-elle pu être encore plus
ouverte et généreuse ?Pas sûr du tout, pour la
raison illustrée par ce graphique
19A moins douvrir entièrement la frontière,
hy-pothèse que personne ne défend, un certain
nombre de refoulements était hélas
inévitable.Aurait-il été possible dadmettre
toutes les personnes en danger de mort (pas
seulement les Juifs) ? Problème qui était
vraiment en danger de mort ?Admettre tous les
Juifs (Serge Klarsfeld) ?Sorry, mais une vie
humaine est une vie humaine, quelle soit juive
ou non.
20 Conclusion généraleAu lieu daccuser sans
cesse la Suisse en raison de sa politique envers
les réfugiés, on ferait peut-être mieux de lui
dire  Merci! La plupart dentre nous se
sentent profondé-ment coupables lorsquils
pensent au génocide du peuple juif. En réalité
la Suisse na rien eu à voir - rien du tout ! -
avec la genèse et lexécution de lHolocauste.
Dans la mesure de ses modestes moyens, elle a au
contraire contribué à en atténuer les
conséquences.
213. Nouvelles données pour la frontière sud
?Pour le moment, avec ce que jai reçu et vu,
une seule nouvelle information pertinente Au
poste frontière de Pugerna-Caprino ( très petit
échantillon), le taux dadmission des réfugiés
juifs a été de 80 en septembre-décembre 1943.
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