Title: Illusion du nombre dans les sciences humaines
1Illusion du nombre dans les sciences humaines
mesures dopinion et sondages
- Thierry Foucart, UMR 6086, Département
Mathématiques, SP2MI, Université de Poitiers
- Il nest pas bon que le pouvoir dobserver se
développe plus vite que lart dinterpréter
(Alain)
2Sciences de la nature et sciences humaines
- les sciences humaines en France ont longtemps
vécu avec un modèle en surplomb, celui de la
physique mécanique, qui, par ses lois et son
usage de la causalité, semblait représenter la
quintessence de la scientificité, en réalisant
une coupure radicale avec les humanités
classiques. (F. Dosse) - Auguste Comte et Emile Durkheim ont admis ce
que Spencer a toujours refusé lexistence dans
la société dun organe comparable au cerveau,
dune conscience collective bâtie sur le modèle
de la conscience individuelle (M. Dubois)
3Evolution
- en tout cas, le fossé se creuse dans les années
1970 entre deux formes de science sociale. La
première remet en question de plus en plus
profondément ses catégories, ses outils et ses
fondements, tandis que la seconde évolue au
contraire vers l'empirisme de plus en plus
radical de l'analyse des données. La première
adopte donc de plus en plus nettement une
attitude critique vis à vis du pouvoir détat,
tandis que la seconde est au contraire de plus en
plus associée aux demandes des administrations....
(H. Le Bras)
4La démarche scientifique dans les sciences de
lhomme et de la société
5La démarche scientifique dans les sciences de
lhomme et de la société (I)
Cheval blanc (Gauguin)
http//www.artyst.net/G/Gauguin19/GauguinChevalbla
ncG.htm
- Reproduction fidèle par les techniques des
sciences de la nature - Aucune interprétation de loeuvre
6La démarche scientifique dans les sciences de
lhomme et de la société(II)
Cheval blanc (Gauguin)
http//www.artyst.net/G/Gauguin19/GauguinChevalbla
ncG.htm
- Cheval vert objectivisme
- Cheval blanc subjectivisme
7Quantification et sciences sociales
8Quantification et sciences sociales (I)
- Quantification de lensemble des activités
humaines perte de laspect relationnel,
affectif - Objectivité apparente du chiffre pauvreté de
linformation limitée à la valeur faciale du fait
observé - Classification subjectivité collective.
9Quantification et sciences sociales (II)
- Lanxiété que suscitent les chiffres chez les
commentateurs non scientifiques (S.J. Gould) - Les chiffres ne sont finalement que des
indications produites par la société sur
elle-même.
10Linterprétation des résultats statistiques
11Linterprétation des résultats statistiques (I)
- Dans une enquête, linterprétation dun
pourcentage nécessite une connaissance de la
société dans laquelle il a été établi et de la
position sociale et culturelle des personnes qui
ont répondu. - La plupart des statistiques économiques et
sociales ne sont comparables aux valeurs des
années précédentes que si les conditions dans
lesquelles elles sont établies nont pas changé,
ce qui nest pas le cas en général.
12Linterprétation des résultats statistiques (II)
- Le chercheur est lui-même impliqué dans le fait
observé et doit l objectiver .
Linterprétation repose sur son aptitude à
comprendre sans juger. - Les mots sont, on la dit, autant les objets
que les instruments des conflits idéologiques et
politiques. Cest pourquoi ils sont,
volontairement ou non, utilisés de manière
équivoque. (Dominique Schnapper). - Théorème de Hume on ne peut inférer des
conclusions normatives à partir de prémisses
descriptives.
13Linterprétation des graphiques
14Linterprétation des graphiques (I)
- Nombre de tués sur les routes et mesures de
sécurité routières
15Linterprétation des graphiques (II)
- Les graphiques ne sont pas construits pour
expliquer et convaincre, mais pour illustrer et
persuader. - Une relation statistique reste une coïncidence
tant quelle nest pas expliquée indépendamment
des chiffres. - Cette explication relève du champ scientifique
dans lequel se trouve le fait observé.
16Modélisation mathématique
17Modèles (I)
- Modèle de Spearman
- (1) j f(g,s) (lactivité cognitive j dépend
dun facteur général g et dun facteur spécifique
s) - (2) r 0 (indépendance des facteurs)
- (3) z a g b s ( mesure de lactivité
cognitive j)
- Modèle linéaire
- Vote a b x sexe c x âge d x sitfam e x
conj
18Modèles (II)
- Hypothèses concernant la réalité observée.
Exemples facteurs général g et spécifique s,
toutes choses égales par ailleurs - Hypothèses mathématiques dautant plus fortes et
nécessaires quon ignore la réalité. - Un modèle nest jamais vrai, seulement
acceptable et toujours faux. - Il sert à simplifier la réalité pour la rendre
intelligible.
19Lanalyse empirique des données
20Lanalyse empirique des données (I)
- Des données nombreuses donnent une meilleure
approximation de la réalité quun modèle - La pléthore dinformations peut étouffer la
pensée (Edgar Morin) complexité de la réalité
humaine et sociale. - Représenter un fait social le plus exactement
possible risque de le rendre inintelligible et
den faire perdre le sens
21Lanalyse empirique des données (II)
- Labsence apparente de modèle nempêche pas la
subjectivité. - Cette suprématie de la statistique va trop
souvent conduire à privilégier linstrument par
rapport à lobjet. Cest alors la technologie qui
commande la problématique on fera une analyse
factorielle sur tel ensemble de données plutôt
que détudier tel problème en utilisant lanalyse
factorielle. (Daniel Derivry) - Voir dans lanalyse empirique des données une
évaluation objective et complète des données
observées est une illusion scientiste favorisée
par la nature de la démarche.
22Les limites des méthodes
23Les limites des méthodes (I)
- La statistique ne donne jamais de réponse sûre.
- Un dépouillement denquête peut indiquer une
liaison qui nexiste pas ou cacher une liaison
qui existe. - Le modèle linéaire nest pas neutre dans la
recherche dun effet propre.Vote a b x sexe
c x âge d x sitfam e x conj
24Les limites des méthodes (II)
- Limitation des résultats dune enquête à la
population dont est issu léchantillon. - Réfutation difficile dune théorie en sciences de
lhomme et de la société. Seule validation
possible rationalité du raisonnement et des
procédures statistiques. - Lincertitude dans les résultats et la
subjectivité dans les interprétations et les
idées de départ sont la règle, même lorsque les
études sont menées correctement.
25Quelques réflexions
- La mesure rend possibles deux types de
comparaisons 1) une même activité pratiquée
par deux personnes2) deux activités pratiquées
par une même personne. - La mesure quantitative permet toujours de mener
ces comparaisons dès que lune na pas de sens,
les mesures quantitatives non plus. - Multiplication des caractères inutile et
illusoire.
26Trois analyses
27Adoption par des couples homosexuels
- Nous avons abordé ce sujet encore tabou en
France comme des explorateurs, en dehors de tout
a priori scientifique, social ou culturel, avec
la plus grande rigueur méthodologique possible
(Bouvard) - Échantillon très petit 58 couples
- Totalement biaisé tous membres dune
association impliquée et de bon niveau
socio-économique. - Aucune évaluation qualitative les médecins
nont pas vu les enfants.
28ENVEFF
- Questionnaire très long administré par téléphone.
- Échantillon constitué uniquement de femmes.
- Victimisation des femmes et criminalisation des
hommes. - Commanditaire officiel impliqué.
29The bell curve
- Murray et Herrnstein prétendent apporter une
preuve scientifique de linfériorité de certaines
races humaines sur dautres toutes choses
égales par ailleurs . - Le raisonnement peut être inversé cette
hiérarchie toutes choses égales par ailleurs
nest-elle pas la preuve dune société raciste,
de la même façon quon peut la considérer comme
sexiste ? - Les statistiques ne donnent aucune indication sur
le raisonnement à tenir, dont la conclusion
dépend des idées de départ.
30Ministère de léducation nationale
31Ministère de léducation nationale (I)
- Les objectifs quantitatifs dissocient la mesure
quantitative et lévaluation qualitative (dictées
des brevets).
32Dictée du brevet Paris 1973
- Pendant toute la durée du spectacle, Svétlana
douta de ses yeux et de son intelligence. Il y
avait trop de merveilles à voir, et elles se
succédaient à un rythme trop accéléré pour quil
fût possible de les apprécier au passage. Des
pitres au museau enfariné et aux tuniques
éclaboussées détoiles déchaînaient le rire
énorme de la foule par une explosion de claques,
de coups de pied au derrière et de cabrioles
élastiques. Puis cétaient des rugissements de
fauves, et un ours savant se tenait en équilibre
sur une boule, tandis quautour de lui les fouets
claquaient comme des pétards. Des ballerines en
paillettes bleues chevauchaient de nobles
coursiers aux crinières de soie, des adolescents
aux maillots roses construisaient une pyramide de
bras et de jambes qui sécroulaient soudain, et
ils se retrouvaient au complet, lun à côté de
lautre, souriants, moustachus, avec des joues de
porcelaine et des yeux de diamants. Et, de
nouveau, accouraient les clowns dans leurs habits
trop larges. - Henri Troyat, Tant que la terre durera.
- Écrire au tableau Svétlana.
33Dictée du brevet des collèges 2000
- Pourtant, il avait un père et une mère. Mais son
père ne pensait pas à lui et sa mère ne l'aimait
point. C'était un de ces enfants dignes de pitié
entre tous qui ont un père et une mère et qui
sont orphelins. Il n'avait pas de gîte, pas de
pain, pas de feu, pas d'amour mais il était
joyeux parce qu'il était libre.Victor Hugo, Les
Misérables
34barème officiel
- 13,5 sur 20 à la copie suivante
- Pour temps il avais un paire est une mer. Mais
son pair ne pensé pas à lui et sa maire ne
l'aimait poing. c'étaient un de ses enfants
dinieux de pitié antre tous ki on perd et mêre
ait qui sont orphelins. Ils n'avaie pas deux
gîte, pas de pin, pas de feus, pas d'amoure
mais ile était joiieu parce qu'il été libres.
35Ministère de léducation nationale (II)
- Lobservation de cohortes revient à considérer
les élèves comme des objets tous identiques et à
évaluer lefficacité dune mesure pédagogique
comme celle dun engrais.
36Ministère de léducation nationale (III)
- Plus on redouble tôt, moins on a de chances
de faire des études longues plus on est
faible, moins on est fort. - Toutes les études montrent quun redoublement
au CP équivaut à une véritable condamnation. En
effet, neuf redoublants du cours préparatoire sur
10 natteignent pas le niveau du bac, et quatre
dentre eux subissent un nouvel échec, avant même
lentrée en sixième. Faisons redoubler les
meilleurs !
37Ministère de léducation nationale (IV)
- 103 binômes (redoublant, non redoublant)
- Contradiction dans lhypothèse toutes choses
égales par ailleurs. - dans 90 cas sur 103, les performances des
élèves faibles promus en CE1 étaient
significativement meilleures que celles de leurs
camarades maintenus en CP - Il est vain de chercher par la statistique à
contrôler la validité de décisions individuelles.
38Alors, statistique ou pas statistique?
39Alors, statistique ou pas statistique ? (I)
- Quand la statistique nest pas fondée sur des
calculs rigoureusement vrais, elle égare au lieu
de diriger. Lesprit se laisse prendre aisément
aux faux airs dexactitude quelle conserve
jusque dans ses écarts, et il se repose sans
trouble sur des erreurs quon revêt à ses yeux
des formes mathématiques de la vérité.
Abandonnons donc les chiffres, et tâchons de
trouver nos preuves ailleurs. . (Tocqueville )
40Alors, statistique ou pas statistique? (II)
- Les chiffres, les modèles et lanalyse empirique
des données sont des outils puissants pour
décrire les sociétés modernes - les formes mathématiques utilisées dans les
sciences sociales sont un langage commode pour
exprimer des relations et propriétés difficles à
expiciter en français. - Lusage de méthodes quantitatives puissantes
augmente le besoin dune réflexion préalable et
critique sur la réalité observée et sur le sens
de la quantification des faits que ces méthodes
nécessitent.
41Paradoxe de linformatisation de la société
- La force mécanique a remplacé la force humaine,
mais il est plus difficile de conduire un
tracteur que de manier une bêche. - Linformatique produit des résultats chiffrés
sans effort, mais cette facilité est contraire au
développement de lesprit critique nécessaire à
leur interprétation.
42Merci de mavoir écouté
- Retrouvez
- Un résumé de la conférence
- La bibliographie
- La présentation powerpoint
- http//iut86-fad.univ-poitiers.fr/StatPC/conferenc
e/conf.htm