Title: Cas cliniques
1Cas cliniques
- Troubles des conduites
- Pr Charles AUSSILLOUX
- Dr Hélène DENIS
- Montpellier, France
2Eric est suivi dans le service depuis lâge de 10
ans. Situation familiale Issu d'une relation
d'adultère Un frère de 4 ans de moins issu
également d'une union illégitime. La mère est
isolée sur le plan social et affectif La
famille est suivie par les services sociaux. Les
conditions socio-économiques sont précaires et
les conditions matérielles de vie sont
déplorables. Eric maintient des contacts
réguliers avec ses grands parents.
3Capacités intellectuelles et difficultés
dapprentissage Dès la première classe du
primaire, Eric est en échec, il est intégré dans
une classe de perfectionnement. Le retard
scolaire est majeur niveau CP/ CE1 Sur le plan
psychologique, QI Total homogène 80, QI
Performance 90 et QI Verbal 78 Dyslexie majeure
4Histoire du trouble A 8 ans, troubles du
comportement à type d'opposition, d'agressivité
verbale essentiellement, d'instabilité
psychomotrice, de transgression des règles,
détresse affective perceptible. La relation
mère/enfant est qualifiée de fusionnelle avec des
discordances éducatives et un cadre peu
contenant, très permissif. Le médecin du service
social préconise un suivi psychothérapique et
éducatif. A 9 ans, Eric est exclus de la classe
de perfectionnement pour des difficultés
relationnelles majeures avec ses pairs, une
agressivité majeure avec violence sur un élève.
Il est alors déscolarisé et placé en famille
d'accueil.
5Histoire de la prise en charge scolaire,
familiale et psychologique Un suivi psychologique
est en place dès qu'il a 8 ans, mais les rendez
vous sont très souvent manqués par la mère.
Diagnostic de troubles des conduites depuis son
entrée à l'école primaire (7 ans). La relation à
la mère est très peu individuée. Il existe un
rapport de force permanent. Les tentatives de
travail avec la maman ont été vaines et stériles.
Lorsqu' il a 10 ans, une évaluation globale a
lieu dans notre service Son niveau scolaire est
faible avec un retard de plus de d'un an. Eric
montre des signes de dépression, une pauvreté des
affects.
6Prise en charge en hospitalisation de jour
Placement social en famille d'accueil Scolarité
dans un établissement médico-social (institution
thérapeutique éducatif pédagogique ou
ITEP) Confié à une famille d'accueil pendant une
année, qui s'arrête du fait de vols répétés au
domicile. Structure collective du secteur social
pendant une année d'où il est exclus pour des
troubles du comportement et des conduites. Le
week end et vacances il y est livré à lui-même,
il retrouve une bande de copains aux
comportements prédélinquants, il participe à des
vols, agressions,
7 Il est confié à l'âge de 12 ans à une autre
famille d 'accueil. Celle-ci s'investie beaucoup
sur le plan éducatif et affectif avec Eric qui
malgré son manque d'expression d'affect respecte
ce qui est mis en place au sein de la maison. Par
contre, des conflits éclatent entre la mère et la
famille d 'accueil, les liens sont tendus ce qui
compliquent les mises en place des week end.
8Evolution En hospitalisation de jour
valorisation et l'amélioration de l'estime de soi
avec un atelier manuel où Eric se montre
intéressé et compétent à partir du moment où il
ne lui est pas demandé de lire ni d'écrire. Eric
investit peu ou pas les séances de psychothérapie
individuelle destinées à verbaliser ses émotions.
Des temps en petit groupe autour d'une activité
ludique sont prévus afin de travailler l'échange
avec ses pairs, les moyens de communication, les
relations interpersonnelles difficiles. L'adhési
on d'Eric aux soins est fluctuante. Globalement,
il est plus à l'aise et réceptif dans les temps
individuels avec un homme. Il rejette toute
activité qui fait appel à ses compétences
scolaires.
9En ITEP très difficile Eric n'adhère à rien et
multiplie les troubles du comportement et des
conduites. Lorsqu'il a plus de 13 ans, Eric
désinvestit toute prise en charge, quelles
qu'elles soient. Il multiplie les passages à
l'acte vols, agressions, dans une attitude
quasi indifférente. La scolarisation est
interrompue, l'hospitalisation de jour
également. La famille d'accueil qui le fait
travailler à son domicile, ce qu'il accepte. Il
est reçu en consultation en individuel et avec la
famille d'accueil. Le contact est bon, il exprime
peu d'affects mais accepte de le travailler.
L'investissement éducatif et affectif de la
famille d'accueil reste bon mais fragile.
10Il reprend brièvement une formation en
apprentissage dans un établissement spécialisé
mais il ne tient pas et produit à nouveau des
passages à l'acte graves il est exclu. La
situation se dégrade aussi dans la famille d
'accueil. A 14 ans, lors d'une audience chez le
juge des enfants, il est décidé qu' Eric soit
confié à sa mère en l'absence d'autre possibilité
de prise en charge à ce moment là. Les services
judiciaires sont seuls en place. Eric revient un
an et demi après, accompagné par un éducateur
judiciaire pour une demande de suivi il a
multiplié les vols, agression, vit dans la rue,
il salcoolise, consomme des produits illicites,
Eric erre alors dans un foyer de jeunes
délinquants sans aucun affect, ni projet
personnel. Il arrêtera de venir aux rendez vous
rapidement. Nous perdons à nouveau sa trace.
11 Dans ce cas, nous navons pas réussi à établir
une véritable alliance thérapeutique avec ce
jeune. Lorsquil était plus en lien, son
investissement était vite bloqué par ces
difficultés dapprentissages et de compréhension.
Labsence total de travail avec la mère a été un
élément de mauvais pronostic. Ce jeune
actuellement âgé de 16 ans entre dans la
catégorie des délinquants. Notre action, bien
que prolongée, na pas pu éviter cette évolution.
12 Caroline est arrivée dans le service en urgence
à lâge de 14 ans pour des troubles du
comportement de type opposition et troubles des
conduites avec des conduites suicidaires. Situat
ion familiale Milieu aisé Père médecin
généraliste Mère infirmière. Sœur de 3 ans
de moins qu'elle qui va bien. On note des
antécédents de troubles de l'humeur dans la
famille (tante et grand oncle).
13Capacités intellectuelles et difficultés
dapprentissage Bilan psychologique WISC III QI
Verbal 101 QI performance 93 QI Total
96 Résultats homogènes Pas de difficulté
d'apprentissage, niveau scolaire moyen avec un
retard d'une demi année par rapport à son âge.
14Histoire du trouble Suivie en consultation par
une pédopsychiatre depuis un an Depuis plus dun
an troubles graves du comportement à type
d'impulsivité, de prises de risque, d'école
buissonnière, de violences physiques avec ses
pairs au collège, d'oppositions majeures à ses
parents, de consommation de cannabis et d'autres
toxiques, de vols et de mensonges. Son arrivée
à l'hôpital est due à une tentative de suicide
qu'elle relie plus à l'envie de tester ses
propres limites qu'à l'envie de mourir. Elle est
alors hospitalisée quelques jours, aucun élément
dépressif n'est observé, elle sort avec une
indication d'hospitalisation de jour de 2 séances
hebdomadaires et un suivi familial rapproché en
consultation.
15La famille rapporte le début des troubles graves
du comportement à plus d'un an avec une
évolution croissante en intensité et en fréquence
des troubles et passages à l'acte. Ils ont
débuté par une chute des résultats scolaires, des
problèmes relationnels avec ses pairs et une
agressivité avec ses parents. La situation
devient très difficile quelques mois après
lorsque Caroline à sa demande change de collège.
Elle finit par être exclue, à être en conflit
permanent avec ses parents et à fuir la maison à
toutes occasions.
16Histoire de la prise en charge scolaire,
familiale et psychologique Etude des relations
familiales Caroline était désignée comme la
honte de la famille par les parents et les
grands-parents du fait de ses difficultés
scolaires présentes depuis longtemps. Secret de
famille lui a été révélé par sa mère peu de temps
avant l'apparition des troubles graves la mère
avait été mariée avant de rencontrer son père,
son mari l'avait trompé juste après le mariage et
elle avait divorcé très rapidement. Caroline
s'est alors engagé dans la recherche effrénée du
premier mari de sa mère afin, dit-elle, de la
venger. Relations mère/fille sont décrites sur
un mode d'attachement insécure
17Prise en charge familiale soutenir les
parents dans leur rôle éducatif faire tiers
dans la relation, (les parents étant parfois à
l'origine de provocation) corriger la
discordance éducative. Le thérapeute essayait de
soutenir à la fois les parents dans leur
difficultés et l'adolescente, faisant à chaque
fin de séance un projet de tâche à réaliser à la
fois dans la demande des parents mais aussi dans
la demande de l'adolescente
18En hospitalisation de jour mettre en place
une alliance Une relation privilégiée a pu être
établie avec une infirmière et ensuite elle a
accepté un temps de psychothérapie en
individuelle hebdomadaire avec la psychologue du
service. Après un mois de prise en charge, nous
avons évoqué en plus du diagnostic de troubles
des conduites, un épisode dépressif et nous avons
prescrit un antidépresseur pendant 3 mois. Son
humeur s'est améliorée, l'impulsivité a régressé.
Travail sur un nouveau projet scolaire, en
faisant accepter aux parents l'idée d'une
scolarité adaptée dans un lycée professionnel en
internat à plus de 100km de chez eux.
19 Mise en place un travail multidisciplinaire avec
l'équipe pédagogique et sociale du lycée. Les
rendez vous familiaux étaient conservés de façon
bimensuelle, la psychothérapie de façon
hebdomadaire. La situation s'est apaisée dans un
premier temps Evolution Au début de son
intégration dans le nouveau lycée avec internat,
tout s'est bien passé. Puis le comportement
s'est à nouveau dégradé de façon progressive et
croissante avec absentéisme, vols, mensonges,
passages à l'acte violents, consommation de
cannabis, d'eau écarlate ou d'alcool. Par contre
les relations familiales sont restées bonnes et
soutenantes.
20Prescription dun traitement par antipsychotique,
elle avait arrêté d'elle même l'antidépresseur
quelques mois auparavant. Le suivi
multidisciplinaire a été laborieux, long et par
moment épuisant. Huit mois après son entrée dans
le service, Caroline va globalement mieux, il y a
beaucoup moins de passages à l'acte, les
résultats scolaires sont moyens mais elle est
acceptée dans une école privée pour faire une
formation d'éducatrice!! Elle a un petit copain.
Les relations avec les parents sont meilleures.
Le suivi s'espace mais la psychothérapie
individuelle et les entretiens familiaux sont
conservés de façon espacé, le traitement par
antipsychotique réduit.
21A la rentrée suivante, elle intègre la nouvelle
structure avec beaucoup d'enthousiasme et
d'ambition. Elle retourne vivre à plein temps
chez ses parents. Ses résultats scolaires sont
très bons. Juste avant Noël, les troubles
réapparaissent. Lors des entretiens, on évalue
l'apparition d'un épisode dépressif franc. Nous
posons alors le diagnostic de trouble bipolaire.
Les parents acceptent avec soulagement ce
diagnostic, Caroline le refuse et ne prend pas de
traitement. Le suivi est actuellement confié à
un psychiatre adulte du fait de son âge.
22 A posteriori, nous faisons donc le diagnostic de
trouble de l'humeur bipolaire ayant mimer un
troubles des conduites pendant 2 ans. Nous
mettons en évidence dans cette situation que le
travail avec la famille a permis qu'on puisse
faire la part des choses entre les conflits
familiaux et la fluctuation de l'humeur de cette
adolescente. Aurions nous eu la même démarche
diagnostique avec une famille moins coopérante?
L'évolution n'aurait-elle pas été alors très
différente?
23 Jean Charles est suivi depuis 3 ans dans le
service pour des troubles du comportement de type
troubles des conduites et d'opposition associées
à des difficultés relationnelles avec sa mère.
Situation familiale Enfant d'origine Tahitienne,
adopté à sa naissance. Sa mère était alors
célibataire (histoire familiale et affective très
douloureuse) Depuis 4 ans, la mère a un
compagnon qui s'entend très bien avec JC. JC
connaît sa famille biologique, il est allé les
rencontrer à l'âge de 8 ans.
24Capacités intellectuelles et difficultés
dapprentissage Aucun trouble spécifique des
apprentissage Test WISC III QI total 112
homogène Histoire du trouble A 3 ans, présente
des troubles du comportement à type d'opposition,
de provocation, de vols et mensonges associés à
des difficultés scolaires. De nombreuses
consultations ont été demandées en pédiatrie, en
neurologie, en psychiatrie. Un traitement par
méthylphénidate a été proposé lorsqu'il avait 8
ans mais il s'est révélé sans effet.
25Lors de son voyage à Tahiti à 8 ans, il s'apaise
et en même temps semble prendre conscience de sa
différences (couleur de peau, difficultés
scolaires, statut d'enfant adopté,). Puis
réapparition des troubles s'opposeà la maison
comme à l'école. Il ne rentre dans aucun
apprentissage. Il est exclus de plusieurs écoles.
Il ment et vole très souvent. Il menace ses pairs
de violence pour obtenir ce qu'il veut. Il peut
fuguer quelques heures de la maison. A 13 ans,
il vient en consultation dans le service des
entretiens avec une psychologue s'organisent
toutes les 2 semaines. L'alliance est bonne, il
explique assez facilement ses affects notamment
au sujet de sa mère (amour/rejet). La mère est
également reçue dans l'objectif de travailler la
relation mère/fils.
26Un projet de réorientation scolaire vers une
structure plus professionnelle permet à JC de
raccrocher la scolarité Reprise de graves
troubles du comportement il est violent à la
maison, menace sa mère, il fait des vols avec
violence avec une bande de copains étiquetés
"délinquants", il ne va plus à l'école.
Placement dans une structure social à temps
complet à la demande de la mère. Il commet à
nouveau des actes violents, des vols, des fugues.
Il menace également de se tuer, s'automutile.
Les relations à la mère sont très tendues et
ambivalentes JC réclamant sa mère et ensuite la
menaçant de violence. La mère avoue avoir peur de
lui et évite les relations duelles. Il est
hospitalisé en urgence suite à plusieurs actes
suicidaires un traitement par antidépresseurs,
antipsychotique et anxiolytiques est prescrit.
27 Histoire de la prise en charge scolaire,
familiale et psychologique Mise en place dune
hospitalisation de jour une fois par semaine Un
temps de psychothérapie avec la psychologue qui
le suivait auparavant Des temps de relation
duelle avec un éducateur référent Quelques
activités valorisantes avec d'autres jeunes. Le
contact est bon, l'alliance assez facile à mettre
en place dans un premier temps, JC demande une
attention constante. Humeur dépressive et
fluctuante, traits de personnalité narcissique.
JC reste très impulsif, intolérant à la
frustration.
28La mère est reçue toutes les 2 semaines, un
travail est réalisé autour de la verbalisation de
la peur de son fils. Le suivi s'établit sur un
travail multidisciplinaire entre les services
sociaux, la mère et notre institution. Suite à
des vols et violence sur un lieu de vie, il est
exclus du foyer et est envoyé brutalement en
famille d'accueil à plus de 200km. Au bout de 2
jours, JC pénètre dans un collège par effraction
et vole des ordinateurs, puis il se scarifie tout
le corps et réclame en pleurant de revoir sa
mère. Il est renvoyé chez sa mère ensuite et
depuis il vit chez sa mère. Les relations sont
meilleures.
29L'hôpital de jour se poursuit. JC continue à
adhérer aux soins mis en place, par contre il
refuse ou oublie très régulièrement son
traitement médicamenteux . JC n'est pas
scolarisé, il erre avec une bande de copains dans
la rue toute la journée. Il semble qu'il consomme
régulièrement des toxiques et de l'alcool. Mais
il respecte les séances d'hôpital de jour. La
situation reste gérable. Quelques mois plus tard,
lors d'une altercation banale avec sa mère, il
menace brutalement de se défenestrer le
compagnon l'arrête de justesse à la suite d'une
bagarre violente. JC est amené aux urgences et
hospitalisé une nuit. Le lendemain, nous allons
faire le point avec la mère qui est découragée et
demande à ce qu'il reste à l'hôpital, mais elle
refuse qu'il aille en secteur fermé.
30Nous faisons alors un contrat moral avec JC
nous lui proposons de rentrer chez lui avec un
traitement antipsychotique injectable retard
qu'il viendra faire chaque 15 jours, nous lui
demandons de venir à chaque séance
d'hospitalisation de jour et de respecter les
horaires que ses parents lui donnent. Comprenant
qu'il risque l'enfermement, il accepte ce
contrat. Evolution Le comportement de JC s'est
bien amélioré, il n'y a plus d'impulsivité grave,
plus de violence, plus de passage à l'acte
"délinquant". Il reste assez désœuvré la
journée, un programme de formation
professionnelle démarrera prochainement. Les
relations à la mère sont bonnes.
31Cela fait 5 mois que JC n'a pas commis de
violence, de vols ou ni de dégradation, que son
humeur est stable et que son comportement est en
adéquation avec la société dans laquelle il vit.
Nous aurions pu pourtant penser au départ que
nous narriverions pas à améliorer ce jeune.
Lélément favorable, en plus du travail intensif
fait avec la mère, a été lalliance mise en place
avec ce jeune qui rapidement a accepté notre
aide, sest montré motivé pour changer.
32A travers ses 3 cas cliniques, nous pouvons
apporter des exemples différents de troubles des
conduites qui ont eu une évolution différente
malgré un similitude des moyens thérapeutiques
mis en place. Il semble que ce sont les
conditions environnementales et plus
particulièrement familiales qui change le
pronostic de ces jeunes.
33Merci pour votre attention !!